Courbure moyenne des surfaces de l’espace euclidien 

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Rigidité de la notion de courbure et premiers exemples

Le Theorema Egregium nous assure que la courbure de Gauss est invariante par isométrie, alors que la courbure moyenne ne l’est clairement pas puisque si on considère la symétrie centrale de R3 la courbure moyenne change de signe par changement d’orientation. Mais on peut considérer des exemples moins triviaux. Par exemple, il existe une isométrie envoyant une partie du plan sur un cylindre droit 2, dans ce cas la courbure de Gauss reste nulle car il y a une courbure principale nulle correspondant à l’axe du cylindre, par contre la courbure moyenne qui est la moyenne des courbures principales devient non-nulle, en fait égale à 12 dans le cas d’un cylindre de rayon 1. Inversement, est-ce que la courbure détermine la surface ? Dans le cas de la courbure de Gauss constante, le théorème suivant répond par l’affirmative.
Théorème 1.2.1. Deux surfaces lisses ayant des courbures de Gauss constantes et égales sont localement isométriques.
Quitte à remplacer la courbure de Gauss par la courbure sectionnelle, ce théorème se généralise en toutes dimensions. En d’autres termes, toute variété à courbure sectionnelle constante est localement isométrique à l’un des espaces modèles que sont : l’espace euclidien, la sphère ronde et l’espace hyperbolique.
Par contre dans le cas de la courbure moyenne la réponse est clairement négative puisque la sphère de rayon 2 et le cylindre de rayon 1 sont toutes les deux à courbure moyenne constante égale à 12 . On verra beaucoup d’autres exemples de surfaces différentes ayant des courbures moyennes constantes et égales dans la section 2.1.
FIGURE 1.2 – La sphère de rayon 2 et le cylindre de rayon 1 : deux surfaces à courbure constante moyenne constante égale à 12 .
Il est clair que, du moins localement, la courbure moyenne ne semble pas donner beaucoup d’informations sur la forme de la variété que l’on observe. Toutefois il ne faudrait pas s’arrêter à ce manque de rigidité locale, car comme le montre la section suivante la courbure moyenne encode bien des informations essentielles sur la forme de la variété considérée.

Première et seconde variations

Soient (M, h) et (N , g) deux variétés riemanniennes orientées de dimensions respectives n et n + 1 et f : M → N une immersion isométrique. Notre but ici est de considérer des petites perturbations de f et de regarder le comportement de quantités géométriques comme l’aire ou le volume.

Le problème isopérimétrique

Un sujet fortement relié à celui des hypersurfaces à courbure moyenne constante stables est celui des domaines isopérimétriques d’une variété complète (N ,g), c’est-à-dire des do-maines Ω ⊂ N de volume fixé dont l’aire du bord est minimale. Le bon cadre pour attaquer un tel problème est celui de la théorie géométrique de la mesure dont on trouvera une présentation claire et concise dans [84]. En effet dans ce cadre on considère des objets moins rigides que les hypersurfaces : les courants. L’espace des courants peut s’interpréter comme la complétion de l’espace des hypersurfaces pour une norme adaptée. De sorte que tout ensemble de courants borné est précompact. Ceci permet d’obtenir des résultats d’existence que la non complétude de l’espace des hypersurfaces rendait impossible. En revanche le prix à payer pour cela est de sacrifier la régularité. Toutefois on possède aujourd’hui une théorie de la régularité pour de tels courants minimisants. Cette théorie a été développée dans les années 60, notamment par Almgren, Bombieri, De Giorgi, Guisti et Fleming, voir le chapitre 8 de [84]. Le résultat essentiel de cette théorie réside dans le théorème suivant.
Théorème 1.4.1. Soit T un courant rectifiable de dimension n d’aire minimale à volume prescrit. Alors T est une hypersurface lisse à courbure moyenne constante en dehors d’un ensemble singulier de dimension au plus n − 7.
Lorsque l’on a existence de tels domaines, ce qui n’est pas automatique, toutefois c’est le cas dans une variété compacte ou un espace modèle 6, reste à déterminer leur forme. Dans le cas euclidien, on sait que ces hypersurfaces sont nécessairement des sphères. D’ailleurs il existe une multitude de preuves de ce résultat, comme le principe de symétrisation de Steiner, voir Burago-Zalgaller [15] ou encore la preuve très élégante due à Gromov présentée dans Berger-Gostiaux [8]. Mais on peut appliquer le résultat de Barbosa et do Carmo, théorème 3.1.2 de la section 3.1, pour obtenir le théorème suivant.
Théorème 1.4.2. Dans un espace modèle, les solutions du problème isopérimétrique sont nécessairement des sphères géodésiques.
Dans le cas d’une variété compacte générale, la situation semble beaucoup plus compliquée.
On aura toutefois quelques éléments de réponse dans la section 3.3.
On peut également s’intéresser à un problème semblable : le problème de partitionnement. On se donne un domaine Ω d’une variété riemannienne (N , g), σ ∈]0, 1[ et on considère le problème suivant :
Déterminer les hypersurfaces d’aire minimale dont le bord est contenu dans ∂Ω et qui divise Ω en deux ouverts Ω1, Ω2 tels que |Ω1|g = σ|Ω|g et |Ω2|g = (1 − σ)|Ω|g.

