Création de la notion de « marketing viral »

La publicité

La publicité est omniprésente dans les économies de marché (Vernette, 2001) comme dans les sociétés modernes dites de consommation. « On recourt à elle de façon très variable selon les secteurs, la conjoncture, les saisons. » (Lendrevie et al., 2001, p. 3). Robert Guérin (1957) employait une image très parlante à ce propos : « L’air est un composé d’oxygène, d’azote et de publicité. » (Guérin, 1957). Mais qu’est-ce que la publicité ? Haas (1988) proposait une définition sommaire de l’idée globalement acceptée, d’un point de vue profane, de ce que peut être la publicité : « Lorsqu’on parle de publicité, on fait le plus souvent allusion aux efforts poursuivis par des producteurs ou des commerçants privés dans l’intérêt du produit ou du service qu’ils souhaitent vendre. C’est effectivement le genre de publicité historiquement le plus ancien et actuellement le plus répandu. » (Haas, 1988, p. 5)2.

Elle est certainement la « technique de marketing la plus connue du grand public » (Vernette, 2001, p. 10). Les deux sont souvent confondus (Vernette, 2001). Nous y sommes confrontés quotidiennement et ce, dans une grande mesure. À titre indicatif, les études démontrent que les Nord-Américains sont exposés à plus de 3000 messages publicitaires par jour (Habilo Médias). Ainsi, le nouveau consommateur est exposé depuis son enfance aux publicités incessantes et aux émissions spécialisées qui lui ont dévoilé les mécanismes publicitaires. Il a développé une certaine expertise en matière de publicités et s’enorgueillit de l’avis qu’il peut émettre. Il la dissèque et l’analyse pour mieux la décoder. Cet individu expert et cet encombrement imposent aux publicitaires et autres spécialistes en marketing le défi de repenser leurs méthodes et de renouveler les pratiques publicitaires. Ce renouveau est nécessaire voire vitale puisqu’il est l’atout communicationnel principal de l’entreprise. Leduc (1987) compare même la publicité à une arme qui peut être décisive et parfois irremplaçable dans la bataille commerciale.

La marque doit en conséquence faire preuve de créativité pour se démarquer de la concurrence dans un marché souvent saturé. Comme le soulignent à juste titre Berthelot-Guiet et al (2009), dire que la communication de marque, et à plus forte raison la publicité, évolue est une évidence. Cependant, il nous importe d’étudier cette évolution. L’apparition de nouveaux supports et de nouveaux moyens techniques, ainsi que l’apparition de nouveaux marchés et de nouveaux produits – entre autres – sont intimement liées à ces transformations de la publicité (Minot, 2009). Les marques font donc appel à des professionnels – des publicitaires – qui développent des méthodes pour rendre les messages publicitaires toujours plus percutants. Ils rendent ainsi la publicité plus séduisante aux yeux des récepteurs en s’appuyant sur les progrès scientifiques. Ainsi, Cathelat (1988) disait la chose suivante : « pour ce faire le publicitaire utilisera tous les moyens qui sont à sa disposition pour découvrir, exalter, transformer et parfois créer cette différence exclusive à travers des mots, des images et des sons. » (Cathelat et al., 1988, p. 15). Les moyens financiers et techniques alloués à la création publicitaire sont énormes. Dupont (2009) présentait les chiffres suivants : 665 milliards de dollars en publicités dans le monde et par an, tous médias confondus (31 milliards de dollars pour la publicité sur Internet en 2006, soit 4,7 % du précédent montant).

Non contente des espaces qui lui sont dédiés, la publicité devient de plus en plus intrusive et envahit de nouveaux espaces. Rouquette (2009) citait en exemple le Web qui, à cause de la « mouvance de ses frontières » (Rouquette, 2009, p. 241), est un espace où la publicité déborde de diverses façons sur des emplacements différents de ceux qui lui étaient alloués de manière claire. On peut ainsi dire que « tous les médias peuvent l’intéresser et elle les intéresse tous. » (Lendrevie et al., 2001, p. 3). Si auparavant cette intrusion se limitait aux placements produits3 dans la culture populaire (cinéma, industrie vidéoludique, etc.), aujourd’hui les publicitaires voient plus grand. Ainsi, par exemple, en 2000 le programme spatial russe expédie la première publicité dans l’espace en lançant une fusée sur laquelle figurait un logo géant de Pizza Hut. Duchet et Lebtahi (2009) se posent la question du devenir de la publicité avec l’apparition des nouveaux supports. Ils se demandent si ces derniers vont « engendrer de nouvelles pratiques d’usages publicitaires et remettre en cause le chemin de l’A.I.D.A. (Attention, Intérêt, Désir, Achat) ou, au contraire, permettre à la publicité de suivre d’autres stratégies pour mieux arriver à ses fins. » (Duchet et al., 2009, pp. 11-12). Comme le souligne le Centre Canadien d’Éducation aux Médias et de Littératie Numérique, le défi à l’avenir sera peut-être de trouver des endroits publics et privés sans publicité.

