Couplage de Ugi-Smiles et Ammoniac
Au cours du premier chapitre, nous avons présenté le couplage de Ugi- Smiles, qui constitue une voie d’accès rapide et efficace à des composés de type N-aryl carboxamides, ainsi qu’à leurs équivalents hétérocycliques. Dans la littérature, il ressort que la plupart des dérivés N-arylés ou N- hétéroarylés qui ont trouvé une application thérapeutique possèdent une fonction N-H, ce qui élève les NH-pyridines ou NH-pyrimidines au rang de familles de composés à haut potentiel pharmacologique. sur l’intégrine VLA-4, qui s’exprime à la surface de nombreux leucocytes. Il a été montré que l’adhésion de cette molécule à certains ligands portés par les cellules endothéliales joue un rôle clé dans certains processus inflammatoires, notamment ceux impliqués dans l’asthme, ou l’arthrite rhumatoïde. Ainsi, la conception d’inhibiteurs de l’intégrine VLA-4 était au cœur des préoccupations de l’industrie pharmaceutique ces dernières années. Doherty d’une part, et Porter d’autre part, ont mis en évidence les intéressantes propriétés de dérivés de NH-pyridines et NH-pyrimidines à cet égard (schéma II.1). Ils ont en outre prouvé que ces dérivés N-hétéroarylés présentent une meilleure activité en tant qu’inhibiteurs de VLA-4 que leurs analogues N- arylés. . Cette molécule intervient comme antagoniste des récepteurs CCR4 de chimiokines, groupe de petits peptides cytokiniques qui régulent le trafic cellulaire de plusieurs types de leucocytes. Elle présente en outre une activité contre le psoriasis (schéma II.2). , qui agit par inhibition de l’enzyme cyclooxygénase 2 (COX-2), dont la surexpression entraîne une activité inflammatoire. Ces composés se distinguent des anti-inflammatoires non stéroidiens classiques, qui inhibent aussi bien COX-1 que COX-2, et se sont avérés être de potentiels facteurs déclencheurs d’ulcères. Ils constituent par ailleurs une alternative à toute une gamme d’inhibiteurs plus récents, sélectifs de COX-2, qui engendreraient une augmentation des risques cardiovasculaires. Le Rofécoxib, commercialisé par Merck sous le nom de Vioxx, avait été retiré du marché en 2004 pour cette raison, alors même qu’il avait généré 2,5 milliard de dollars de revenus l’année précédente. D’autres dérivés NH-hétéroarylés ont encore été décrits comme permettant de lutter contre l’ostéoporose.
Comme nous l’avons constaté précédemment, les dérivés N-arylés qui présentent un intérêt d’un point de vue thérapeutique appartiennent le plus souvent à la famille des NH-pyridines, ou NH-pyrimidines. Or, il apparaît que ces molécules sont potentiellement accessibles par un couplage de Ugi-Smiles dont le partenaire amine serait l’ammoniac, au lieu de l’amine primaire usuelle (schéma II.3). Toutefois, comme l’a souligné Kazmaier en 2003, rares sont les exemples de réaction de Ugi classique réalisés avec l’ammoniac. Au cours de son travail sur la variante à 5 composants du couplage de Ugi, qui utilise un alcool et le dioxyde de carbone en lieu et place de l’acide carboxylique, Armstrong est parvenu à synthétiser plusieurs aminoamides protégés par une fonction carbamate à l’aide de l’U-5CC qui utilise l’ammoniac comme amine . Selon les exemples, l’ammoniac a soit été introduit avec le dioxyde de carbone sous la forme d’un carbamate d’ammonium ([H2NCO2]-[NH4]+), soit mis à buller dans le solvant. Cependant, la spécificité de ces adduits, qui possèdent une liaison NH « libre », n’a pas fait l’objet d’un intérêt particulier. De son côté, Kazmaier s’est intéressé à la réaction de Ugi, en tant qu’outil particulièrement puissant pour la synthèse de fragments peptidiques contenant des acides aminés non protéinogènes. Ces derniers sont largement répandus au sein des peptides ou cyclopeptides produits par des organismes et microorganismes marins. Ceci étant, les quantités de produit qui peuvent être isolées de ces ressources naturelles sont souvent plus que modestes, et dès lors, pour que des études de Lorsqu’une amine primaire est engagée dans le couplage de Ugi, le peptide obtenu est N-alkylé. L’utilisation de l’ammoniac permet d’accéder à des peptides contenant une fonction amide secondaire analogues à ceux que l’on peut trouver dans la nature, et c’est pour cette raison que Kazmaier a travaillé à son développement .
Ses premiers essais ont été effectués en 2003 avec l’isobutyraldéhyde, l’isocyanoglycinate de méthyle, et les sels d’ammonium de divers acides carboxyliques mis en solution dans le méthanol dans des proportions équimolaires. L’utilisation de sels d’acides forts comme l’acide trifluoroacétique, l’acide p-toluènesulfonique, ou l’acide pentafluorobenzoïque s’est soldée par un échec, puisqu’aucun adduit n’a pu être isolé. En revanche, le produit de Ugi a été observé lorsque le benzoate d’ammonium a été engagé dans le couplage, mais seulement à l’état de trace (5%) (schéma II.4, composé U tel que R = i-Pr). En effet, le produit majoritaire de la réaction est un produit secondaire, SP1 (R = i-Pr, Rs = Me, 33%), dans lequel deux molécules d’aldéhyde, ainsi qu’une molécule de solvant, ont été incorporées. Il semblerait donc que, dans ces conditions, un couplage à 6 composants soit plus favorisé que le U-4CR attendu. Dans un premier temps, la réaction a été reproduite avec deux équivalents d’aldéhyde pour tenter d’augmenter le rendement de cette transformation inattendue, mais de manière surprenante, c’est une molécule cyclique, SP2, qui a alors été obtenue (68%). Dans un deuxième temps, un solvant moins nucléophile que le méthanol, à savoir le trifluoroéthanol, a été employé de façon à empêcher l’insertion d’une molécule de solvant dans l’adduit final. Dans ces conditions (R = i-Pr, Rs = CF3CH2), la formation du produit secondaire SP1 a été évitée, et le produit de Ugi U désiré a été isolé avec un rendement satisfaisant de 45%.