Ségrégation hydraulique des résidus miniers
Pour extraire le concentré du minerai rentable économiquement, un ensemble de procédés mécaniques et chimiques sont utilisés dans l’usine de la mine. À la fin de ce processus, un flux de rejet qui n’a pas de valeur économique est produit. Ce flux composé d’une partie liquide et solide est appelé rejet de concentrateur ou résidus miniers. Ces derniers sont conventionnellement transportés et déposés, sous forme de pulpe à un pourcentage solide ≤ 45%, dans des aires d’accumulations (parcs à résidus) entourées de digues qui retiennent le fluide et les particules solides (Aubertin et al., 2002; Bussière, 2007; Aubertin et al., 2011). Le dépôt est fait le long de la digue par des lances multiples ou par un seul point qui est déplacé (Vick, 1990; Morris, 1993). Lors du dépôt des rejets de concentrateur, en raison de leur faible pourcentage solide, une ségrégation hydraulique naturelle peut se mettre en place en créant trois zones différentes le long de la direction de l’écoulement ((MEND, 2001); figure 2.1): une zone 1 de la plage proche du point de décharge, une zone 2 intermédiaire et une zone 3 de décantation des particules fines près de l’étang d’eau (Vick, 1990; Papageorgiou, 2004). On peut définir la ségrégation hydraulique par la tendance des éléments ou des particules d’une certaine granulométrie ou caractéristiques physicochimiques similaires à se regrouper préférentiellement dans une zone (Mihiretu, 2009).
La sédimentation des particules peut avoir lieu à cause de la force de gravité induite par la différenciation de la taille granulométrique, la densité et la forme des particules (Mihiretu, 2009). La capacité des particules solides de se séparer de la phase liquide (agent de transport) et de se sédimenter varie selon leurs caractéristiques physiques. Les caractéristiques des résidus, incluant ses propriétés rhéologiques (viscosité et seuil de cisaillement), peuvent également influencer sur leur comportement après la décharge En effet, le diamètre maximal d des particules qui ont tendance à rester en suspension dans un fluide peut être estimé par la relation suivante (Mihiretu, 2009): 3πτy2ρs−ρfg [2.1] où τy est le seuil de cisaillement, ρs est la densité des particules solides, ρf est la densité du fluide et g est l’accélérateur. Blight & Steffen (1979) ont essayé de prédire la taille médiane des particules (D50 qui présente le diamètre correspondant à 50% de passant sur la courbe granulométrique) des résidus ségrégants le long de la distance parcourue du point de dépôt dans des parcs à résidus de différentes mines (figure 2.2). La vitesse de sédimentation de ces particules est régie par la loi de Stokes. La relation empirique définissant la gradation de la granulométrie des particules lors du dépôt est exprimée comme suit:
Les travaux de Vick (1990) pour estimer la pente de la zone de la plage des résidus miniers ont montré que celle-ci est comprise entre 0,5 et 2,0% dans les premières centaines de pieds. Le processus de sédimentation des particules et la suspension reste encore mal défini. Les relations empiriques développées pour quantifier la ségrégation sont rares ou impossibles à généraliser à cause de la variété des caractéristiques physico-chimiques des résidus miniers d’un site minier à un autre. Les phénomènes hydrodynamiques sont contrôlés par de nombreux facteurs qui sont difficiles à prendre en considération en totalité dans les études rhéologiques au laboratoire qui visent à tracer le chemin des particules ségrégués le long de leur transport et dépôt (Selim et al., 1983). Les caractéristiques physico-chimiques des rejets de concentrateur peuvent varier considérablement dépendamment de la minéralogie du minerai ainsi que des processus de traitement utilisés pour extraire le concentré (Ritcey, 1989). Blight (1987) a constaté dans son étude sur la classification des résidus miniers de la zone de la plage que ces derniers comportent 15 à 50% de sable. Vick (1990) a défini un pourcentage de 45% des particules grossières. La forme de ces particules grossières est très angulaire (Mlynarek et al., 1995). Avant le dépôt des résidus miniers, ils sont classifiés selon USCS (Unified Soil Classification System) (McCarthy, 1998) comme des silts sableux de faible plasticité (ML). Après le dépôt, les résidus grossiers de la zone de la plage sont classifiés comme des silts non-plastiques (SM) ou des sable silteux (ML) selon leur localisation par rapport au point de décharge (Bussière, 2007). La granulométrie des résidus miniers est généralement déterminée par le type de gisement et les processus de traitement pour l’extraction du concentré.
La granulométrie représente la propriété physique fondamentale des rejets de concentrateur qui contrôle les propriétés hydrogéotechniques (comme la conductivité hydraulique (ksat) et la courbe de rétention d’eau (CRE)) et la réactivité des résidus miniers. Ces propriétés peuvent être estimées à partir de la courbe granulométrique du matériau en utilisant les modèles de prédictions respectives de Kozeny-Carman (Aubertin et al., 1996; Mbonimpa et al., 2002; Chapuis & Aubertin, 2003), de Kovács modifié (Aubertin et al., 2003) et de (Collin & Rasmuson, 1988). La valeur ksat d’un dépôt de résidus dépend non seulement de la taille des particules, mais aussi de l’anisotropie, de la distance de décharge et l’indice de vide (Vick, 1990). La valeur de ksat des résidus fins, classés comme (ML), varie entre 10-6 et 10-8 m/s, alors que pour les résidus grossiers, classés comme (SM), elle se situe entre 10-4 et 10-6 m/s (Bussière, 2007). La conductivité hydraulique des résidus varie verticalement et latéralement à cause de la ségrégation hydraulique et le changement de placement de décharge de la pulpe (les séquences de sédimentation) (Witt et al., 2004). La variation latérale de la conductivité hydraulique peut aller jusqu’à 3 ordres de grandeur entre la zone de la plage et celle de la décantation, dans certains cas. La variation dans les séquences de sédimentation, la direction de dépôt et la densité des résidus créent un dépôt anisotrope des couches fines et grossières, dans la zone de la plage (Vick, 1990). La migration des flux d’eau et d’oxygène à travers les dépôts de rejets de concentrateur étant directement contrôlée par la perméabilité du milieu, cela implique que les flux d’eau et d’oxygène entrant la surface des résidus ségrégant vont varier latéralement. Les flux d’oxygène consommés par les résidus sont directement liés au taux de production du drainage minier acide.
