NOTION DE RECOUVREMENT
Il convient d’appréhender la notion de recouvrement qui sera centrale dans cet exposé et nécessaire à la bonne compréhension du lecteur. Dans un premier temps, l’Administration doit déterminer l’impôt au travers des règles de détermination des revenus imposables ainsi que celles du calcul de l’impôt . Les règles d’établissement de l’impôt ne sont pas appréhendées par le Code du recouvrement mais par les Codes fiscaux tels que le Code d’impôts sur les revenus (CIR/92) ou encore le Code de la TVA (CTVA).
A la fin de cette première phase, il convient d’enrôler l’impôt. Pour ce faire, l’Administration dispose d’un moyen d’action, le privilège du préalable par lequel elle se décerne un titre exécutoire à elle-même. Ce privilège est reconnu très tôt, en 1929 déjà, la Cour de cassation indiquait que « le rôle est un acte authentique par lequel l’administration des finances se crée un titre contre le contribuable et manifeste sa volonté d’exiger le payement de l’impôt ; l’exécutoire, donné au rôle, est un ordre pour le contribuable de payer l’impôt réclamé sous peine d’y être contraint». Il est important de noter que le fisc ne doit pas s’embarrasser de passer par la voie juridictionnelle afin d’obtenir un jugement. Il appartiendra alors au contribuable qui entend contester l’imposition mise à sa charge de le faire et ce, avant qu’elle ne devienne définitive. L’on parle dans cette hypothèse de l’inversion du contentieux.
A la lecture de l’arrêt de la Cour de cassation, il peut être constaté qu’une fois le titre décerné, celui-ci doit recevoir exécution. Il s’agit du privilège de l’exécution d’office qui permet à l’Administration de recourir à l’exécution forcée afin de recouvrer l’impôt. Le Code du recouvrement a donc vocation à s’appliquer à la seconde phase, celle du recouvrement, qui commence au moment où la dette est inscrite dans un titre et non pas à la « perception pure et spontanée » des créances. A ce propos, il convient d’opérer une précision relative au titre de cet exposé, à savoir « Comment le nouveau Code du recouvrement entré en vigueur le 1er janvier 2020 pourrait-il améliorer la perception des impôts de l’Etat fédéral ? ». Le terme perception doit être compris comme un synonyme de « récupération » de l’impôt lorsqu’un contribuable ne s’exécute pas volontairement.
Face à ces premières considérations, l’on pourrait avoir tendance à considérer que le fisc est doté de moyens totalement démesurés face auxquels le contribuable se trouverait bien démuni. Nous ne contestons pas que l’Administration soit dotée de moyens très importants. Pourtant, il faut noter que le privilège du préalable est contrebalancé par divers tempéraments, à savoir les délais de paiement légaux, les plans d’apurement et délais de grâce en matière fiscale, le mécanisme de la surséance indéfinie au recouvrement, l’effet suspensif de la contestation ainsi que la prescription. Il apparaît nécessaire de clarifier la notion de titre exécutoire et d’opérer une différenciation selon que l’on se trouve en matière d’impôts sur les revenus ou de taxe sur la valeur ajoutée. En effet, en matière d’impôts sur les revenus, le rôle est nécessaire tant pour faire naître la dette que pour en poursuivre l’exécution. Tandis que la dette en matière de TVA naît via les actes qui seront posés par l’assujetti, en l’absence d’un quelconque titre. Le titre appelé le registre de perception et de recouvrement, et anciennement la contrainte, n’est là que pour servir au recouvrement de la dette, déjà existante . Concrètement, l’instauration du registre de perception et recouvrement (R.P.R.) permettra de regrouper les dettes auprès du seul receveur et de créer automatiquement un titre exécutoire, unique. Alors qu’auparavant, une contrainte devait être établie par le receveur, et ce, pour chaque dette de TVA et devait ensuite être déclarée exécutoire par le directeur régional. Cette multiplication de titres et d’intervenants était un frein à l’efficacité de la procédure de recouvrement. Ce registre participe donc à l’amélioration de la perception des impôts par l’Etat fédéral. Le R.P.R coexiste donc à côté du rôle et des décisions judiciaires coulées en force de chose jugée, lesquels constituent les trois titres exécutoires servant au recouvrement des créances fiscales et non fiscales. Les différents titres exécutoires seront abordés au point 6.1.
