Depuis une trentaine d’année, le monde des transports évolue toujours plus rapidement. Grâce à des réseaux routiers, ferroviaires et aériens toujours plus denses, les distances se réduisent considérablement. Le temps où nous pourrons aller d’un bout à l’autre de la terre en quelques heures n’est maintenant plus très loin. Ainsi, afin de pouvoir transporter toujours plus de passagers, le nombre d’avions sillonant la planète augmente de manière exponentielle. Les attentes des passagers ont-elles aussi évolué : un voyage en avion doit-être confortable, peu éprouvant, distrayant, et bien entendu, sûr.
Pour répondre à ces différentes attentes, les avions sont progressivement devenus de formidables machines volantes. Il y cent ans, Louis Blériot réalisait un exploit en traversant la Manche à bord d’un aéronef de son invention. Aujourd’hui, les avions modernes peuvent transporter des centaines de passagers sur des milliers de kilomètres, avec une fiabilité meilleure que tout autre mode de transport. Ils se pilotent sans effort, du bout de la main, anticipant les erreurs des pilotes et évitant les dangers. Cette évolution a notamment été permise par l’intégration à bord de systèmes électroniques complexes, appelés systèmes avioniques. L’avionique constitue aujourd’hui le système nerveux mais aussi les organes sensoriels des aéronefs : elle permet aux avions et aux pilotes de tout connaître de l’environnement dans lequel ils évoluent ou de communiquer avec l’extérieur. Afin de pouvoir acquérir toutes ces informations, les avions modernes font appel à plusieurs centaines de capteurs, disséminés dans la cabine, dans les ailes et dans toutes les zones de l’appareil. Ces capteurs fournissent des données, qui sont alors traitées par des ordinateurs de bord, appelés calculateurs. Une fois traitées, ces informations sont envoyées sur des actionneurs pour appliquer le résultat du traitement :
mouvement d’une gourverne ou d’un aileron, activation du freinage, distribution du carburant etc. À l’heure actuelle, des circuits électroniques spécialisés « traduisent » les informations fournies par les capteurs en données utilisables par les calculateurs. Ces circuits d’interfaçage sont aujourd’hui l’un des principaux freins à l’augmentation de la complexité des calculateurs.
Depuis plusieurs dizaines d’années, le monde des transports, et plus particulièrement celui de l’aéronautique, est en perpétuelle évolution. A tout instant, plus d’un demi-million de passagers sillonnent la planète à bord de plus de 80000 avions. Les prévisions d’augmentation du trafic aérien montrent que ces chiffres devraient être multipliés par un facteur de 2.5 dans les vingt prochaines années [1]. Ces prévisions soulèvent ainsi d’importantes questions : comment peut-on transporter des millions de personnes en leur assurant un confort accru, tout en limitant l’impact environnemental de leurs déplacements, et cela bien entendu en toute sécurité ? Ces différents challenges ont été, sont aujourd’hui et seront demain les principaux acteurs de l’évolution de l’industrie aéronautique, et plus particulièrement de l’avionique. L’avionique représente l’ensemble des équipements électroniques, électriques et informatiques nécessaires au fonctionnement d’un aéronef . Parmi ces équipements embarqués, on retrouve entre autre l’ensemble des capteurs qui permettent à l’aéronef d’analyser l’environnement qui l’entoure, des actionneurs, permettant d’agir sur cet environnement, et enfin des ordinateurs de bord, ou calculateurs, responsables de l’analyse, du traitement et de l’exploitation des données fournies par les capteurs ou à transmettre aux actionneurs. La complexité grandissante des systèmes avioniques, notamment l’introduction des commandes de vol électriques, a provoqué plusieurs évolutions majeures dans l’architecture des systèmes.
Description d’une architecture avionique
Avionique analogique
La première véritable suite avionique à destination d’aéronefs commerciaux a été testée et exploitée dans le Concorde, au début des années 1970. Le Concorde est aussi le premier avion civil sur lequel les commandes de vol ont perdu toute liaison mécanique entre le manche des pilotes et les gouvernes au profit de commandes de vol électriques. L’avion comprenait alors différents équipements électroniques, chargés chacun d’une unique fonction particulière : freinage, gestion des gouvernes ou gestion du carburant par exemple. Tous ces équipements étaient alors entièrement analogiques, et ne communiquaient pas ou peu entre eux.
