Contrôle souple de la dynamique éolienne le long d’un littoral artificialisé et propositions de gestion
Expérimentations du printemps 2011 : digue du Braek
En plus des pièges Leatherman décrits précédemment, deux autres types d’instruments ont été utilisés lors de la deuxième phase d’expérimentations sur le transport éolien.
Pièges verticaux triangulaires de type « GTW »
Les pièges à sable verticaux triangulaires (de type « Guelph-Trent wedge – GTW», (Figure 2.16) sont constitués de plaques d’aluminium d’une épaisseur de 2 mm d’une hauteur de 500 mm s’évasant vers l’arrière selon un angle de 34°. L’ouverture unidirectionnelle permettant au sable d’entrer fait 20 mm de large. La base et la partie supérieure du piège sont constituées d’une plaque de bois de 10 mm d’épaisseur. L’arrière est fermé par un filet d’une maille de 63 μm, collé sur les parois du piège, et permettant de retenir la fraction sableuse à l’intérieur. L’angle d’incidence du vent sur les parois inclinées à 34° en fait un piège à sable d’une très grande efficacité de piégeage, bien que le transport soit tout de même sous estimé (Nickling & McKenna Neuman, 1997). Figure 2.16. Piège à sable vertical de type « GTW » (schéma d’après Nickling & McKenna Neuman, 1997), et photographie de l’un des pièges construit pour cette étude, fixé sur une plaque en métal Cotes en mm (Photographie A. Tresca) Une étude en soufflerie de l’efficacité du type de piège original (White, 1982), dont la forme était très similaire à celui utilisé dans cette étude, a démontré qu’il captait entre 83 et 90% du transport pour des vents de 9 à 12 m.s-1 (Shao et al., 1993). Une deuxième étude (Rasmussen & Mikkelsen, 1991) a obtenu des résultats similaires avec une efficacité de 91% en moyenne. En revanche, il semble que l’angle d’incidence du piège par rapport à la 59 direction du vent, lorsqu’il est supérieur à 5°, génère une baisse importante de l’efficacité de piégeage (Nickling & McKenna Neuman, 1997). C’est la raison pour laquelle ils sont utilisés pour des temps de piégeage courts de 10 minutes, cette durée étant également limité par la faible capacité de stockage à l’intérieur en l’absence de réservoir. En effet, afin de pouvoir capter le sable en transit sur l’asphalte, le réservoir, qui constitue normalement la partie enterrée sous le sable comme pour les Leatherman (Figure 2.15), et qui permet également la stabilité du piège en position verticale, a été ôté. Le piège a été fixé sur une plaque en fonte carrée de 2 mm d’épaisseur et d’une dimension de 300 x 300 mm pour éviter que le vent ne le renverse.
Pièges à coupelles
Afin de tenter d’évaluer à quelle hauteur le sable est transporté sur la digue, des pièges à coupelles imaginés par Arens & Van der Lee (1995), et généreusement prêtés par S.M. Arens, ont été utilisés sur le haut de plage et sur la digue. Ces pièges sont constitués de coupelles évasées d’une vingtaine de centimètres de diamètre, entassées les unes sur les autres avec un espacement de 5 cm (Figure 2.17). Un fond d’eau est versé dans chaque coupelle afin de servir de « colle » au sable qui s’y dépose pour éviter qu’il ne s’envole à nouveau, du fait de l’ouverture à 360°. Si, sur le haut de plage, la coupelle du bas peut-être enterrée afin de capter dès le premier centimètre de hauteur, ce n’est pas possible sur la digue, et le captage ne peut se faire qu’à partir de la deuxième coupelle, à 10 cm au dessus de la surface du sol (photographie Figure 2.17). Les résultats issus de ce type de piège sont surtout qualitatifs, car l’efficacité de piégeage, testée en soufflerie (Arens & Van der Lee, 1995), est de 15 à 20 %, avec une efficacité maximum pour des vents de 8 m.s-1 . 60 Figure 2.17. Piège à sable à coupelles (d’après Arens & Van der Lee, 1995), et photographie de terrain (Tresca, 2011)
Comparaison de l’efficacité des différents types de pièges utilisés
Quatre types de pièges ont été comparés lors d’une sortie de terrain le 14.01.2011 (Figure 2.18) sur la plage située à l’extrême Est du site. En plus des trois types de pièges utilisés dans cette étude, un piège horizontal de type Owens (Owens, 1927), disponible au laboratoire LOG, a été testé à titre de comparaison. Afin de pouvoir comparer les résultats obtenus avec les différents types de matériels, les quantités de sable obtenues lors de chaque piégeage ont toujours été converties en kilogrammes par mètre linéaire de plage et par heure (kg.m-1.h-1). Figure 2.18. Photographies de l’expérimentation de terrain visant à comparer différents types de pièges à sable (Photographie A. Tresca, 14.01.11) 61 Lors de cette expérimentation, le vent moyen (mesuré à l’aide d’une