Courbure de Ricci grossière de processus markoviens
Un peu de géométrie riemannienne
La géométrie riemannienne traite de variétés riemanniennes, qui sont des variétés différentiables munies d’une métrique qui ressemble localement à celle d’un espace euclidien. Cette métrique permet de définir une façon de dériver des champs de tenseurs sur la variété. Le défaut de commutativité de deux dérivations successives permet de définir le tenseur de Riemann. Le tenseur de Ricci est alors défini à partir du tenseur de Riemann. 0.1.1 Variétés riemanniennes et géodésiques Rappelons tout d’abord la définition d’une variété riemannienne. Définition 0.1 Une variété riemannienne est un couple (M, g) où M est une variété différentiable munie d’une métrique g, qui est un champ de formes bilinéaires symétriques définies positives sur l’espace tangent. C’est à dire pour tout x dans M, gx(., .) est une forme bilinéaire symétrique définie positive sur TxM, l’espace tangent à M au point x. Pour simplifier, on se placera dans le cadre où M est une variété C ∞ et g est C ∞. 4 INTRODUCTION Grâce à la métrique g, on peut définir la longueur des courbes de la façon suivante : si γ : [0, T] 7→ M est une courbe C 1 , sa longueur est l(γ) = Z T 0 q gγ(t)(γ 0 (t), γ0 (t))dt. Étant donnés deux points x et y sur M, on définit la distance d(x, y) comme l’infimum des longueurs des courbes C 1 joignant x et y. Une courbe réalisant cet infimum sera appelée géodésique, elles existent et sont uniques pour x et y assez proches. La définition usuelle des géodésiques en géométrie riemannienne est plus générale, nous la verrons un peu plus loin. On peut remarquer que les géodésiques parcourues à vitesse constante (c’est à dire telles que p gγ(t)(γ 0 (t), γ0 (t)) = cste = l(γ) T ) sont exactement les courbes qui minimisent la fonctionelle L(γ) = Z T 0 gγ(t)(γ 0 (t), γ0 (t))dt, à extrémités fixées γ(0) = x et γ(T) = y, et à T fixé. En effet, pour une courbe γ quelconque, si on note γ˜ la courbe γ reparamétrée pour que sa vitesse soit constante (donc γ(t) = ˜γ R t 0 p gγ(u)(γ 0 (u), γ0 (u))du ), on obtient L(γ) = Z T 0 gγ(t)(γ 0 (t), γ0 (t))dt ≥ 1 T Z T 0 q gγ(t)(γ 0 (t), γ0 (t))dt 2 = L(˜γ) avec égalité si et seulement si γ est à vitesse constante, auquel cas L(γ) = l(γ) 2 T . Les équations d’Euler–Lagrange associées à la minimisation de L peuvent s’écrire dans une carte : x¨ k (t) = −Γij k (x(t)) ˙x i (t) ˙x j (t) (EG) où les coefficients Γ k ij = g kl 2 (∂igjl + ∂jgil − ∂lgij ) sont les coefficients de Christoffel, qui dépendent de la carte choisie et ne représentent pas un objet canonique sur M. Les courbes qui satisfont ces équations seront également appelées géodésiques, et elles minimisent localement la longueur dans le sens où la restriction de γ aux sous-intervalles [t1, t2] minimisent la longueur des courbes joignant γ(t1) et γ(t2) pour t2 − t1 assez petit. 0.1.2 Dérivation des champs de tenseurs et transport parallèle Grâce aux géodésiques, on peut définir des cartes canoniques : les cartes exponentielles. Ainsi, on pourra dériver des champs de tenseur, ou même un tenseur défini seulement le long d’une courbe, et définir ainsi le transport parallèle le long d’une courbe. Définition 0.2 Soit x ∈ M, l’application exponentielle au point x est celle qui associe à tout p ∈ TxM dans un voisinage de 0 la valeur au temps 1, si elle existe, de l’unique solution de l’équation des géodésiques (EG) avec les conditions initiales x(0) = x et x˙(0) = p. 5 0.1. UN PEU DE GÉOMÉTRIE RIEMANNIENNE La variété riemannienne est dite complète si l’application exponentielle est définie partout (voir le théorème de Hopf–Rinow et son corollaire dans [15] pour d’autres propositions équivalentes). Cette application exponentielle est un difféomorphisme entre un voisinage de 0 dans TxM et un voisinage de x dans M. Elle définit donc une carte, que l’on appelle la carte exponentielle. Soit T j1…jl i1…ik un champ de tenseurs C ∞. Le champ de tenseurs ∇iT j1…jl i1…ik est défini comme celui qui a pour coordonnées ∇iT j1…jl i1…ik (x) = ∂iT j1…jl i1…ik (0) dans la carte exponentielle au point x. Ses coordonnées dans une carte quelconque sont alors : ∇iT j1…jl i1…ik = ∂iT j1…jl i1…ik − X k α=1 Γiiα mT j1…jl i1…iα−1miα+1…ik + X l α=1 Γim jα T j1…jα−1mjα+1…jl i1…ik . avec Γij k les coefficients de Christoffel de la carte. L’opérateur ∇ est appelé connexion de Levi–Civita, il définit