Corrosion des armatures

Perte de masse

La Figure 103 présente les résultats du suivi de la perte de masse obtenus par mesures gravimétriques. Chaque point de cette figure est une valeur moyenne de la perte de masse en fer mesurée sur deux échantillons soumis aux mêmes conditions.
Une augmentation de la perte de masse en fer avec le nombre de cycles et avec l’ouverture de fissure est observée. Elle tend ensuite à se stabiliser entre 30 et 60 cycles. Cette observation correspond à celles faites par Tutti [78] et Ghantous [1]. Il est cependant important de noter la très grande variabilité des résultats, rendant l’observation d’un éventuel effet bénéfique de l’application des produits colmateurs impossible. En effet, aucun effet n’est observé après l’application des produits.

Cinétique de corrosion

En représentant les résultats en terme de cinétique de corrosion (Figure 104), il a été constaté que la vitesse de corrosion moyenne diminue fortement après 60 cycles d’humidification/séchage en raison de la précipitation des produits de corrosion qui tendent à colmater le fond des fissures et limiter l’accès de l’eau et de l’oxygène au niveau de l’interface acier/mortier, ce qui ralentit la propagation de la corrosion et peut entraîner la repassivation des barres d’acier. Cette diminution de la cinétique de corrosion peut être due à la densification des produits de corrosion qui étant peu conducteurs ralentissent les échanges ioniques ente l’anode et la cathode. Ceci est en adéquation avec les conclusions des études expérimentales de Ghantous et al et de Tuutti [1], [78]; et de la modélisation proposée par Millard et L’Hostis [160]. On peut également noter qu’après 60 cycles, la vitesse de corrosion moyenne ne dépend plus de l’ouverture résiduelle de fissure et se situe entre 10 et 20 µm/an, ce qui veut dire que la vitesse de corrosion instantanée est sans doute 10 fois plus faible. On peut alors affirmer que l’ouverture de fissure n’a pas d’influence sur la phase de propagation de la corrosion. Cette constatation rejoint les conclusions des études de Francois et Arliguie [67], Mohammed et al [74] et Ghantous et al [1].

Effet du rechargement mécanique / réouverture de fissure (scénario 2)

Afin d’évaluer l’impact du rechargement mécanique / réouverture de fissure sur la cinétique de corrosion, deux rechargements mécaniques ont été réalisés après 60 et 70 cycles de pluie (180 et 210 jours). Ces échéances ont été choisies en se basant sur les résultats de l’étude de Ghantous [1]. En effet, l’auteur a constaté que la cinétique de corrosion n’évoluait plus après 180 jours d’exposition dans des conditions similaires.
Pour déterminer la valeur de chargement maximal à appliquer pour réouvrir les fissures sans créer de nouveaux endommagements à l’interface acier/mortier et sans augmenter l’ouverture résiduelle initiale, une montée en charge progressive a été adoptée et les valeurs ont été fixées à 2 et 3 kN pour respectivement les ouvertures de 100 et 500 µm. Un changement du comportement « élastique » des éprouvettes a été constaté comme le montre la Figure 105. En effet, après 60 cycles de corrosion, un chargement de 7 kN sur un échantillon avec une ouverture de fissure de 500 µm génère une augmentation d’ouverture de fissure de près de 200 µm alors que pendant la fissuration initiale de l’échantillon, un chargement de 19 kN (soit presque 3 fois plus grand) engendre une augmentation de l’ouverture de 100 µm seulement.

Résultats du suivi instantané de la corrosion

Dans cette partie, les résultats sont présentés sous la forme de courant de corrosion global qui a été estimée comme cela a été expliqué dans la section § 7.3.2 du chapitre II.
La Figure 111 compare le courant de corrosion de 3 échantillons non traités. Les résultats montrent une augmentation immédiate du courant de corrosion à chaque humidification, qui diminue fortement dès l’arrêt de la phase d’humidification, et ne recommence qu’au cycle suivant. Chaque pic sur le graphe correspond donc à un cycle de pluie.