Évolution de la pratique communicationnelle publicitaire7 « Pourquoi faire de la publicité ? » (Vernette, 2001, p. 10). « Avec le recul du temps, on peut dire que maintes campagnes publicitaires ont eu d’excellents effets mais pour les mauvaises raisons : ces effets ne semblaient pas découler du processus d’influence stipulé par la théorie, mais plutôt d’un autre processus, non prévu lui par la théorie. » (Kapferer, 1990, p. 29). « Quelles sont les tendances marketing émergentes qui influent actuellement sur la publicité ? Quelles modalités caractériseront la communication publicitaire de demain ? » (Lugrin, 2009, p. 193). Effectivement, Leduc (1987) dit de la publicité qu’elle est un outil difficile à maîtriser et que ses résultats sont aléatoires. Courbet (2001, 2006) dit même qu’à partir du milieu des années 1970 il y eut un premier fossé qui s’est creusé « entre, d’une part, les connaissances scientifiques du comportement du consommateur et du mode d’influence de la publicité, et d’autre part, les minces applications qui en sont faites. » (Courbet, 2001, 2006). Une question essentielle que pose Vernette (2001) dans la définition de la publicité : est-elle une « technique, science ou art ? » (Vernette, 2001, p. 10). L’auteur poursuit en affirmant que ces trois approches se superposent. En tant que chercheurs, nous ne pouvons nous contenter des définitions classiques de la publicité telles qu’elles sont présentées dans les dictionnaires8. Celles-ci sont trop restrictives dans leur approche.

Effectivement, ces définitions sont tout à fait insatisfaisantes puisque, comme le disent Lendrevie et al. (2001), d’un côté elles sont trop larges car elles couvrent l’ensemble de l’art de la vente, mais également trop étroites puisque la publicité n’est pas forcément commerciale ; d’un autre côté elles résument la publicité au simple objectif de faire connaître ou de vanter. Ce dernier point rend impossible la distinction d’avec les autres moyens de communication de l’entreprise « tels que la promotion des ventes, les relations publiques ou les vendeurs qui, eux aussi, font connaître leurs entreprises et vantent leurs produits. » (Lendrevie et al., 2001, p. 3). Notre but, tout au long de ce travail, est donc de proposer – à l’inverse de ces définitions bien trop restrictives – une approche de la publicité qui se veut globale. Pour cela, nous nous appuierons sur divers apports scientifiques qui ont pu alimenter l’étude de la publicité. Nous pourrons ainsi apprécier ce qui la caractérise. Précisons déjà que d’un point de vue éthologique, la publicité est une pratique exclusivement humaine. Comme le disaient déjà Lendrevie et al. (2001), « ce sont toutes ces caractéristiques que nous présentons dans les pages qui suivent, en les illustrant par des messages publicitaires car il n’est pas de meilleure définition de la publicité qu’elle-même. » (Lendrevie et al., 2001, p. 4).

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La communication a fait l’objet de nombreux modèles pour tenter de comprendre la transmission de l’information (Gerbner, 1956 ; Jakobson, 1960 ; Lasswell, 1948 ; Newcomb, 1953 ; Riley et al., 1959 ; Shannon, 1948 ; Shannon al., 1975 ; Weaver, 1949a, 1949b ; Eco, 1992). Elle recouvre à la fois une action de transmission, qu’elle soit volontaire ou non, de partage d’un contenu avec un ou plusieurs individus, et une opération matérielle visant à mettre en relation deux partenaires (Vernette, 2001). Ses enjeux s’articulent autour d’un certain nombre de points : informer, positionner, mobiliser, échanger, normaliser (Mucchielli, 1995). Pour nous faire une première idée de ce que peut bien être la publicité, Haas (1988) propose une définition qui, bien qu’incomplète, n’est pas limitative dans sa formulation et permet d’y inclure d’autres aspects de ce qu’est la publicité puisqu’il dit que « lorsqu’on parle de publicité, on fait le plus souvent allusion aux efforts poursuivis par des producteurs ou des commerçants privés dans l’intérêt du produit ou du service qu’ils souhaitent vendre. C’est effectivement le genre de publicité historiquement le plus ancien et actuellement le plus répandu. » (Haas, 1988, p. 5). En effet, cette définition ne traite que la facette la plus connue du grand public. Mais cette facette constitue un bon point de départ dans l’élaboration d’une définition plus complète de ce qu’est la publicité puisqu’il est globalement accepté par les individus. D’ailleurs, dans son ouvrage, il décrira d’autres formes de publicités.