station Oregon Scientific WMR 200) à 2 m était de 7,1 m.s-1, et la vitesse limite de mise en mouvement (u*t), pour un sable de diamètre moyen de 0,265 mm (échantillon prélevé devant les pièges) a été estimée à 4,5 m.s-1 à l’aide de l’équation de Bagnold (1941), et l’humidité de la surface de la plage était comprise entre 3,1 et 4,3 %. Les résultats du piégeage et des conditions de vent sont présentés Figure 2.19. Figure 2.19. Résultats de la comparaison de l’efficacité de différents types de pièges : (A) conditions de vent ; (B) transport mesuré lors du piégeage de 10 min ; (C) Hauteur de piégeage au niveau du piège de type Arens. On note tout d’abord que la vitesse du vent est restée supérieure à la limite d’envol pendant toute la durée de l’expérimentation (Figure 2.19-A). La direction du vent était comprise entre 200 et 240°, soit une provenance du secteur OSO. Les quantités de sable piégées sont comprises entre 7 kg.m-1.h-1 pour le type Arens, et 22 kg.m-1.h-1 pour le type GTW (Figure 2.19-B). Alors que pour les trois pièges à ouverture unidirectionnelle (GTW, Leatherman et Owens) les résultats sont comparables, malgré des différences (entre 15 et 22 kg.m-1.h-1), le transport semble largement sous-estimé au niveau du piège Arens (7 kg.m-1.h-1). La plus importante quantité de sable a été captée dans le piège GTW, ce qui tend à confirmer l’efficacité de son aérodynamisme lors de séances de piégeage courtes. Les deux derniers pièges (Leatherman et Owens) ont des résultats similaires, avec 15 et 18 kg.m-1.h-1. Enfin, à titre d’information, on note que lors de ces conditions de vent et d’humidité, l’essentiel du transport s’est effectué à une hauteur inférieure à 20 cm (Figure 2.19-C). Au sein de cette couche de 20 cm, plus on se rapproche de la surface du sol, plus le transport est important selon les résultats obtenus avec le piège Arens. 62
Caractérisation des paramètres environnementaux influençant le transport éolien
Conditions météo-marines
Conditions de vent et profils de vitesse
Enregistrement de la vitesse et de la direction du vent
Deux types d’instruments ont été utilisés pour caractériser les conditions de vent lors des expérimentations de piégeage éolien in situ. Lors de la première partie de l’étude (Printemps 2010), une station météorologique Professionnal Oregon Scientific WMR 200 a été déployée (Figure 2.20). Cette station comprend plusieurs capteurs installés en haut d’un mât de 2 m de hauteur, dont un anémomètre-girouette, et un data logger embarqué ayant permis le stockage des données de vent avec une fréquence d’enregistrement d’une minute. Selon le constructeur, la précision de cet appareil est de ± 3% pour les vitesses comprises entre 3 m.s-1 et 10 m.s-1, et de ± 10% pour les vitesses comprises entre 10 m.s-1 et 56 m.s-1 (notice constructeur). Si cet appareillage a fonctionné correctement durant la première partie des campagnes de terrain, des erreurs d’enregistrement qui ont été remarquées lors du dépouillement et l’analyse des données n’ont pas permis d’exploiter les mesures recueillies lors des expérimentations de la deuxième moitié de l’étude (Printemps 2011). Figure 2.20. Station météorologique Professionnal Oregon Scientific WMR 200 : data logger, capteurs, et photographie sur le terrain (Photographie A.Tresca) Concernant les données de direction du vent lors des expérimentations pour lesquelles les données de la station WMR 200 n’ont pas pu être exploitées, ce sont les mesures faites au niveau des girouettes du GPMD situées au sein des avant-ports Est et Ouest qui ont été 63 utilisées (cf. carte de localisation des capteurs, Figure 2.21). Il s’agit donc d’une information indicative sur la provenance générale du vent, qui ne peut être utilisée pour une analyse précise des variations de la direction lors des piégeages in situ. Ces capteurs mesurent la vitesse et la direction du vent avec un pas de temps de 5 minutes. Les données sont enregistrées et mises à disposition en temps réel ou sous forme de données archivées (historique d’un an maximum) à l’aide d’une interface informatique intitulée « Supervision VTS » (Vessel Traffic System), et mises à disposition sur un serveur accessible en interne au GPMD. Figure 2.21. Carte de localisation des capteurs de vent, précipitations (MétéoFrance) et des marégraphes. Les capteurs de vents sont, aussi bien à l’avant port Est qu’à l’avant port Ouest, des stations Deolia 96 situées à 24 m de hauteur. Ce sont également ces données de vitesse et de direction qui ont été utilisées lors de l’analyse de l’évolution des structures de captage du sable expérimentales et des profils topographiques transversaux.