CREANCES CONCERNEES PAR LE NOUVEAU CODE DU RECOUVREMENT
Le champ d’application du nouveau Code du recouvrement est précisé à l’article 1er. Conformément à l’alinéa 1er, le Code « régit le recouvrement amiable et forcé des créances fiscales telles que définies par l’article 2, §1er, 8°, dont le recouvrement est assuré par l’administration du service public fédéral finances en charge de la perception et du recouvrement des créances fiscales et non fiscales ».
Le Code a, par conséquent, un champ d’application très large. Il s’applique, d’une part, au recouvrement des créances fiscales définies à l’article 2, §1er , 7°, c’est-à-dire aux impôts sur les revenus et précomptes en ce compris les décimes additionnels, aux taxes assimilées aux impôts sur les revenus, à la taxe sur la valeur ajoutée, aux taxes visées au livre II du Code des droits et taxes divers et au droit de mise au rôle. Sont également visés sous l’appellation de créance fiscale, les accroissements, amendes administratives et fiscales et accessoires qui sont relatifs aux impôts et précomptes susmentionnés. D’autre part, il s’applique également aux créances non fiscales qui sont définies à l’article 2, §1er, 8° qui sont les sommes, en principal ou accessoire, de nature non fiscale due à l’Etat, à ses organismes, aux Communautés, Régions et aux organismes d’intérêt public pour autant que la perception de ces sommes soit assurée par le S.P.F. Finances. La loi du 13 avril 2019 a opéré des modifications – voire abrogations – à de nombreuses dispositions du Code d’impôt sur les revenus (C.I.R). Or, le Code de la démocratie locale et de la décentralisation, ainsi que les décrets et ordonnances en Régions flamande et de BruxellesCapitale, renvoyaient précisément au C.I.R. et non au Code du recouvrement. Il existait un risque de vide juridique quant au recouvrement des taxes communales et provinciales – vide qui ne concernait pas les taxes régionales . Fort heureusement pour les finances locales, via des ordonnances et décrets, les Régions ont modifié leurs législations respectives afin de renvoyer au nouveau Code qui s’applique donc en principe aux taxes locales.
Le champ d’application matériel du Code, d’apparence très large, est pourtant à nuancer pour plusieurs raisons. Tout d’abord, seules les créances dont l’Administration générale de la Perception et du Recouvrement assure le recouvrement sont concernées par le Code. Dans la mesure où certaines Régions ont repris le recouvrement de créances fiscales, le champ peut s’en trouver plus restreint qu’il ne le semblait initialement . A titre d’exemple, la situation particulière du précompte immobilier en Région wallonne peut être soulignée. En effet, le Code du recouvrement s’appliquait aux précomptes immobiliers enrôlés à dater du 1er janvier 2020 et ne s’y applique plus depuis que la compétence en a été transférée à la Région wallonne le 1er janvier 2021. Ensuite, en ce qui concerne notamment certaines créances non fiscales, il convient de noter que cela reste théorique puisque les législations respectives devraient renvoyer au Code. Finalement, l’article 1er opère une précision importante à savoir que d’autres dispositions pourraient être appliquées, dans la mesure où elles sont compatibles avec le Code.
Le Code opère une grande révolution en raison de l’harmonisation des procédures de recouvrement à toutes les créances et ce, en les étendant aux créances non fiscales. Le fait que le Code du recouvrement s’applique peu importe la nature de la créance – fiscale ou non fiscale – que sa composante – en principal ou en accessoire – participe à rendre le recouvrement plus rapide, plus efficace et moins coûteux, et donc améliore la perception des impôts par le receveur. Ce but ressort d’ailleurs très clairement des travaux préparatoires . Toutefois, il convient de souligner que le Conseil d’Etat s’est interrogé quant à la proportionnalité de mesure de recouvrement fiscal lorsqu’il s’agissait d’un créancier privé et dont la créance était sans lien avec les recettes publiques.
1. Introduction |