Le cas particulier des surfaces

Ici on présente le cas des surfaces (i.e. n = 2) qui est tout à fait spécifique, notamment vis-à-vis du comportement conforme. En effet, outre l’existence de coordonnées conformes, l’invariance conforme d’un certain nombre de quantités comme l’énergie fait que la courbure moyenne possède un très bon comportement en dimension 2.

Théorie des surfaces de R3 en notation classique

On va développer le cas euclidien pour des questions de clarté, mais il n’y a aucune difficulté à considérer des surfaces dans des espaces ambiants plus généraux, comme nous le verrons au chapitre 3.
Soit D un domaine du (x, y)-plan et u : D → R3 une immersion lisse. La première forme fondamentale est alors
Iu = Edx2 + F dxdy + Gdy2, où E = ux, ux , F = ux, uy et G = uy, uy . On définit alors l’application de Gauss n : D → S2 par n = ux ∧ uy . ux ∧ uy
On peut alors calculer la seconde forme fondamentale en considérant les dérivées den puis en les projetant sur le plan tangent. On obtient alors IIu = Ldx2 + M dxdy + N dy2, où L = − nx, ux = n, uxx , M = − nx, uy = n, uxy et N = − ny, uy = n, uyy .
Théorème 1.5.1. Soit I une forme quadratique lisse définie positive sur un ouvert D simple-ment connexe du plan, alors il existe φ ∈ Diff(D) tel que φ∗(I) = ρ(dx2 + dy2) où ρ est une fonction lisse et positive de D.
On trouvera une preuve relativement classique dans [24] et une utilisant de manière très astucieuse l’étoile de Hodge dans [34].

Correspondance entre surfaces à courbure moyenne constante et ap-plications harmoniques

Comme on l’a vu dans la section précédente, toute immersion d’une surface Σ dans R3 admet localement en tout point un paramétrage conforme. En particulier une telle immersion si elle est munie d’une orientation peut être considérée comme une surface de Riemann. Son application de Gauss est alors une application de cette surface de Riemann dans la sphère de Riemann.
Dans le cas des surfaces minimales, il est bien connu que l’application de Gauss est ho-lomorphe et qu’étant donnée une telle application on peut construire une surface minimale correspondante, c’est la représentation d’Enneper-Weierstrass que l’on rappelle ici, voir [88] pour plus de détails. Théorème 1.5.2. Soient D un domaine simplement connexe de R2 et u : D → R3 une immersion minimale (H = 0) alors g =n : D → C ∪ {∞} est méromorphe et il existe f : D → C holomorphe telle que u(ξ) = ℜ 0 f (1 − g2) dz, 0 i f (1 + g2) dz, 2 0 f g dz pour tout ξ ∈ D.
De plus f a un zéro d’ordre au moins 2m là où g a un pôle d’ordre m.
Réciproquement, pour toute application méromorphe de D, il existe une surface minimale ayant cette application comme application de Gauss.

