Cours mécanique des milieux continus

SOLIDES, FLUIDES

Notions « intuitives »

Les milieux matériels dont nous souhaitons étudier les mouvements sont communément appelés « solides » et « fluides ». Ces deux notions, comme beaucoup de notions premières, ne sont pas si simples à définir. Le problème se complique encore lorsqu’on souhaite, comme tout un chacun, distinguer les liquides et les gaz à l’intérieur de la famille des fluides. Une enquête au micro-cravate dans une rue piétonne d’une bonne ville française témoignerait sans nul doute de la perplexité de nos concitoyens sur ces sujets. Plus facile à réaliser est la consultation d’un dictionnaire. Ouvrons le Petit Robert [63] et regardons d’abord, parmi les définitions, celles relatives à l’usage courant : Fluide:« Qui n’est ni solide,ni épais,qui coule aisément ». Mais l’huile par exemple, c’est épais ou non ? Allons voir à « solide ». Solide : « Qui a de la consistance, qui n’est pas liquide, tout en pouvant être plus ou moins mou ». Qui n’est pas liquide, avez-vous dit ? Feuilletons jusqu’à « liquide ». Liquide : « Tout corps qui coule ou tend à couler ». Peut-on dire que le sable sec qui coule entre les doigts est un liquide ?Comme on le voit, la frontière est bien floue entre un corps « plus ou moins mou » et un corps qui « tend à couler ». Les choses deviennent plus sérieuses avec les définitions scientifiques qui suivent les précédentes dans le même dictionnaire. Fluide : « Tout corps qui se laisse déformer sous l’action de forces minimes ; tout corps qui épouse la forme de son contenant ». Solide :« Se dit d’un corps dans lequel les molécules sont très rapprochées les unes des autres et vibrent avec une très faible amplitude autour de leur position d’équilibre ; qui a de la cohésion, garde une forme relativement constante lorsqu’il n’est pas soumis à des forces extérieures ». Liquide :« Tout corps à l’état fluide, pratiquement incompressible et formé de corpuscules (ions ou molécules) soumis à de faibles attractions ». Sur notre lancée, regardons à « gaz » : Gaz :« Tout corps qui se présente à l’état de fluide expansible et compressible (état gazeux) dans les conditions de température et de pression normales ». On voit déjà se dégager quelques pistes : – celles liées à la forme tout d’abord ; un solide a une forme propre susceptible de changer certes, mais on le reconnaît ; un fluide, quant à lui, a moins de caractère et prend la forme du récipient qui le contient ; – celles liées aux forces à exercer pour déformer le milieu ; pour les fluides, elles sont faibles devant celles nécessaires à la déformation d’un solide ; en particulier un fluide ne peut rester insensible à une caresse tangentielle ; – celles liées à la compressibilité ; dans la famille des fluides, les liquides semblent réfractaires à la compression, ce qui n’est pas le cas des gaz. On progresse, mais on est encore loin du but. Les frontières ne sont toujours pas nettement marquées. Tout peintre amateur (ou professionnel) a pu constater par exemple que certaines peintures ont un comportement de solide si on les laisse reposer un certain temps. Mais une agitation énergique redonne à une peinture solidifiée son aspect liquide, ce qui permet de passer la deuxième couche. Alors une telle peinture, solide ou liquide ? Il est grand temps d’aller chercher notre microscope et d’aller voir d’un peu plus près ce qui se passe.

