Conversion des matières volatiles de pyrolyse
La formation de suies se révèle être un problème dans le procédé de pyrogazéification développé dans cette thèse. En effet, elle a entrainé des difficultés de fonctionnement lors des essais, dont le colmatage rapide des conduites et du piège à suies, qui entraine une surpression dans le réacteur. De plus, elle a réduit le rendement en syngaz produit, et donc impacté le rendement sur gaz froid du procédé. De plus, la littérature révèle que les suies peuvent être nuisibles à la santé humaine car elles peuvent s’infiltrer dans les appareils respiratoires et cardiovasculaires et ainsi conduire à un dysfonctionnement des poumons [1,2]. Dès lors, il est nécessaire de comprendre leur formation afin d’identifier des pistes qui permettront de limiter les quantités produites. Dans ce chapitre nous allons : – quantifier expérimentalement les suies formées dans diverses situations thermochimiques simplifiées et bien maîtrisées ; – tester expérimentalement différentes pistes de réduction des suies ; – valider dans de larges plages de paramètres un modèle existant pour l’utiliser en prédictif afin d’investiguer des pistes de minimisation des quantités de suies produites. Pour y parvenir, nous étudions la formation des suies à partir des matières volatiles de pyrolyse (gaz permanents, goudrons et vapeur d’eau) représentatives de celles produites lors de la pyrolyse des déchets verts dans le four tournant à 800°C. Les gaz permanents sont reconstitués et approvisionnés en bouteilles sous pression. Les goudrons sont représentés par deux composés modèles : le toluène et le naphtalène. Les situations de craquage, de vaporeformage et d’oxyvaporeformage sont testées tour à tour dans le réacteur tubulaire (décrit au chapitre 2) à 1200°C et avec un temps de séjour de 5 s. Les résultats des essais sont utilisés pour valider le modèle GASPAR développé initialement à IMT Mines Albi puis largement développé par le CEA de Grenoble.
Reconstitution des matières volatiles
Les matières volatiles issues de la pyrolyse des déchets verts à 800°C sont composées de gaz permanents, que nous appellerons gaz de pyrolyse par la suite, de goudrons et de vapeur d’eau. Les gaz de pyrolyse des déchets verts sont composés (% vol) de : 29% de H2, 31% de CO, 18% de CH4, 18% de CO2 et 4% de C2-C3. Nous avons fait de choix de travailler dans un premier temps avec gaz de pyrolyse sans les C2-C3 et dans un second temps avec les C2-C3. Pour le cas sans les C2-C3, nous avons remplacé les 4% de C2-C3 par N2, qui servira de gaz traceur. Les contraintes liées principalement au temps ne nous ont pas permis d’étudier le cas avec les C2- C3. La composition des gaz de pyrolyse modèles est donnée dans le Tableau 24. Les goudrons issus de la pyrolyse à 800°C des déchets verts sont composés principalement de composés aromatiques non oxygénés (à un cycle et des HAP). Des goudrons plus lourds font surement partie de la composition, mais ils n’ont pas pu être identifiés dans les travaux précédemment présentés dans le chapitre 3. Du fait du très grand nombre d’espèces présentes, nous ne pouvions pas reconstituer les goudrons avec l’ensemble des composés identifiés. Nous avons choisi le toluène (C7H8) pour représenter les composés aromatiques non oxygénés à un cycle, et le naphtalène (C10H8) pour représenter les HAP. L’analyse GC/MS de goudrons issus de la pyrolyse des déchets verts à 800°C a révélé que le benzène et le naphtalène sont les composés quantitativement majoritaires. Cependant, le benzène est classé parmi les composés cancérogène, mutagènes ou toxiques pour la reproduction (CMR). Par conséquent, il ne peut pas être utilisé au laboratoire. Nous l’avons remplacé par le toluène qui est aussi présent dans les goudrons de pyrolyse. Nous avons aussi réalisé des essais pour lesquels les goudrons sont représentés uniquement par le toluène mais les résultats ne seront pas présentés dans ce chapitre. En effet, lorsque les goudrons sont représentés par le toluène, la quantité de suies produites(48 g/h) est largement inférieure à celle de l’essai couplage four tournant et réacteur tubulaire (65g/h). Le mélange de goudrons modèles a été réalisé avec 80% de toluène et 20% de naphtalène. Ceci résulte de l’analyse quantitative des goudrons issus de la pyrolyse à 800°C des déchets verts. Les résultats ont révélé que sur la masse totale de composés aromatiques non oxygénés quantifiés, 78% représentent les composés aromatiques à un seul cycle et 22% les HAP. À température ambiante, le toluène est sous forme liquide mais le naphtalène est solide. Le mélange de goudrons a été préparé de la façon suivante : la masse de naphtalène correspondant à 20% du mélange est d’abord placée dans une fiole jaugée de 1L à rodage. Ensuite la masse de toluène correspondant à 80% du mélange est ajoutée. Puis la fiole est fermée immédiatement pour éviter une évaporation. Enfin, le mélange est placé sous agitation pendant 2h. Après cette étape, le mélange est analysé qualitativement et quantitativement par GC/MS pour s’assurer qu’on retrouve bien les masses prévues. Les résultats sont donnés en annexe 1.
Différentes situations testées
Nous avons testé trois familles de situations, données dans le Tableau 25 : – le craquage de goudrons (cas 1), du gaz de pyrolyse (cas 2), et du mélange de goudrons et du gaz de pyrolyse ; – le vaporeformage de goudrons (cas 4), du gaz de pyrolyse (cas 5), et du mélange de goudrons et du gaz de pyrolyse (cas 6 et cas 7) ; – l’oxyvaporeformage du mélange de goudrons et des gaz de pyrolyse (cas 8). Remarques : le cas 6 correspond aux conditions d’essais développées dans le chapitre 4, c’està-dire où les matières volatiles de la pyrolyse des déchets verts à 800°C sont craquées et reformées dans le réacteur tubulaire à 1200°C. Dans le cas 7, nous testons l’effet de l’ajout de vapeur d’eau. L’oxyvaporeformage du mélange de goudrons et du gaz de pyrolyse (cas 8) a été effectué pour envisager une autre piste de réduction des suies. Le débit volumique total de matières volatiles reconstituées alimentées dans le réacteur est, dans toutes les expériences et après volatilisation, de 0,54 Nm3 /h. Ainsi les vitesses d’écoulement et les temps de séjour seront comparables dans tous les cas. Les répartitions volumiques (ou molaires) suivant le cas étudié sont données dans le Tableau 25.