Conversion d’énergie embarquées
Introduction
L’énergie est une ressource vitale pour la vie sur terre, elle peut prendre l’aspect de ressources alimentaires (eau, nourriture) pour la vie à proprement parlé, mais de manière plus classique de ressources utilisables par des systèmes conçus par l’homme, communément regroupés sous le terme de « machine ». Ces machines consomment de l’énergie pour réaliser des opérations qu’un être humain ne peut réaliser (un moyen de déplacement, un système d’éclairage, de chauffage, une machine-outil …). Parmi ces différents systèmes plus ou moins complexes certains n’utilisent qu’une seule forme d’énergie et d’autres en utilisent différentes. L’énergie dite « primaire » se décompose principalement en trois catégories, les énergies d’origine fossile (Hydrocarbures, Gaz, Charbon), les énergies de type nucléaire (Uranium, Tritium) et les énergies d’origine renouvelable (Solaire, Eolien, Bois, Déchets). A partir de cette énergie primaire, des vecteurs sont utilisés pour stocker et transporter cette dernière jusqu’au point de consommation tels que la chaleur, l’électricité, l’hydrogène ou encore l’air comprimé. Enfin à destination, le système conçu utilise cette énergie via le vecteur approprié en vue d’obtenir le résultat attendu. Voilà en quelques phrases le processus qui régit un grand nombre d’interactions sur notre planète et qui induit par la suite le modèle de vie et de société que nous connaissons (Figure 1-1). Figure 1-1 Chaine énergétique simplifiée : de la production à l’utilisation Ce processus fait souvent appel à des chaines de conversion d’énergie, dont la conception nécessite la connaissance et la maitrise des sciences et des physiques mises en jeux mais aussi la complexité des systèmes à concevoir ainsi que les attentes en matière d’usage [1]–[4]. Dans un contexte industriel, cette conception est réalisée le plus souvent en respectant un certain nombre de contraintes techniques et technologiques mais aussi des aspects écologiques et législatifs. En plus, la satisfaction de clients au travers de l’utilisation doit être considérée. Pour cela lors du processus de conception, un industriel intégrera les attentes de futurs clients pour répondre au mieux à la demande (performances, prix, aspect visuel, confort, sécurité, …). A ces exigences purement client, s’ajoutent les exigences provenant de l’aspect législatif, en effet, pour la protection des clients et la régulation du milieu, un certain nombre de normes ont été mises en place par le législateur. Cette protection peut être de nature physique, des normes visant à assurer l’intégrité des utilisateurs, des systèmes conçus, ou bien morale comme le respect des prestations « vendu ». Enfin l’aspect écologique est de plus en plus impactant dans les contraintes de conception de systèmes énergétiques, cela se traduit par des exigences en matière de : recyclage, nature d’énergie, consommation d’énergie ou émissions polluantes. Le domaine des transports routier est de loin le plus concerné par ces aspects, dont le modèle est principalement fondé sur l’utilisation des sources d’énergie fossiles au travers des hydrocarbures [5]. Ce dernier est confronté principalement à une réglementation et à des objectifs environnementaux renforcés (Dieselgate, émissions polluantes, pollution atmosphérique, bonus-malus écologique, Crit’air, …), liés notamment à son impact sur l’environnement ( 25 % des émissions Gaz à Effet de Serre dues aux transports en 2018) [6], sur la santé (décès liés à la pollution de l’air en 2018 : 7 millions dans le monde et 600000 en Europe) [7] et sur l’épuisement des ressources (pic de production/demande, tension sociétale…) [8]. En plus, la menace liée à l’impact de la croissance économique des pays émergents (Chine, Brésil, …) sur les ressources naturelles et les dégâts environnementaux qui en résultent [9]. • Fossiles charbon, pétrole, gaz, nucléaire…. • Chaleur • Electricité • Transports • Portables • Stationnaires • … Ressources primaires Vecteurs d’énergie Stockage de l’énergie Applications • Mécanique • Thermique • Chimique • Electricité Conversion Conversion Restitution • Renouvelables hydraulique, biomasse, solaire, éolien, géothermie, énergie des marées, … H2 Hydrogène H2 Hydrogène Forte intégration 8 Dans ce contexte, les acteurs industriels se sont engagés à développer des technologies de pointe à faibles empreintes environnementales. De nombreux pays ont mis en place