Architecture avionique fédérée
L’apparition des premiers véritables calculateurs numériques à la fin des années 1980 a été la première révolution dans le monde de l’avionique. La capacité de calcul de ces nouveaux équipements a permis de changer radicalement la manière dont se pilote un avion : dorénavant, le pilote ne commande plus directement les éléments séparés de l’avion (réacteurs, ailerons, volets), mais commande l’avion à un « plus haut niveau d’abstraction ». Le pilote va, par exemple, demander une certaine poussée, un cap précis, et laisse aux calculateurs le soin de gérer et d’asservir les actionneurs afin de répondre au mieux à ses ordres. Dans ce type d’architecture, les calculateurs gérent alors une seule fonction complexe, ou un seul aspect du vol : un calculateur est dédié aux commandes de vol, un autre à la gestion du carburant, un dernier enfin à la navigation. Selon sa fonction, chacun de ces ordinateurs interagit avec un certain nombre de capteurs et d’actionneurs, au moyen de circuits électroniques d’acquisition et de commandes spécifiques. Ainsi, chaque ordinateur comprend des moyens d’interaction avec le monde extérieur qui dépendent de sa fonctionnalité. Depuis la généralisation de l’architecture fédérée, l’avionique n’a cessé d’évoluer en fonction des besoins opérationnels des avions, toujours plus complexes. Cette complexité grandissante a entraîné une importante augmentation du nombre de fonctions applicatives à gérer au sein d’un avion. De ce fait, le nombre de calculateurs dédiés à la gestion de ces fonctions a lui aussi fortement augmenté.
Architecture avionique modulaire
Les dernières générations d’avions carbone tels que l’Airbus A380, le Boeing 787, ou plus récemment l’Airbus A350, ont mené à l’accroissement accéléré du nombre de fonctions applicatives. Cette augmentation a été telle qu’elle ne pouvait plus être absorbée par une simple augmentation du nombre de calculateurs. En effet, la surface et la masse occupées par tous ces équipements électroniques auraient alors été beaucoup trop importantes. Il a donc été nécessaire d’introduire une rupture majeure dans le but de limiter voire de réduire le nombre de calculateurs nécessaires à l’exécution de toutes les fonctions. Cette rupture porte le nom d’architecture avionique modulaire intégrée, ou IMA (de l’anglais Integrated Modular Avionics). Le principe de l’IMA consiste à « banaliser » l’organe de calcul d’une part, et à augmenter suffisamment sa puissance de calcul pour permettre d’héberger sur un seul calculateur plusieurs fonctions avioniques.
L’IMA a introduit de nouveaux concepts : là où un calculateur supportait autrefois une seule fonction et disposait de l’ensemble des interconnexions nécessaires avec les capteurs et actionneurs dédiés à cette fonction, il a été nécessaire d’introduire des mécanismes permettant de partager les ressources de calcul d’une part ; mais également les interconnexions vers les différents capteurs et actionneurs requis par toutes les fonctions hébergées sur le calculteur. L’IMA a donc permis de limiter le nombre de calculateurs à embarquer dans un avion, mais au prix d’une complexification des nouveaux calculateurs multi-fonctions.
Afin de répondre à cette complexification, les calculateurs se sont progressivement «spécialisés » dans un domaine, en fonction du type de capteurs qu’ils ont à gérer. C’est ainsi qu’en parallèle de l’IMA ont été introduits différents types de calculateurs :
Les concentrateurs de données, ou RDC (Remote Data Concentrator) n’effectuent pas ou peu de calculs. Ils ont pour fonction de s’interconnecter à un maximum de capteurs, et de concentrer les données en un seul lieu, afin de les renvoyer vers des calculateurs dédiés eux au calcul.
Les calculateurs « Core Processing » reçoivent les données directement des concentrateurs, via un réseau avionique dédié ou des bus de terrain. Des applications logicielles, hébergées par le calculateur, traitent alors ces données.
Les calculateurs processeurs d’entrées et sorties se situent à mi-chemin entre les concentrateurs de données et les calculateurs « core processing » : ils font eux mêmes l’acquisition des capteurs dont ils ont besoin pour les applications qu’ils hébergent.
Les calculateurs spécifiques enfin, sont dédiés à une tâche en particulier, à la manière d’un calculateur d’architecture fédérée. Les calculateurs de commandes de vol par exemple, gèrent les gouvernes, les ailerons ou le manche du pilote, alors que les régulateurs de moteurs (FADEC), gèrent tous les paramètres de commande des turbomachines. Ce type de calculateur possède sa propre interconnexion aux capteurs et actionneurs nécessaires à l’unique fonction qu’ils hébergent.
Au delà des fonctions qu’ils embarquent, ces différents types de calculateurs diffèrent essentiellement par le type de capteurs qu’ils doivent gérer : un calculateur de commandes de vol devra faire l’acquisition de capteurs de déplacement ou d’angle, alors qu’un concentrateur de données fait l’acquisition de capteurs discrets essentiellement. Chaque calculateur aura donc une interconnexion bien spécifique.
1 Introduction |