Aspects microscopiques

C’est l’étude de la structure moléculaire d’un solide, d’un liquide ou d’un gaz qui va nous permettre d’aller un peu plus loin dans nos investigations. Observons la taille du personnage central : la molécule. Pour le moment nous ignorons les francs-tireurs que peuvent être les ions ou les électrons libres. La taille d’une molécule varie évidemment avec le milieu considéré. Disons qu’elle est de l’ordre de 10−10 m, c’est-à-dire d’un angström : 1 Å, soit un dix millième de micron (10−4 µm). Si on assimile une molécule à une sphère, on peut lui attribuer par exemple, pour de l’air, un diamètre δ =3,7 Å. Considérons un gaz appelé communément gaz parfait ou idéal. De quel volume dispose notre molécule pour évoluer dans un tel gaz ? On sait que 22,4 litres contiennent, dans des conditions normales de température et de pression (273 K, 1 atmosphère) 6,023×1023 molécules (nombre d’Avogadro). L’espace vital de chaque molécule est donc en moyenne de : 22,4×10−3 6,023×1023 m3, soit 3,7×10−26 m3, c’est-à-dire environ 1 400 fois le volume de la particule elle même. Le moins qu’on puisse dire est qu’elle est à son aise. Et pourtant, elle partage un espace de 1 cm3 avec 2,69×1019 (moins une) de ses compagnes. La matière est donc loin de remplir tout l’espace qu’elle semble occuper. Cette relative discrétion est encore aggravée par le fait que la masse d’une molécule est elle même principalement concentrée dans les noyaux des atomes. Regardons maintenant les forces s’exerçant entre molécules. Il s’agit là de phénomènes fort complexes. Il ne faut jamais perdre de vue que l’approche moléculaire n’est qu’une modélisation tendant à rendre compte de quelques aspects de la « réalité ». Ce qui va suivre ne constitue donc qu’une approche relativement grossière. Toujours dans le cadre de cette schématisation, on considère que chaque molécule est sphérique et que, pour un même corps, elles sont toutes identiques. En général deux molécules s’attirent, sauf si la distance d séparant les centres de ces molécules est de l’ordre de grandeur de leur diamètre δ. Alors dans un réflexe bien compréhensible de défense de leur intégrité, elles développent une force répulsive. Si d est grand devant δ (de 10 à 100 Å par exemple), les actions mutuelles sont d’attraction faible, d’intensité variant comme d−7, puis d−3 si d augmente. À une distance d0 de l’ordre de 3 à 4 Å, les molécules sont en position d’équilibre stable l’une par rapport à l’autre. Ces considérations (très schématiques, rappelons-le) sont résumées sur la figure 1.1 qu’on peut trouver par exemple dans la référence [37] page 3. Revenons maintenant à nos solides, liquides et gaz. On a vu que, dans un gaz parfait aux conditions normales, les molécules disposaient pour se mouvoir d’un volume grand devant δ3. Les forces d’attraction entre molécules sont donc faibles, sauf si deux d’entre elles se rapprochent l’une de l’autre. Chaque molécule a ainsi une certaine liberté d’explorer le monde. Un gaz tend à occuper tout le volume qui lui est offert. Dans un solide ou un liquide au contraire, les molécules sont aussi rapprochées que les forces de répulsion le permettent ; d est de l’ordre de δ. La cohésion du milieu est donc très forte. On conçoit qu’alors le milieu oppose une résistance à la compression ou à l’extension.
Pour un solide, la disposition des molécules les unes par rapport aux autres est quasiment permanente. La structure d’ensemble peut être considérée comme fixe tant que la température n’approche pas la température de fusion. Chaque molécule est donc contrainte de rester dans son village d’origine. Pour se dégourdir les jambes, elle ne peut qu’effectuer des oscillations de faible amplitude (agitation thermique). Les molécules d’un liquide ont une liberté de mouvement qu’on pourrait qualifier d’intermédiaire entre celle des molécules d’un solide et celle des molécules d’un gaz. Certaines peuvent passer d’un groupe à un autre. L’arrangement moléculaire se modifie sans cesse.

 MILIEU CONTINU

Il ressort de ce qui précède que les propriétés d’un milieu, qu’il soit solide ou fluide, ne sont pas uniformément distribuées. La distribution apparaît d’autant moins uniforme que l’échelle d’examen est plus petite. La mécanique dite « des milieux continus » s’intéresse au comportement de la matière à une échelle grande devant les distances inter-moléculaires, si bien que la structure moléculaire pourra ne pas être prise en compte de façon explicite.
D’où l’hypothèse du milieu continu : un milieu « continu » est un milieu dont le comportement macroscopique peut être schématisé en supposant la matière répartie sur tout le domaine qu’il occupe, et non, comme dans la « réalité », concentrée dans une partie de volume très petite.
Les quantités introduites lors de la schématisation et associées à la matière (par exemple : masse volumique, vitesse,…) sont elles aussi considérées comme réparties sur tout le domaine occupé par le milieu. On les représente alors par des fonctions continues. Pour illustrer ce propos, considérons un volume V occupé par un milieu matériel et traçons la courbe représentative des valeurs du rapport M/V en fonction de V, Métant la masse de matière contenue dans V. Pour de faibles valeurs de V, le pêcheur de matière va connaître les aléas de tout pêcheur. Partant de V =0 et augmentant la taille de son filet, tantôt il ramène un nombre important de molécules, tantôt il est quasiment bredouille. Les valeurs de M/V qu’il obtient sont donc très fluctuantes. À partir d’un certain volume (noté V1 sur la figure 1.2), un effet de moyenne va s’instaurer et M/V va prendre une valeur constante pour V variant de V1 à V2. Cette valeur sera considérée par le mécanicien des milieux continus comme la valeur locale de ce qu’il va appeler la masse volumique.
Une particule macroscopique, dont la position sera assimilée à un point géométrique dans la schématisation du milieu continu, sera en fait la représentante de particules microscopiques contenues dans un volume compris entre V1 et V2.Il est important de noter qu’une particule ne correspond pas à un ensemble déterminé de molécules. Au cours de l’évolution d’un milieu continu, une partie des molécules appartenant à une particule sera échangée avec les particules voisines aux instants ultérieurs en raison du mouvement d’agitation à l’échelle microscopique. Ce processus est à l’origine des phénomènes dits « de diffusion » (quantité de mouvement, chaleur, etc.) (cf. [26] p. 90).

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