des actions pour accompagner cette rupture technologique, telles que le bonus écologique, la prime à la conversion, l’exonération de la taxe pour les sociétés, les aides pour la recherche, le développement et la formation. En France, le barème applicable a fortement évolué en 2020, par exemple le bonus écologique est jusqu’à 6000 euros qui dépend de la gamme du véhicule [10]. Cette politique publique volontariste en faveur des véhicules à très faibles émissions s’inscrit dans le cadre de la loi de transition énergétique visant une baisse de 50 % de la consommation énergétique en 2050 par rapport à 2012, avec un objectif intermédiaire de 20 % en 2030 [11]– [13]. Le schéma suivant résume les contraintes auxquelles les industriels de l’automobile sont confrontés (Figure 1-2). L’évolution de ce domaine se fait sur plusieurs aspects, le changement de sources énergétiques, l’amélioration des technologies utilisées et une meilleure adéquation entre la conception industrielle et les attentes des utilisateurs. La direction prise par les acteurs industriels du domaine des transports permet d’envisager plusieurs voies d’innovations : – L’amélioration des technologies actuelles (principalement les performances des moteurs à combustion ainsi que le post-traitement de leurs émissions) – Le changement de technologie (introduction des solutions alternatives : nouveaux carburants, véhicule électrique/ hydrogène/air comprimé, véhicule communiquant/autonome, …) – L’hybridation de plusieurs technologies (conception optimale multi-physique : performances, énergétique, cout, encombrement, confort, …) – La mobilité du futur (nouvelles formes de mobilités, nouveaux usages, interaction voiture-voiture, voiture-infrastructure, maintenance prédictive, digital, cyber-sécurité, fiabilité, …) Figure 1-2 Contraintes sur les conceptions de véhicule Ces changements, voir ces ruptures technologiques n’ont pas pour seul but l’avancée technologique mais au contraire le respect d’exigences toujours plus contraignantes liées à l’apparition de nouveaux services et préoccupations environnementales, qui sont véhiculés par le nouveau regard sociétal sur l’automobile (Figure1-3). Cela a donc une conséquence majeure sur l’augmentation de la complexité des systèmes et de leur conception pour prendre en compte et satisfaire à toutes les contraintes (Figure1-4). A l’image des voitures actuelles et futures, dont l’architecture, la technologie et les performances ne cessent d’accroitre. Leur conception reste néanmoins un des enjeux technologiques le plus complexe dans l’automobile. Aussi, la qualité de la stratégie de gestion énergétique embarquée conditionne leur performance. Éco-conception Recyclage Ressources fossiles Effets sur la santé Scandale Crit’air Normes /Réglementation Impact environnemental Pouvoirs publics 9 Cette complexité grandissante dans la conception des systèmes, a donc fait naitre le besoin de méthodologies de conceptions adaptées à ces nouveaux défis. Les méthodologies existantes n’étant pas suffisante pour maitriser cette complexité ainsi que les interactions existantes, il apparait donc nécessaire d’étudier et de mettre en place une approche facilitant la conception des systèmes complexes. C’est dans cette optique que s’inscrivent les travaux menés dans cette thèse. Figure 1-3 Problématiques des conceptions modernes Figure 1-4 Evolution de la complexité de la conception Défis sociétaux Défis environnementaux Défis technologiques . Efficacité énergétique . Nouvelles technologies – Véhicule hybride – Véhicule électrique – Véhicule à hydrogène – Véhicule communiquant . Gestion des données . Optimisation économique . … . Eco-conception . Qualité de l’air . Réchauffement climatique . Recyclage . Santé publique . Normes et réglementation . … . Nouvelles mobilités . Multimodalité . Sécurité . Recyclage . Acceptabilité . … Complexité Nombre de contraintes à satisfaire Complexité de la conception en fonction du nombre de contraintes
Positionnement scientifique
Processus de conception