Profils de vitesse du vent
Les mesures de la vitesse du vent lors de la période Printemps 2011 ont été effectuées à l’aide de 12 anémomètres à coupelles Vector de type Gill déployés par série de 4 à différentes hauteurs sur 3 mâts. Sur les mâts de 2 m de hauteur, les anémomètres étaient placés à 0,25, 0,5, 1 et 2 m, et sur les mâts d’1m de hauteur, ils étaient placés à 0,25, 0,5, 0,75 et 1 m. Chaque anémomètre était relié par câble à un data logger « Delta 3000 » permettant l’enregistrement simultané sur tous les capteurs à une fréquence de cinq secondes. Les mâts installés sur la plage sont disposés sur des supports ancrés dans le sable, tandis que pour ceux qui étaient déployés sur l’asphalte, il a fallu concevoir des supports lourds, consistant en quatre plaques en fonte de 50 cm x 50 cm chacune, sur lesquelles ont été soudés une barre sur 64 laquelle vient s’emboîter le mât. Les barres ont été soudées avec un angle spécifique sur chaque plaque, afin que les mâts aient une position verticale quelque soit la pente de la digue (Figure 2.22). Ces mâts ont été déployés le long d’un profil transversal : – soit par lot de 3 sur la pente de la digue située « côté mer » (front de digue), avec un mât sur le haut de plage, un deuxième au contact digue/haut de plage, et le troisième sur la partie supérieure de la digue – soit par lot de 2 sur la pente de la digue située « côté terre » (revers de digue), avec un mât en sommet de digue et un mât à la base du revers. Ce type de déploiement a pour but d’étudier les vitesses du vent sur la digue, notamment au niveau de la rupture topographique au contact sable/asphalte, afin de pouvoir comparer les profils de vitesse à ceux obtenus lors d’études sur les versants dunaires (Sherman et Hotta, 1990 ; Bauer et al., 1990 ; Arens, 1994). Les profils de vitesse ont été établis en faisant la moyenne des enregistrements aux différentes hauteurs au cours des 10 minutes de piégeages. Figure 2.22. Support des mâts à anémomètres inclinés (A et B) et disposition des anémomètres sur le mât lors d’une expérimentation sur la digue (C) (photographies A. Tresca)
La vitesse de mise en mouvement des sédiments
Les vitesses de cisaillement (u*) utilisées dans les équations théoriques de transport éolien potentiel (dont Bagnold, 1941 ; Kawamura, 1964 ; Lettau and Lettau, 1978 ; White, 1979) sont calculées à partir des profils de vitesse, établis en fonction des vitesses de vent moyennes enregistrées aux différentes hauteurs sur des mâts au cours de la durée des piégeages. Cette vitesse, difficile à déterminer par une mesure directe, peut être estimée à 65 l’aide de l’équation de von Kármán–Prandtl (1934) décrivant le profil vertical de la vitesse du vent, celle-ci augmentant de façon logarithmique avec la hauteur au-dessus du sol (Equation 1) : ( / )ln( / ) * 0 u u k z z z Équation 1 où uz est la vitesse moyenne de vent mesurée à une distance z au-dessus de la surface du sol et k est la constante de von Kármán (0.41). La vitesse de cisaillement (u*) et la longueur de rugosité (zo) peuvent être calculées par le biais d’une régression linéaire entre la vitesse du vent mesurée aux différentes hauteurs et le logarithme de la hauteur (Arens, 1994) (Equation 2 et Equation 3) : u* = a k Équation 2 z0 = e – k b / u* Équation 3 En utilisant la vitesse de vent comme variable dépendante et le logarithme de la hauteur comme variable indépendante, les vitesses de cisaillement (u*) et la longueur de rugosité (zo) peuvent être calculées à partir des paramètres de régression a (pente) et b (constante de régression). Pour les vitesses de vent mesurées à 2 m de hauteur, la vitesse de cisaillement a été calculée à partir de la relation proposée par Hsu (1971) (Equation 4) : u* 044u2m 0, Équation 4 u2m étant la vitesse horaire moyenne enregistrée à 2 m au-dessus du sol. A titre purement indicatif et pour apprécier rapidement l’efficacité de l’intensité du vent, la vitesse de mise en mouvement des sédiments (u*t) a été rapportée à une hauteur de deux mètres à partir de la relation proposée par Hsu (1971). Elle est notée Ut2m (chapitre 5). Certaines équations (Kawamura, 1964 ; Lettau et Lettau, 1978 ; White, 1979) intègrent la vitesse de cisaillement minimale nécessaire pour entraîner le mouvement du sédiment (u*t). Le paramètre (u*t) a été évalué à l’aide de l’équation de Bagnold (1941) (Equation 5) : u*t = A [gd (ρs-ρ) / ρ] 0,5 Équation 5 66 où A est une constante égale à 0,1 dans l’air (Sarre, 1987), g est l’accélération due à la gravité (9,81 m.s-2), d est la taille moyenne du sédiment, ρs étant la densité du sédiment (2,65 g.cm-3 pour un sable quartzeux) et ρ la densité de l’air (1,23 kg.m-3).
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