le gradient des champs de tenseurs de façon canonique. Supposons que l’on ait un tenseur défini sur une courbe γ(t) : T(t) ∈ T ∗ γ(t)M⊗k ⊗ Tγ(t)M⊗l . On peut alors dériver T le long de γ : ( d dt T) j1…jl i1…ik = d dt (T j1…jl i1…ik ) + − X k α=1 Γiiα mT j1…jl i1…iα−1miα+1…ik + X l α=1 Γim jα T j1…jα−1mjα+1…jl i1…ik ! dγ i (t) dt . Cette façon de dériver T ne dépend pas de la carte choisie car on obtient d dt T = ∇iTγ˙ i en prolongeant T à M. Définition 0.3 Soit γ : [0, T] 7→ M une courbe C 1 . Le transport parallèle de p ∈ Tγ(0)M le long de γ est l’unique solution p(t) ∈ Tγ(t)M de d dt p(t) = 0 avec la condition initiale p(0) = p. Le transport parallèle définit des isométries entre les espaces tangents Tγ(t)M. 0.1.3 Tenseur de Riemann, courbure sectionelle et courbure de Ricci La non-commutation des dérivations successives permet de définir le tenseur de Riemann, à partir duquel sont définies courbure sectionelle et courbure de Ricci. Contrairement au cas de l’espace euclidien, on n’obtient généralement pas un tenseur symétrique en appliquant plusieurs fois l’opérateur ∇. La non-commutation des dérivées successives est caractérisée par le tenseur de Riemann.
Définition 0.4
Le tenseur de Riemann est l’unique champ de tenseurs Rij k l satisfaisant (∇i∇j − ∇j∇i)V k = Rij k lV l pour tout champ de vecteurs V de classe C 2 . Le tenseur de Riemann s’annule sur toute la variété si et seulement si elle est localement isométrique à l’espace euclidien, c’est pourquoi on l’appelle aussi courbure de Riemann. Son expression dans une carte quelconque est la suivante : Rij k l = ∂iΓjl k − ∂jΓil k + Γim kΓjl m − Γjm kΓil m. Dans la carte exponentielle, la métrique est constante à l’ordre 1 et on obtient une expression simplifiée du tenseur de Riemann : Rijkl(x) := gkk0(x)Rij k 0 l(x) = 1 2
Inégalités de Poincaré
Une inégalité de Poincaré est une inégalité fonctionnelle. En probabilités, elle caractérise la vitesse de convergence exponentielle vers la mesure d’équilibre d’un processus markovien. En analyse, une inégalité de Poincaré est une inégalité de la forme : Z Ω f 2 d vol ≤ C Z Ω k∇fk 2 d vol, pour toute fonction f suffisament régulière telle que R Ω fd vol = 0, avec Ω un ouvert de R n , ou d’une variété riemannienne. Dans le cadre des processus markoviens en temps continu, ces inégalités se généralisent en remplaçant k∇fk 2 par Γ(f, f), avec Γ l’opérateur carré du champ associé au processus, et en remplaçant d vol par la mesure d’équilibre du processus. 0.2.1 Générateur, mesure d’équilibre, mesure réversible Un processus markovien en temps continu est caractérisé par un semi-groupe P t d’opérateurs agissant sur les fonctions mesurables bornées de l’espace des états E. P t f(x) est l’espérance de f(Xt), avec Xt la valeur à l’instant t du processus issu de x. Dans la plupart des cas classiques, le processus admet un générateur L, qui est un opérateur agissant sur un domaine dense d’un espace fonctionnel qui contient les fonctions mesurables bornées, et qui satisfait Lf = limt→0 P tf−f t . Souvent, le générateur suffira à définir le semigroupe markovien. Il est toutefois possible que des processus markoviens différents aient le même générateur. Définition 0.7 On appelle mesure invariante du processus une mesure µ qui reste stable sous l’action de P t , c’est à dire qui satisfait : Z P t fdµ = Z fdµ pour toute fonction f µ-intégrable et pour tout t > 0. En particulier, si f est dans le domaine de L, on a Z Lfdµ = 0. Définition 0.8 On appelle mesure réversible du processus une mesure µ telle que P t est autoadjoint dans L 2 (µ), c’est à dire qui satisfait : Z fPt gdµ = Z gPt fdµ pour toutes les fonctions f, g dans L 2 (µ) et tout t > 0. En particulier, si f et g sont dans le domaine de L, on a Z fLgdµ = Z gLfdµ. Si le processus est défini de façon unique par le générateur, on peut se contenter des formules ne faisnt intervenir que L et non P t pour définir les mesures invariantes et réversibles. Le cas qui nous intéressera sera celui où µ est une mesure de probabilité. On remarque que dans ce cas, une mesure réversible est une mesure d’équilibre, en prenant g = 1 dans la définition 0.8. Intuitivement, la réversibilité signifie que la loi du processus Xt dont le point de départ X0 est choisi selon la mesure réversible est la même que la loi du processus en temps inversé XT −t entre 0 et T, et ce pour tout T > 0.
Résumé |