Dérive de fréquence et effet DDQ
Dans cette section, une nouvelle classe de paramètres de contrôle de l’effet DDQ est explorée. Il s’agit d’une dérive de fréquence (en anglais : frequency chirp). Cette fréquence peut être celle de l’onde porteuse du champ laser ou une fréquence entrant dans la représentation de l’enveloppe temporelle de l’impulsion. Dans le cas de la dérive de la fréquence de l’onde porteuse, on considère une variation linéaire de celle-ci à partir d’une valeur centrale !0, de forme !(t) = !0 + t (3.10)
Comme la fréquence du laser est un des paramètres de contrôle important de l’effet DDQ, on s’attend à ce qu’il en soit de même pour la dérive de cette fréquence, c’est-à-dire qu’elle peut affecter la synchronisation entre le mouvement des paquets d’ondes et le champ de force dynamique sous-jacente à l’effet DDQ.
Résultats : Dérive de fréquence IR de l’onde porteuse
On a d’abord effectué des calculs pour un champ continu de fréquence centrale !0 = 943 cm 1, et d’intensité I = 5 1013 W=cm2. La figure 3.2 rappelle la dépendance de la dynamique moléculaire, reflétée par la variation de PLiee(t) avec le temps, sur la phase absolue du laser pour le cas où la fréquence n’est pas modulée, soit avec = 0 dans eq.(3.10)).
Deux valeurs de , correspondant à une dérive de fréquence dans les deux sens, spécifiquement = 0:2 cm 1=fs, ont ensuite été considérées, donnant, d’après eq.(3.10), soit un accroissement ou une diminution linéaire de la fréquence du champ dans le temps, figure 3.3.
Figure 3.2 – Évolution temporelle de la probabilité PLiee(t) que l’ion moléculaire H2+ reste dans un état vibrationnel lié quelconque. L’ion est ici soumis à un champ laser continu à ! = 943 cm 1, sans dérive de fréquence ( = 0), et de phase absolue = , (courbe en noir), = 2 , (courbe en rouge) et = 4 (courbe en vert).
Figure 3.3 – Fonction de dérive de fréquence, !(t), (eq.(3.10), utilisée pour les expériences numériques avec un champ laser continu de fréquence centrale !0 = 943 cm 1. Le graphe en rouge est pour = 0:2 cm 1 , celui en vert pour = 0, et celui en bleu pour = 0:2 cm 1 .
La figure 3.4 montre les résultats pour le cas d’une dérive de fréquence négative ( = 0:2 cm 1=f s).
L’observation principale est que, à cette intensité, le système se dissocie bien plus dans ce cas, peu importe la valeur de la phase absolue ( ) du champ laser.
Par contre, dans le cas où la fréquence du laser est modulée positivement ( = 0:2cm 1=f s, cf. figure 3.5), seule une faible augmentation du piégeage par effet DDQ est observée. Plus précisément, dans le cas = 0, la valeur de PLiee(tf ) se stabilise plus vite, vers t = 10000 u:a:, pour donner un plateau net à ’ 62 %. Avec = 0, figure 3.2 PLiee(tf ) décroit continûment et graduellement jusqu’à la valeur finale ’ 57 % à tf (= 30000 u:a). Dans le cas dissociatif,
= =2, PLiee(tf ) se stabilise plus vite avec > 0 aussi, pour donner un plateau net à ’ 19 %, légèrement plus élevé que la valeur finale pour le même cas mais avec = 0.
Les résultats pour = 0:2 cm 1=f s, figure 3.4 peuvent s’expliquer par le ralentissement du mouvement des deux surfaces d’énergie potentielle (voir la figure 2.3) quand ! est ainsi modulée. Si l’on suppose que l’effet DDQ, spécifiquement la tendance de contrer la dissociation dans le cas = , est dû à la synchronisation de la fermeture de la barrière (la porte)
à la dissociation avec l’arrivée des composantes les plus rapides du paquet d’ondes, alors on comprendrait facilement pourquoi ce ralentissement cause une dissociation forte dans ce cas. La même hypothèse permet de comprendre pourquoi une dérive de fréquence positive, = +0:2 cm 1=f s, cause un léger accroissement du piégeage : la fermeture plus tôt de la porte à la dissociation permet de piéger des composantes de vitesse plus élevées, qui se trouveraient parmi les trentaines de % de population échappée normalement (c.à.d. à ! = !0) dans ces conditions ( = ).
En dépit de cette compréhension, qui peut nous apporter une satisfaction intellectuelle d’un certain degré, les résultats de cette première expérience avec les dérives de fréquence sont un peu décevants, quand l’on pense à un objectif de contrôle, car avec une dérive de fréquence dans un sens (figure 3.4), l’effet DDQ est défait complètement, le contraste piégeage/dissociation ayant disparu complètement, et dans l’autre sens on n’a qu’un gain modeste, presque insignifiant dans ce contraste. L’idée de modifier légèrement les conditions de synchronisation pour rendre le cas piégeant plus piégeant, le cas dissociatif plus dissociatif, ignore le fait qu’à long terme, la dynamique verra les paquets d’ondes s’élargir, et les cohérences fortement modifiées par rapport à celles existant dans le paquet d’ondes initial. Tout cela pourra conduire à une désynchronisation totale entre le mouvement moléculaire et le mouvement de ces surfaces engendrées par le champ. Notons que, avec = 0:2cm 1=f s, la fréquence varie seulement de 7 cm 1 sur un cycle optique de !0, mais cette variation va jusqu’à 70 cm 1 sur le temps d’évolution totale considéré dans ces calculs, qui est de dix cycles optiques.
Figure 3.5 – Évolution temporelle de la probabilité P lie que l’ion moléculaire H2+ reste dans un état vibrationnel lié quelconque. L’ion est ici soumis à un champ laser continu à !0 = 943 cm 1, avec une dérive de fréquence positive ( = 0:2 cmfs 1 ), et de phase absolue = , (courbe en noir), = 2 , (courbe en violet) et = 4 (courbe en bleu clair).
Résultats : Dérive de fréquence IR de l’enveloppe d’un champ UV-Visible
Réalisant que notre compréhension de l’effet DDQ est vraiment bonne seulement à temps court, nous avons voulu comprendre l’effet de la dérive de la fréquence sur le phénomène DDQ pour des temps de pulses de l’ordre de l’échelle de temps du mouvement vibrationnel de la molécule elle même. Pour ce faire, nous avons utilisé un champ laser UV-Vis (!) pulsé par une enveloppe qui, en principe, serait répétée périodiquement avec une fréquence ( (t)) dans l’infrarouge et qui est donc elle-même très courte (de l’ordre de 25 fs, cf. figure 3.6).