Courbure moyenne des surfaces de l’espace euclidien

Le but de ce chapitre est de donner un bref panorama des surfaces à courbure moyenne constante, mais aussi d’essayer de comprendre quelles courbures moyennes sont admissibles pour une surface. Comme on l’a vu dans la section 1.2, contrairement à la courbure de Gauss, la courbure moyenne n’est pas très rigide, du moins localement. Cependant nous allons voir que globalement nous possédons quelques théorèmes de classification. Nous verrons également qu’il existe des restrictions d’ordre global sur les courbures moyennes de surfaces.

Zoologie des surfaces à courbure moyenne constante

Les surfaces de révolution de R3

Tout commence en 1841 avec Delaunay qui classifia les surfaces de révolution à courbure moyenne constante [33].
Soient une courbe lisse contenue dans le plan z = 0 de R3 et γ : I → R3 un paramétrage de par la longueur d’arc. Supposons de plus que γ2(s) > 0 pour tout s ∈ I. On note S la surface engendrée par la rotation de la courbe C autour de l’axe x, soit S = {(x(s), y(s)cos(θ), y(s)sin(θ)) | s ∈ I, θ ∈ [0, 2π]} , avec γ(s) = (x(s), y(s), 0). On peut alors calculer les deux formes fondamentales : IS = ds2 + y(s)dθ2 et IIS = (x′′(s)y′(s) − x′(s)y′′(s))ds2 + x′(s)y(s)dθ2.
Donc trouver les surfaces de révolution à courbure moyenne constante revient à résoudre le système suivant (x′(s))2 + (y′(s))2 = 1, x′(s)+x′′(s)y′(s)−x′(s)y′′(s))ds2+x′(s)y(s) = H. y(s)
Après l’avoir normalisé, on trouve trois familles de courbes : les chaînettes pour H = 0, et deux familles de courbes engendrées par des intégrales elliptiques pour H = 1. En fait ces familles étaient connues depuis longtemps, elles correspondent à la trace du foyer d’une conique qui roule sans glisser le long d’un axe.
Théorème 2.1.1 (Delaunay, 1841). Une surface de révolution à courbure moyenne constante est localement congruente à un plan, un cylindre droit, une sphère, une caténoïde, un onduloïde ou un nodoïde.
Par la suite, tout cela a été généralisé en dimensions plus grandes. On trouvera un équivalent du théorème de Delaunay chez Hsiang et Yu, voir [59].

