Comment l’APU assiste l’EHO
Du coté de l’ordinateur
• Un vocabulaire flou
Dans un premier temps Michel Volle se propose de repositionner le vocabulaire utilisé autour de l’ordinateur. Si nous reprenons l’historique de l’ordinateur, allant de l’ENIAC au téléphone mobile, force est de constater que le concept d’ordinateur est à l’image du vocabulaire informatique : à la fois flou, peuplé de faux amis et de contre-emplois plus ou moins involontaires sources de contresens et d’incompréhensions. A ce titre les anglo-saxons ne sont pas plus aidés par leur vocabulaire condensé où l’on confond « théorie de l’information » avec « théorie de la transmission des données » (cf Shannon) où les langages de programmation sont de purs formalismes conceptuels à la syntaxe rigide n’admettant pas la moindre dénotation contextuelle cette respiration de la pensée qui fait la joie des littéraires. De manière similaire il serait préférable de nommer les langages objets informatiques langages de programmation orienté objets manipulant les notions de classes, attributs et instanciation. L’emploi « numérique » est lui aussi très ambigu il ne traduisait initialement que la transformation du support de stockage ou de transmission permettant le passage du signal digital au signal numérique et assurant la convergence des technologiques voix/images/télécommunication contrôlé par des systèmes électromécaniques vers l’univers du réseau/informatique piloté par l’ordinateur.
• Une innovation de première importance : le modèle en couches
Après avoir définit l’ordinateur multi usages comme l’automate programmable par excellence Michel Volle présente le modèle en couche largement diffusé au sein de la communauté informatique pour expliquer les relations qui lient les différentes disciplines contribuant à l’informatisation de la société. Au premier niveau, au plus proche du sable ou plus exactement du silicium se trouve la microélectronique et la physique des composants (microprocesseurs, circuits imprimés…).Au second étage l’architecture des ordinateurs avec leurs systèmes d’exploitation, cette machine virtuelle permettant de gérer les mémoires de stockage et les unités de traitements (langage du système opérant) ainsi que les langages de programmation. Puis plus proche de l’EHO les sciences sociologiques orchestrant la mise en œuvre contextuelle de la technologie au sein des organisations. A l’image de Popper, Blondel ou Foucault, Michel Volle fait l’éloge de cette pensée en strates, ce modèle en couche qui permet grâce à la notion d’interface d’articuler des logiques différentes tout en gardant une homogénéité très forte au sein d’une même couche par le biais des protocoles. Cette innovation philosophique permet de mieux comprendre et de maîtriser les différents registres de la conversation numérisée dissociant à l’image d’un De Saussure les parties physique, physiologiques, phonétique, sémantique et logique de la « théorie de l’information élargie ».Après avoir retracer l’épopée de l’ordinateur et la diffusion des microprocesseurs (loi de Moore) et des ordinateurs personnels, Michel Volle en analysant le taux de pénétration de l’informatique met en avant des facteurs structurels de crise : choc du marché de renouvellement face à une production surdimensionnée aboutissant à une crise des débouchés auquel le secteur informatique des composants et des équipements dangereusement endetté après des années de veau d’or ne s’est pas préparé.
Automatisme et intelligence
• L’épopée de l’informatisation de l’entreprise
Michel Volle retrace l’ensemble de ces différentes phases depuis l’organisation du travail de bureau (loop de Chicago 1880) avec ses pionniers des machines de classement électromécanique assurant la mécanisation du travail de bureau (backoffice) à l’arrivée des premiers ordinateurs en 1950 qui marqueront une évolution majeure de ces ateliers électromécanique en assurant un partage du travail entre ordinateurs et humains avec de fortes innovations dans les secteurs des assurances et banques (cœur de l’activité tertiaire) (distributeur de billet, moyens de paiements.. ). Enfin après l’automatisation des activités de l’usine au bureau donnant naissance à des applications ad hoc, apparaîtront dans les années 1970-1980 , les notions de systèmes d’information (vision systémique de l’entreprise) et la bureautique communicante renforçant l’informatisation de masse liée à la diffusion massive des ordinateurs personnels et l’outillage des processus transverses et du travail collaboratif (workflow). Cette diffusion à grande échelle des TIC dans les organisations et l’ensemble du corps social est génératrice d’entropie et de désordre que les instances de régulation naissantes peinent à endiguer. Le changement technologique apparait tour à tour comme opportunité d’amélioration de des conditions de vie et source de désordre, d’entropie et de déstabilisation.
• Les limites de l’informatisation
Cette croissance en terme de périmètre d’usage de l’ordinateur et des sciences du traitement de l’information, complexifie les notions même de travail et d’organisation et se pose alors le problème des limites de l’automatisation et de l’informatisation à la fois en terme de faisable et de souhaitable. L’ordinateur peut-il apporter à l’humanité ce supplément d’intelligence et de sagesse qui seront indispensables pour relever nos nouveaux défis et éviter à nos civilisations de sombrer comme de nombreuses civilisations antérieures dans le déclin puis la barbarie ? Là encore il convient de démystifier l’animal non pas pour euthanasier le rêve mais pour rendre la technologie utile à l’homme à l’abri de tous les phantasmes. Deux termes doivent impérativement être réévalués dans le contexte des NTIC : celui de complexité et celui d’intelligence. Que couvrent ces notions dans le cadre qui nous préoccupe ici ? Michel Volle relève trois limites majeures définissant les formes complexe de l’informatisation :Au niveau descriptif ou discursif de la représentation et de la précision du langage. Au niveau de l’explosion combinatoire des assemblages et couplages potentiels des traitements élémentaires .Au niveau de la logique pure des systèmes formels supportant les machines de Turing (Gödel)La notion d’intelligence artificielle et les débats hallucinés des années 1970 autour de ces sujets ont rendu la notion inintelligible. L’analogie entre cerveau et ordinateur a généré de nombreux fantasmes alors qu’Il faudrait plus simplement voir le couple ordinateur/logiciel comme un artefact évolué embarquant l’intelligence de ces géniteurs humains et conçus non par mimétisme du vivant mais comme une prothèse, une excroissance mécanique, une fonction organique externe à l’homme (ce que Michel Volle nomme l’Automate Programmable Doué d’Ubiquité).