Drainage minier acide
Les réactions d’oxydation des minéraux sulfureux tels que la pyrite peuvent avoir lieu lorsqu’ils sont exposés aux conditions atmosphériques (eau et oxygène). Ces réactions produisent une solution acide (pH< 2), qui favorise la solubilisation des éléments métalliques fortement toxiques tels que Al, As, Cd, Co, Cu, Hg, Ni, Pb et Zn. Des bactéries acidophiles présentes dans ces milieux contribuent également à accentuer ce processus par leur pouvoir d’oxydation du soufre. Tous ces phénomènes définissent le DMA. L’oxydation de pyrite par l’oxygène atmosphérique produit une mole de Fe3+, deux moles de (SO4)2- et quatre moles de H+ pour chaque mole de pyrite oxydée. Le Fe2+ libéré peut être oxydé par la suite en Fe3+. Les hydroxydes de Fe3+ peuvent précipiter par la suite. La réaction générale qui résume tous ces processus est donnée par (Kirk Nordstrom, 1982): FeS2 (s) + 15/4 O2 + 7/2 H2O→Fe (OH) 3 (s) + 2(SO4)2- + 4H+ (aq) [2.1] L’acide sulfurique généré par l’oxydation des sulfures peut réagir avec les minéraux de la gangue carbonatés dans les rejets miniers. Ces réactions de neutralisation peuvent augmenter le pH du lixiviat jusqu’à 6,5 grâce à la dissolution des minéraux carbonatés tel que la calcite. La dissolution de la calcite peut être décrite comme suit (Nicholson et al., 1988): En pH neutre; CaCO3 + H+→HCO3- + Ca2+ [2.2] En pH bas; CaCO3 + 2H+→CO2+ Ca2+ + H2O [2.3] Une fois les minéraux carbonatés épuisés, le pH baisse jusqu’à ce que l’équilibre avec le minéral secondaire le plus soluble soit atteint, et ainsi de suite jusqu’à la dissolution des oxyhydroxydes ferriques qui maintiennent des valeurs de pH de 3,5 à 2,5. Le DMA présente des répercussions dévastatrices sur l’écosystème local (aquifère, faune et flore). Les réglementations environnementales obligent l’industrie minière de présenter un plan efficace pour la restauration du site minier avant de commencer chaque phase du cycle minier. Pour contrôler la génération de DMA, il faut exclure un ou plusieurs éléments responsables des réactions d’oxydation (eau, oxygène et sulfures) (Aubertin et al., 1999; Johnson & Hallberg, 2005; Ouangrawa et al., 2005; Bussière et al., 2007; Mbonimpa et al., 2008; Ouangrawa et al., 2009; Pabst et al., 2018). Les principales méthodes utilisées sont :
Technique de NPS combinée à une monocouche
La technique de NPS a pour objectif de limiter l’apport de l’oxygène à la surface des résidus miniers. Elle se base généralement sur le principe de rehausser le niveau de la nappe phréatique afin de maintenir les résidus proches de la saturation (Sr > 85%), même durant les périodes les plus sèches de l’année. Le fait que la diffusion de l’oxygène dans l’eau soit 10 000 fois moins faible que dans l’air, rend cette technique beaucoup plus efficace pour inhiber la pénétration des flux d’oxygène à la surface des résidus réactifs PGA (Aachib et al., 2004; Dagenais et al., 2006; Ouangrawa et al., 2009; Pabst, 2011; Maqsoud et al., 2012; Ethier et al., 2013). Pour rehausser le niveau de la nappe phréatique, il faut modifier le bilan hydrique ou/et améliorer la capacité de rétention d’eau des résidus (Ouangrawa et al., 2005; Ouangrawa et al., 2010; Rey, 2020). Cette technique peut être combinée à un recouvrement monocouche pour améliorer son fonctionnement en contrôlant les échanges sol-atmosphère (exemple de l’évaporation). Deux types de recouvrements sont considérés : les recouvrements fins et grossiers (SENES, 1996). Les recouvrements fins se caractérisent généralement par une forte capacité de rétention d’eau qui favorise le maintien d’un degré de saturation plus élevé sur une plus grande hauteur au-dessus du niveau phréatique. Néanmoins ils sont plus sensibles aux pertes d’humidité par évaporation (Nicholson et al., 1989; SENES, 1996; Dagenais, 2005; Demers, 2008; Cosset, 2009; Pabst et al., 2011). Les recouvrements grossiers favorisent l’infiltration et limitent l’effet de l’évaporation (SENES, 1996; Yanful et al., 1999). Aubertin et al. (1999) ont suggéré que la nappe soit maintenue à une profondeur (h) inférieure à la valeur d’entrée d’air des résidus par rapport à la surface des résidus en plus d’une monocouche agissant contre l’évaporation (h=1 AEV) (figure 2.3). De son côté, Ouangrawa (2007) a proposé que la profondeur de la nappe phréatique soit placée inférieure à la moitié de la valeur de la pression d’entrée d’air (AEV) des résidus miniers afin de les maintenir saturés (h = ½ AEV).
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