Les surfaces compactes

Dans le cas des surfaces compactes, l’un des plus anciens résultat généraux de classification remonte à Hopf qui montre un résultat de rigidité pour les sphères de dimension 2 à courbure moyenne constante.
Théorème 2.1.2 (Hopf 1951). Soit S une surface simplement connexe à courbure moyenne constante, alors c’est une sphère ronde.
On en trouvera la preuve dans [58]. Elle repose essentiellement sur la caractérisation des sphères comme surfaces ombiliques et sur une bonne utilisation de la formule de Poincaré-Hopf.
Mais peut-on affaiblir les hypothèses, c’est-à-dire considérer des surfaces de genre quel-conque ? Hopf avait conjecturé que oui. D’ailleurs, quelques années plus tard, Aleksandrov [1] montre cette conjecture dans le cas particulier des surfaces plongées et qui plus est en toutes dimensions. Alors que le résultat de Hopf est faux en dimensions plus grandes comme le montreront plus tard Hsiang et al. , voir le Chapitre VII de [44]. Pour montrer son résultat, Aleksandrov développe une méthode qui va trouver de nombreuses applications en géométrie mais aussi en analyse : le principe de réflexion d’Aleksandrov 1.
Théorème 2.1.3 (Aleksandrov 1956). Soit S ⊂ Rn+1 une hypersurface à courbure moyenne constante. Si S est plongée, alors c’est une sphère ronde.
Nous allons donner une preuve concise de ce théorème afin d’introduire le principe de réflexion. La preuve proposée ici ne nécessite que le principe du maximum de Hopf comme pré-requis, elle est le fruit des lectures des différentes preuves que j’ai pu croiser dans la littérature. Dans un souci de clarté la preuve sera faite en dimension 3 mais son extension en dimensions plus grandes ne pose aucune difficulté supplémentaire.
Preuve du théorème 2.1.3 :
Tout d’abord on dérive de (1.4) l’équation vérifiée par un graphe à courbure moyenne constante égale à 1. Si la surface S = {(x, y, u(x, y)) t.q. x, y ∈ D} est à courbure moyenne constante, où u ∈ C2(D, R), alors (1 + uy2)uxx − 2uxuyuxy + (1 + ux2)uyy = 1. (2.2) 2(1 + |∇u|2) 23
Afin d’étudier cette équation non-linéaire du second ordre, on pose O(p, q, r, s, t) = (1 + q2)s − 2pqr + (1 + p2)t − 2(1 + p2 + q2) 32 .
En utilisant le lemme d’Hadamard, on obtient O(p1, q1, r1, s1, t1)−O(p2, q2, r2, s2, t2) = P (p1−p2)+Q(q1−q2)+R(r1−r2)+S(s1−s2)+T (t1−t2) où P, Q, R, S, T sont des fonctions explicites de p1, q1, r1, s1, t1, p2, q2, r2, s2 et t2. On peut de plus vérifier que ST −R2 > 12.
En appliquant ceci avec p = ux, q = uy, r = uxy, s = uxx et t = uyy, on vérifie que si u1 et u2 sont deux fonctions définies sur D vérifiant (2.2) alors aij (x)∂ij (u2 − u1) + ∇ (u2 − u1), h = 0 où A = (aij (x)) est uniformément définie positive sur D et h est une fonction lisse sur D. En d’autres termes la différence entre deux surfaces à courbure moyenne constante égale à 1 vérifie une équation uniformément elliptique d’ordre 2. On va donc pouvoir appliquer le principe du maximum de Hopf. En particulier, supposons que u1 ≤ u2 et que u1(x0) = u2(x0) pour x0 ∈ Ω. Alors soit u1 ≡ u2, soit x0 ∈ ∂Ω et ∂ (u2 − u1) (x0) > 0, ∂ν où ν est la normale sortante de D. Ceci implique que deux surfaces de même courbure moyenne constante ne peuvent rester l’une sous l’autre et être tangente en un point.
Après ce préliminaire analytique, nous sommes en mesure de prouver le théorème.
Soit S une surface plongée dans R3 à courbure moyenne constante que l’on supposera, quitte à dilater notre surface et/ou changer l’orientation, égale à 1. Nous allons montrer que cette surface admet un plan de symétrie dans toutes les directions, ce qui achèvera la preuve, puisque la sphère est la seule surface compacte ayant une telle propriété.
Soit un plan P qui n’intersecte par S. Soitη la normale de ce plan qui pointe vers S, on considère alors la famille de plan Pt = P +ηt . Il existe un premier temps t0 > 0 où Pt0 ∩S est non vide. Pour t > t , on note S+ le symétrique par rapport à P t de S− = S ∩ { P t + uη t.q. u < 0 } , 0 t t voir figure 2.7.