Le processus de conception est une suite de prises de décisions sur les architectures, les technologies, le dimensionnement, le pilotage … etc, autrement dit tous les éléments permettant de satisfaire les exigences du cahier des charges. Le processus général de la conception d’un système est par essence multidisciplinaire et comporte généralement plusieurs étapes présentées dans la figure suivante (Figure 1-5). En fonction du domaine étudié (réseau, informatique, transport, …), différents types de processus de conception peuvent être utilisés : séquentiels, itératifs, en V … etc [14]. Ainsi, d’une manière conventionnelle, chaque étape peut être étudiée et développée indépendamment des autres en se basant essentiellement sur les retours d’expérience et les règles métier [15]. Ces méthodes ont très longtemps été suffisantes pour des technologies matures. Seulement, comme vu précédemment, les systèmes actuels et en cours d’émergence, plus particulièrement les nouvelles architectures véhicule (VE, VHE, VFC …) sont de plus en plus complexes car ils intègrent des fonctionnalités supplémentaires, des sources différentes, des technologies variées, des exigences plus contraignantes et doivent assurer une grande fiabilité. On le constate par exemple sur les architectures de propulsion hybride, de forts couplages entre dimensionnement et gestion énergétique, ce qui rend difficile la recherche de solutions optimisées. Etre en mesure d’établir les meilleurs compromis en termes d’exigences (performances, efficacité énergétique, encombrement, fiabilité, cout …) dès la phase de pré-dimensionnement permettraient de mieux orienter la conception, et de l’accélérer. Pour arriver à ce résultat, l’approche de conception doit pouvoir intégrer les différentes étapes de conception du système, en partant d’un cahier des charges, tout en conservant des temps de calcul compatibles avec les méthodes de pré-dimensionnement conventionnelles permettant ainsi d’explorer au mieux l’espace des solutions. De plus, les architectures hybrides électriques sont de plus en plus proposées par les constructeurs (véhicules actuels et futurs). Ces architectures offrent des degrés de liberté en matière de conception liés notamment au fonctionnement complémentaire des sources, les différentes topologies et surtout le taux d’hybridation (le ratio de puissance entre la source principale et l’assistance). Cela permet d’intégrer de nouveaux modes de fonctionnement, de maximiser la récupération d’énergie et d’avoir recours au sous dimensionnement (downsizing). L’efficacité globale du système réside dans la qualité de la stratégie de gestion énergétique dont les performances dépendent de l’usage ainsi que le dimensionnement (caractéristiques de l’architecture et des composants). D’où l’intérêt d’intégrer la gestion optimale très tôt dans la conception, au même niveau que le pré-dimensionnement en tenant compte de l’usage et la finalité du système à concevoir. Cette forte contrainte peu considéré dans les méthodes classique limite donc leur pertinence pour la conception des véhicules hybrides. Pour le véhicule hybride, cela se traduit par une conception dynamique suivant des cycles de conduite représentatifs. Enfin, la difficulté se trouve dans le choix du processus et les outils associés pour une meilleure prise en compte de l’ensemble de ces spécifications lors de la conception globale du système. En effet, ce type d’approche nécessite d’utiliser de nouveaux outils dont la maitrise n’est pas parfaite et dont l’intégration dans le monde industriel est en cours d’intégration.
Vers une approche de conception globale (dimensionnement/gestion d’énergie)
Notre démarche s’inscrit dans une optique systémique, nous nous focaliserons notre attention sur la conception optimale des sources hybrides en intégrant l’environnement de la chaine de conversion dédiée. Ce que nous tenons à souligner dès à présent, c’est notre intérêt pour la démarche proposée, plus encore que pour les applications potentielles. 11 Les attentes des concepteurs sont les suivantes : – Démarche simple, rapide, modulaire et transposable – Conception dynamique suivant des cycles de fonctionnement – Intégration de la gestion d’énergie au même niveau que le dimensionnement – Etre capable de faire évoluer la finesse des modèles en fonction des objectifs – Pouvoir intégrer d’autres challenges industriels – Prendre en compte les contraintes liées aux limites du système – Avoir la possibilité d’assurer le pilotage en temps réel – Explorer des domaines jusque-là peu exploités – Fiabiliser le processus de conception Pour cela comme vu en Figure 1-5 il nous faut réfléchir aux interactions existantes entre chaque étape d’un processus de conception et ainsi repositionner ces étapes pour satisfaire aux attentes et besoins des conceptions complexes.
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