En tant que forme de communication, la publicité vise en priorité les enjeux suivants : se situer en construisant une image et mobiliser pour faire vendre un bien ou un service (Vernette, 2001). La publicité est une communication de masse, donc impersonnelle9 – ce qui l’empêche, à l’inverse du vendeur avec qui elle partage le même désir de persuader pour vendre, de développer un argumentaire personnalisé et adapté à chaque consommateur (Leduc, 1987) –, partisane, c’est-à-dire qu’elle « ne peut pas être confondue avec de l’information, au sens strict » (Lendrevie et al., 2001, p. 4), et orientée puisqu’elle « structure son message de façon à obtenir un résultat prévu » (Vernette, 2001, p. 11). Elle est une communication unilatérale10 (Leduc, 1987). Elle est réalisée pour le compte d’intérêts qui sont identifiés ; ce sont ceux d’une organisation – d’un annonceur – qui paie un média pour diffuser un message qui est généralement créé par une agence de publicité (Batra et al., 1995). Elle est destinée à une cible définie pour l’informer « de l’existence d’une offre ou d’un fait, et structurée de façon à valoriser l’émetteur du message, dans le but de convaincre la cible d’aimer et d’acheter un produit ou un service. » (Vernette, 2001, p. 10). Mais comme le soulignent Lendrevie et al. (2001), cette définition, à ce stade, bien qu’elle fasse la distinction entre ceux qui participent à la fonction publicitaire, reste trop imprécise sur les domaines de la publicité et en particulier sur ses modes d’influence ainsi que sur ce qui la distingue des autres sources d’information du consommateur.

Table des matières

Introduction générale
Partie 1 – Ancrage théorique
1. La publicité
1.1. Évolution de la pratique communicationnelle publicitaire
1.2. Les apports scientifiques à la pratique publicitaire
2. La viralité
2.1. Origine de l’emprunt de la métaphore de la viralité : création de la notion de « marketing viral »
2.2. Métaphore de la viralité : un emprunt à l’épidémiologie et la virologie
2.3. Critique de la métaphore virale
2.4. Proposition d’une terminologie alternative
2.5. Notions apparentées
2.6. Contexte numérique de la viralité
2.7. La viralité : un phénomène de propagation dans les espaces numériques
2.8. Les contraintes cognitives comme limites de la viralité
2.9. Perspectives : peut-on prédire la viralité
2.10. Évaluation et mesure de la viralité
3. Conclusion partie 1
Partie 2 – Expériences
4. Intérêt de la méthode expérimentale dans les Sciences de l’Information et de la Communication
4.1. Expérience : haute définition et définition standard
4.2. Méthodologie expérimentale : Méthodologie de l’expérience 1 et 2
5. Conclusion partie 2
6. Discussion générale
Conclusion générale
Table des matières
Index des figures
Index des tableaux
Bibliographie
Webographie
Annexes
Annexe 1 : Histoire générale de la publicité
Annexe 2 : The virus of marketing
Annexe 3 : Le virus du marketing
Annexe 4 : 1er email d’appel à participation
Annexe 5 : 2e email d’appel à participation
Annexe 6 : Corpus vidéo retenu
Annexe 7 : Configuration et utilisation de Jdownloader
Annexe 8 : Configuration et utilisation de VLC media player
Annexe 9 : Configuration et utilisation d’EasyBrake
Annexe 10 : Configuration et utilisation de Tir-O-Sor
Annexe 11 : Questionnaire corpus complet
Annexe 12 : Questionnaire corpus réduit
Annexe 13 : Fiches de lecture
Annexe 14 : Fiche de renseignements
Annexe 15 : Questionnaire des valeurs sportives des athlètes
Annexe 16 : Résultats tests de comparaisons de variances et tests de Student expérience 1
Annexe 17 : Résultats tests de comparaisons de variances et tests de Student (sexe) expérience 1
Annexe 18 : Résultats tests de comparaisons de variances et tests de Student expérience 1 & 2
Annexe 19 : Résultats comparaison résultats expérience 1
Annexe 20 : Résultats corrélations expérience
Annexe 21 : Résultats analyse sémantique expérience 1
Annexe 22 : Résultats analyse en clusters des valeurs motivationnelles expérience 1
Annexe 23 : Résultats analyse sémantique expérience 2
Annexe 24 : Centre d’aide YouTube

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