De plus les normales de ces points de contact sont clairement égales puisque St vient de l’intérieur de S, donc localement autour de ce point ces surfaces sont des graphes de courbure moyenne constante 1. On peut donc appliquer le principe du maximum évoqué plus haut. Il est alors clair que Σ+t1 et Σt1 sont localement égales et donc globalement par connexité. Ce qui prouve que Σ+t1 est le symétrique de Σ−t1 par Pt1 , ce qui achève la démonstration.
Il existe une preuve totalement différente de ce théorème due à Reilly reposant sur l’inégalité de Heintze-Karcher, dont on trouvera une preuve très éclairante dans l’ouvrage de Montiel et Ros [83]. D’ailleurs, en utilisant cette idée, Ros [97] a généralisé le théorème aux courbures moyennes d’ordre supérieur. Enfin, il est à noter que, toujours en exploitant cette idée, on peut affaiblir l’hypothèse de plongement, en supposant simplement qu’il s’agit d’une immersion qui borde. Cependant l’hypothèse de plongement est quasi-nécessaire. En effet, en 1983, Wente [121] démontre l’existence de tores immergés dans R3 à courbure moyenne constante et par là-même réfute la conjecture de Hopf.
Théorème 2.1.4 (Wente 1983). Il existe une immersion de T 2 dans R3 dont l’image est à courbure moyenne constante.
On trouvera une preuve assez claire de ce théorème au chapitre 6 de [68].
En fait la zoologie de telles immersions est assez importante. Le cas des tores a été classé par Pinkall et Sterling [91]. Puis, au cours des années 90, Kapouleas a montré l’existence de surfaces à courbure moyenne constante de genre arbitraire dans [62], [63], [64] et [65].
Théorème 2.1.5 (Kapouleas 90’). Pour tout entier g, il existe une surface compacte à courbure moyenne constante de genre g. De plus, pour g ≥ 2, il existe une infinité de telles surfaces.
Pour les surfaces de genre 2, Kapouleas les construit en faisant fusionner deux tores de Wente. Pour le genre supérieur, il développe une technique qui consiste à recoller entre eux des morceaux de surfaces de Delaunay. Cette technique étant très robuste, elle sera à l’origine de beaucoup d’autres constructions notamment dans le cas riemannien. Nous allons la décrire brièvement sur un cas particulier.
Par exemple, pour g = 4, on positionne 5 sphères de rayon 1 sur les sommets et au centre d’un carré. Puis on joint ces sphères par des surfaces de Delaunay. Mais on ne peut pas prendre n’importe quelle surface au choix parmi les onduloïdes et les nodoïdes. Premièrement parce que si on ne choisissait que des onduloïdes, la surface serait plongée, ce qui serait absurde d’après le théorème d’Aleksandrov. Deuxièmement, il va falloir qu’aux voisinages des sphères la formule de l’équilibre 1.14 soit vérifiée. Si on fait une construction symétrique, elle le sera trivialement au centre. Par contre ce n’est pas évident au niveau des sommets. Pour cela on calcule la « force » du bord d’un onduloïde et d’un nodoïde. De manière générale, pour une surface de révolution de génératrice γ.
Bien sûr, le fait d’arriver à coller ces sphères et ces surfaces de Delaunay en restant à courbure moyenne constante n’est pas trivial, cela demande une analyse minutieuse. L’idée est de prendre une configuration de surfaces de Delaunay comme ci-dessus, de les recoller de manière à obtenir une surface lisse. Puis, c’est ici le point clef, de les perturber via un théorème des fonctions implicites en des surfaces à courbure moyenne constante. Pour que cette perturbation soit possible il faut a priori que l’opérateur de Jacobi soit non dégénéré, or c’est rarement le cas. Toutefois le noyau de celui-ci est souvent de dimension finie, lorsque par exemple les cous sont petits, c’est-à-dire qu’on est proche d’un chapelet de sphères, dans ce cas on peut tout de même perturber notre surface en annulant l’action de ce noyau en jouant sur un certain nombre de paramètres comme le paramétrage conforme ou encore la taille des cous.
Même si on possède une multitude d’exemples de surfaces à courbure moyenne constante compacte, leur espace de module est loin d’être encore parfaitement compris. Par exemple, récemment, Pacard et Jleli [60] ont construit de nouveaux exemples pour g ≥ 3.
Enfin pour conclure ce paragraphe, il est à noter que l’espace de module des surfaces à courbure moyenne constante complète non compacte est lui plutôt bien compris, voir [51],[73], [80] et les références associées.