Effet du rechargement mécanique / réouverture de fissure

Dans la partie précédente, un effet bénéfique instantané apporté par l’application des trois produits a été observé. Dans cette partie, un rechargement en flexion 3 points a été appliqué à 78 jours d’exposition dans le but d’évaluer son effet sur la cinétique de corrosion sur un matériau non traité, mais également de voir si les produits colmateurs qui ont montré une efficacité maximale vis-à-vis de la corrosion résistent à un rechargement mécanique (réouverture de fissure). Dans cette partie, le rechargement a été piloté en terme d’ouverture de fissure maximale sous chargement.
Les Figure 118, Figure 119 et Figure 120 présentent les mêmes résultats que les Figure 112, Figure 113 et Figure 114 de la partie précédente (§ 2.2.1) mais à une échéance plus longue et incluant la période post-rechargement mécanique.
La première constatation qui peut être faite, est qu’aucun effet du rechargement n’est visible sur les échantillons non traités (Ref – 1) quelle que soit l’ouverture de fissure.
En ce qui concerne AC (Figure 118), une augmentation du courant de corrosion immédiatement après le rechargement mécanique est enregistrée. Cette augmentation est plus marquée pour l’ouverture de 100 µm avec des valeurs maximales qui passent de 1 µA à des valeurs dépassant les 14 µA immédiatement après le rechargement. Pour les ouvertures de 500 µm, les valeurs maximales sont d’environ 12 µA à 90 jours.

Validation de la méthode

Les résultats de cette nouvelle méthode de suivi de corrosion qui couple l’expérimentation à la simulation numérique doivent être validés. Pour cela une éprouvette prismatique sur laquelle un suivi de courant a été réalisé, a été expertisée en mesurant la longueur corrodée et en déterminant la perte de masse en fer par l’intermédiaire d’une mesure gravimétrique (Figure 122).

Etude de corrosion sur poutrelles

Dans cette partie, l’étude de corrosion a été faite sur des échantillons de grande taille (55 × 15 × 15 cm) (poutrelles) avec deux lits d’armatures. Les objectifs étant d’évaluer dans un premier temps l’effet de la qualité de l’interface acier/mortier sur la cinétique de corrosion.
Ensuite l’effet du rechargement mécanique et l’effet des produits colmateurs ont été abordés.

LIRE AUSSI :  La définition des argiles

Top bar effect

La Figure 124 montre des photos des longueurs carbonatées aux interfaces acier/mortier des poutrelles après 2 mois de carbonatation accélérée. La longueur carbonatée mesurée au niveau de la partie inférieure de l’interface de la barre supérieure « Top bar » est beaucoup plus grande (8,5 cm) que celle mesurée sur la partie supérieure de l’interface de la barre inférieure « Bottom bar » (3,5 cm). Ceci est dû à la qualité de ces interfaces. Eneffet, des défauts et des vides existent sous la barre d’armature supérieure (Top bar) facilitant la diffusion du CO2 et par conséquent la carbonatation le long de cette interface [1].
Il est important de noter que l’ouverture de la fissure interceptant la « Top bar » est plus grande que celle interceptant la « Bottom bar » (voir §4.2 du chapitre II). Par conséquent, les dommages mécaniques doivent être plus importants à l’interface acier/béton de la « Top bar » que dans l’interface de la « Bottom bar ». Cependant, cette longueur carbonatée de la « Top bar » devrait être la même que celle observée sur les échantillons prismatiques car l’ouverture de fissures interceptée par l’armature est la même. Or, ce n’est pas le cas. En effet, cette longueur est égale à environ 8,5 cm sur la « Top bar » alors qu’elle est d’environ 5 cm sur l’interface des échantillons prismatiques avec la même ouverture de fissure. Ce qui dénote la qualité moindre de cette interface.
La Figure 125 présente les résultats du suivi de courant réalisé sur deux poutrelles non traitées. Ces résultats sont exprimés en courant de corrosion global estimé ( §7.3.2). La première constatation qui peut être faite est que la hauteur des pics décroit très rapidement après quelques cycles de pluie/séchage. Ensuite, en comparant les courants des « Top bar » avec ceux des « Bottom bar », on remarque un courant plus élevé sur les « Top bar » mais sur une longueur corrodée plus grande.