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Le cas particulier des surfaces stables

Comme on vient de le voir, la classification des surfaces à courbure moyenne constante compacte n’est pas claire. Cependant, si on se restreint au cas des surfaces stables, la situation est beaucoup plus simple, grâce au théorème suivant dû à Barbosa et Do Carmo, [6].
Théorème 2.1.6 (Barbosa, do Carmo, 1984). Soit S ⊂ Rn une hypersurface compacte à courbure moyenne constante. Si S est stable, alors S est nécessairement une sphère ronde.
En fait, si on se restreint au cas des surfaces, on a encore mieux.
Théorème 2.1.7. Soit S ⊂ R3 une surface complète à courbure moyenne constante. Si S est stable, alors S est nécessairement un plan ou une sphère ronde.
Ce résultat a été démontré de manière indépendante par da Silveira et Palmer dans leurs thèses respectives, alors que Lopez et Ros publiait également une démonstration dans [77].

Quelques obstructions pour la courbure moyenne des sur-faces compactes

Dans la section précédente nous avons fait un peu de zoologie des surfaces compactes à courbure moyenne constante. Mais une question naturelle serait maintenant de savoir quelles sont les fonctions H qui sont courbure moyenne d’une surface ? Bien sûr, compte tenu du caractère extrinsèque de la courbure moyenne, la courbure à prescrire H sera définie dans l’espace ambiant. On trouve d’ailleurs ce problème dans la longue liste de problèmes ouverts proposée par Yau [106] dans les années 80.
Problème 59 (Yau [106]) :
Soit H : R3 → R une fonction lisse. Peut-on trouver une condition raisonnable sur H pour assurer l’existence d’une surface compacte de genre fixé et dont la courbure moyenne serait donnée par H ?
Tout d’abord on peut rappeler une remarque de Almgren : pour un H « convenable », on peut trouver ∂Ω dans R3 ayant pour courbure moyenne H en maximisant sur tous les domaines Ω ⊂ R3 la quantité F (Ω) = Hdξ − A(∂Ω).
Dans ce cas une fonction H convenable serait continue, bornée, intégrable et de sorte que sup H > 0. Par contre, on ne voit pas vraiment ce qui va lier le genre de ∂Ω et H.
Une première réponse dans le cas des surfaces de genre nul a été donnée par Bakelman et Kantor [5], voir aussi [118]. En effet, ils montrent l’existence de sphères à courbure moyenne prescrite en supposant que H ne décroit pas plus vite que la courbure moyenne des sphères rondes centrées en l’origine.
D’autre part il pourrait sembler judicieux de s’inspirer de ce qui a été fait pour la courbure de Gauss. Bien entendu toute courbure de Gauss doit vérifier la formule de Gauss-Bonnet K dσ = 2π(2 − 2g), où g est le genre de la surface. Mais il existe d’autres obstructions, notamment les deux résultats suivant dus à Kazdan et Warner.
Théorème 2.2.1 (Kazdan, Warner, 1972). Une surface de révolution compacte de R3 ne peut admettre de courbure de Gauss strictement croissante selon son axe de révolution.
L’idée ici est que l’équation satisfaite par la génératrice γ ′′+Kγ =0, n’a pas de solution pour K croissant avec des conditions convenables au bord, voir [67]. Une question naturelle serait de savoir si on peut s’attendre à un résultat similaire pour la courbure moyenne ? C’est ce que nous allons regarder aux sections 2.2.1 et 2.2.2.
L’autre résultat concerne le problème de courbure prescrite dans une classe conforme de la sphère, [66].
Théorème 2.2.2 (Kazdan, Warner, 1975). On considère la sphère munie de sa métrique standard (S2, g0) et K une fonction lisse de S2. S’il existe une fonction u lisse telle que K soit la courbure de Gauss de la métrique g = eug0 alors ∇ K, ∇φ1 dvg = 0, où φ1 est une fonction propre associée à la première valeur propre non nulle de Δg0 .
Comme l’ont remarqué Druet et Robert [43], cette obstruction est un équivalent de l’obs-truction de Pohožaev, voir [92], pour l’équation de courbure prescrite. Ceci est dû à l’invariance conforme de l’équation sous l’action du groupe des difféomorphismes de S2 qui est non compact. On verra dans les sections 2.2.1 et 2.2.3 comment exploiter cette idée dans le cas de la courbure moyenne.

La courbure moyenne ne peut être croissante dans une direction : le cas plongé

Il existe un analogue du théorème 2.2.1 pour la courbure moyenne d’une surface plongée. Cependant, la courbure moyenne étant une notion extrinsèque, sa croissance n’est pas considérée par rapport à la surface mais par rapport à l’espace ambiant. Le résultat suivant, démontré par Kirsch dans sa thèse, [69], montre qu’en effet la courbure moyenne ne peut être strictement croissante dans une direction.
Théorème 2.2.3. Soit n ≥ 2 et H : Rn → R une fonction Lipschitz telle qu’il existee ∈ Rn vérifiant ∇ H(x)e, > 0 pour presque tout x ∈ Rn, alors il n’existe aucune surface compacte C1 plongée dans Rn de courbure moyenne H.
En fait ce théorème est un peu plus général puisqu’on peut remplacer la courbure moyenne par n’importe quelle k-ième courbure moyenne.
Preuve du théorème 2.2.3 :
Supposons par contradiction qu’une telle hypersurface S existe. Alors en utilisant la formule de la première variation (1.1) avec le champ de vecteurs constante , on obtient H(xe,) N (x) dσ = 0, (2.3) où N est le vecteur normal de S et dσ son élément de volume. Puisque S est plongée, d’après le théorème de Jordan généralisé, il existe Ω ⊂ Rn un ouvert borné tel que S = ∂Ω. En utilisant la formule de Stokes, on obtient He, N (x) dσ = e, ∇H(x) dx = 0, S Ω ce qui contredit le fait que ∇ H(x)e, soit strictement positif, et prouve le théorème.
Il est à noter que l’idée générale du théorème 2.2.3 a été mentionnée de manière indépendante par Caldiroli et Musina [20] et que ce théorème admet une réciproque, pour les petites surfaces quasi-sphériques, démontré par Caldiroli [19].
Théorème 2.2.4 (Caldiroli, 2003). Soient H : R3 → R une fonction lisse et p ∈ R3 un point critique non dégénéré de H, alors il existe une suite Sε de surfaces lisses se concentrant en p, tel que en tout point y ∈ Σε la courbure moyenne soit égale à 1ε H(y). De plus, la suite de surfaces 1ε (Sε − p) converge vers une sphère ronde.
Une question naturelle serait de savoir si le théorème 2.2.3 pourrait s’étendre au cas des hypersurfaces immergées. Ici, comme dans le cas de la classification des surfaces à courbure moyenne constante, le cas immergé semble beaucoup plus compliqué. Cependant, dans le cas des courbes qui est nettement plus rigide, nous démontrons un tel résultat dans la section 2.2.2. Enfin, pour conclure cette section, on propose une nouvelle identité dont la démonstration repose sur l’invariance conforme grâce à laquelle on tente d’obtenir une obstruction de type Pohožaev. Proposition 2.2.1. Soient H : R3 → R une fonction lisse et u : S2 → R3 un plongement qui borde un domaine Ω, de courbure moyenne H(u), alors ∇H(y) ∧ y dy = 0 (2.4)
Cette identité est assez faible puisqu’on ne peut pas en dériver directement d’obstruction. En effet pour cela il faudrait une fonction H telle que (∇H ∧ y)1 soit positif dans tout l’espace par exemple, ce qui imposerait à la fonction H d’être strictement croissante le long des cercles centrés en 0 et contenu dans le plan yz, ce qui serait absurde. Par contre comme nous le verrons après la démonstration, cette identité contient l’obstruction de Kirsch.

Table des matières

Introduction 
Présentation des résultats
Organisation de la thèse
Liste des travaux de l’auteur
1 Généralités concernant la courbure moyenne 
1.1 Définition générale
1.2 Rigidité de la notion de courbure et premiers exemples
1.3 Première et seconde variations
1.4 Le problème isopérimétrique
1.5 Le cas particulier des surfaces
2 Courbure moyenne des surfaces de l’espace euclidien 
2.1 Zoologie des surfaces à courbure moyenne constante
2.2 Quelques obstructions pour la courbure moyenne des surfaces compactes
3 Surfaces à courbure moyenne constante dans une variété courbée 
3.1 Dans les espaces modèles
3.2 Le cas général
3.3 Obstruction et unicité
3.4 Preuve du corollaire 3.3.1
4 Preuve du théorème 3.3.3 
4.1 L’équation de courbure moyenne dans une variété riemannienne de dimension 3
4.2 Préliminaires
4.3 Décomposition de uε comme somme de sphères
4.4 Estimée forte
4.5 Preuve du théorème
4.6 Estimée sur l’interaction entre les bulles
4.7 Résultats techniques
5 Surfaces à courbure moyenne constante à bord dans l’espace euclidien 
5.1 Le problème de Plateau
5.2 Surfaces à courbure moyenne constante à bord libre
5.3 Régularité et estimée a priori sur les surfaces à courbure moyenne constante à bord libre
6 Preuve du théorème 5.2.4 
6.1 Décomposition de uε en somme de sphères et d’hémisphères
6.2 Il y a au moins un hémisphère dans la décomposition
6.3 Preuve du théorème 5.2.4
6.4 Résultats annexes
7 Annexes et résultats généraux 
7.1 L’équation linéarisée
7.2 Inégalités de Wente classiques et généralisées
7.3 Espaces de Lorentz et application à l’inégalité de Wente
Bibliographie

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