Effet des produit colmateurs

Après avoir évalué l’effet de l’application des produits sur des prismes avec une seule armature, leur effet sur des poutrelles avec deux lits d’armatures a été abordé dans cette partie dans le but de se rapprocher le plus de ce qui est rencontré sur un ouvrage. Il est important de noter que dans cette partie les produits ont été appliqués avant d’initier la corrosion.
La Figure 128 compare le courant de corrosion d’échantillons non traités et traités par les trois produits. Ces résultats montrent que la corrosion n’est pas initiée (<3 µA) sur les poutrelles traitées par les différents produits.

Effet du rechargement mécanique / réouverture de fissure

Dans cette partie, des poutrelles non traitées ont subi un rechargement mécanique après 130 jours d’exposition aux cycles de pluie/séchage. Ce dernier a été piloté en ouverture de fissure et non pas en valeur de la charge appliquée. Le but de ce dernier est d’atteindre l’ouverture de fissure maximale atteinte durant le chargement initial (Figure 129).

Conclusion

Les résultats de ce chapitre indiquent une diminution de la cinétique de corrosion avec le nombre de cycles de pluie/séchage. De plus, il a été vérifié que les produits de corrosion ne se propagent pas au-delà des limites de la zone carbonatée. Ces résultats peuvent être expliqués par le fait que les produits de corrosion colmatent le fond des fissures limitant ainsi l’accès de l’oxygène et de l’eau à l’interface acier/mortier. Cette conclusion est en accord avec celles émises par Ghantous [1] et Millard et al [160].
En ce qui concerne l’efficacité des produits colmateurs, les résultats du suivi de courant ont montré l’effet immédiat de leur application en réduisant considérablement le courant de corrosion. Cette constatation a été faite pour les 3 produits quelque que soit l’ouverture de fissure (100 et 500 µm). Leur résistance au chargement mécanique a été également étudiée.
Les résultats montrent une résistance au chargement des produits acrylique (AI et AC) malgré une augmentation de la valeur des pics de courant de corrosion global immédiatement après l’application d’un rechargement. La valeur de Iinstantané (valeur de courant en fin de cycle) reste inchangée ce qui explique l’absence d’effet visible sur la cinétique cumulée (charge électrique cumulée). Le courant de corrosion dans les échantillons traités par le produit d’imprégnation hydrophobe, la crème de silane (SC) n’est pas impactée par ce rechargement et reste à des niveaux très bas (<1µA). Ceci peut s’expliquer par le mode d’action de ce produit qui crée une surface hydrofuge en fond et sur les lèvres de fissure limitant l’accès de l’eau au niveau de l’interface acier/mortier.
L’étude sur les poutrelles a montré que l’application des produits avant l’initiation de la corrosion empêchait cette dernière de se produire. Cependant, il faut confirmer cela à plus long terme avec des échéances plus longues. Dans cette partie, l’effet de la qualité de l’interface acier/béton (Top bar effect) a été également étudié avec la méthode de suivi de courant de corrosion sur des poutrelles avec deux lits d’armatures. Il a été constaté que la corrosion est plus élevée sur les armatures supérieures « Top bar » que sur les armatures inférieures « Bottom bar » en dépit d’un rapport des surface cathode/anode (C/A) défavorable. A long terme, cela pourrait conduire à une fissuration de l’enrobage.
Cependant, la durée insuffisante des essais n’a pas permis de mettre cela en évidence.

Formation et coursTélécharger le document complet

Télécharger aussi :

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *