Contrôle dynamique et optimisation des observations en microscopie électronique en transmission
Instrumentation du microscope électronique
Le développement du microscope électronique en transmission a été permis grâce à une succession de découvertes clés, qui commencent en 1, quand J.J. Thomson découvre l’électron (Dahl 1, pp. 1-1 ; Thomson 1) en étudiant les rayons cathodiques. Une trentaine d’années après, Louis de Broglie introduit la notion de dualité onde-corpuscule (de Broglie 1), qui sera démontrée expérimentalement pour l’électron trois ans plus tard, par Davisson et Germer (Davisson et Germer 1). Dans les années 1 à 1, Arthur Wehnelt développe des électrodes permettant de défléchir des électrons à l’aide de champ électrique (Wehnelt 1, 1 ; Gaertner et Engelsen ), tandis qu’au cours de sa thèse de doctorat de 1 à 1 Dennis Gabor développe les premières lentilles magnétiques (Gabor 1), constituées de bobines et d’entrefers, dont Hans Busch, du même laboratoire, démontrera que les propriétés optiques de focalisation sont équivalentes à celles d’une lentille d’optique photonique (Busch 1). C’est en 11 que Ernst Ruska et Max Knoll développent le premier prototype de microscope électronique, capable de réaliser des images grandies jusqu’à fois (Ruska 1), pour ensuite développer en 1 un second prototype capable de dépasser la résolution maximale atteignable par un microscope photonique. Ce prototype est alors constitué d’une source d’électrons, d’une lentille permettant de manipuler l’illumination sur l’objet, d’une lentille objectif permettant de former l’image 1 . Théorie de l’échantillon, et d’une lentille projecteur qui agrandit cette image pour la projeter sur un écran fluorescent, rendant cette image observable pour un œil humain. Les microscopes d’aujourd’hui ont hérité cette structure de leur ancêtre, bien qu’avec quelques raffinements technologiques. Un microscope électronique en transmission moderne se constitue d’un canon à électrons formé d’une pointe émettrice, d’une haute tension, et d’une colonne formée d’un ensemble de lentilles électromagnétiques (qui fonctionnent sur le même principe qu’alors), de déflectrices, de stigmateurs, de diaphragmes, de biprismes et d’un stage — la platine motorisée qui porte l’échantillon et le déplace dans l’espace. Un exemple de microscope est représenté sur la figure .1. On peut le séparer en deux parties distinctes entre lesquelles est placé l’objet : le système d’illumination, formé par le canon et les lentilles condenseurs permet de contrôler l’éclairement sur l’échantillon ; le système d’imagerie, constitué de la lentille objectif, des lentilles intermédiaires et projecteurs et du détecteur, permet quant à lui de former et agrandir l’image de l’échantillon. À différents endroits, des déflectrices permettent de contrôler l’inclinaison du faisceau ou la zone observée, ce qui permet par exemple de corriger les légers défauts d’alignement ou d’ajuster les conditions de diffraction. En raison de la section efficace de diffusion élevée des électrons avec la matière, il est nécessaire de maintenir la colonne du microscope sous vide. Afin de faciliter le pompage, les électrons sont confinés dans un tube métallique de quelques millimètres de diamètre, appelé le line tube, et passant au centre des différents éléments optiques du microscope. Un vide minimum dans la colonne du microscope de l’ordre de 1− Pa à 1− Pa est nécessaire. Un vide plus poussé autour de la source (au moins 1− Pa) est requis pour diminuer les effets de contamination au niveau de l’échantillon et de la pointe émettrice dans le cas d’une source à émission de champ. Un diaphragme différentiel de quelques millimètres de diamètre sépare la zone de vide du canon de celle du reste du microscope, couplé à une gun valve, qui permet de fermer la zone de vide du canon. La caractéristique de loin la plus intéressante d’un microscope électronique en transmission réside dans sa résolution spatiale élevée (Akashi et al. 1). À l’origine de cette résolution, on retrouve la nature onde-particule de l’électron, que l’on peut caractériser par sa longueur d’onde de de Broglie 𝜆B (De Broglie 1) :
Canons électroniques
Le but d’un canon à électrons est de produire un faisceau d’électrons accélérés. La structure générale est présentée sur la figure . : le canon à électron est enfermé dans un boîtier externe rempli d’un gaz de SF (hexafluorure de soufre) qui permet de l’isoler électriquement. Le canon, situé à l’intérieur de ce boîtier isolant, est mis sous vide poussé (< 1− Pa). Il peut être décomposé en trois parties : une source électronique, une lentille, et des étages d’accélération. La source d’électrons (en rouge) peut être décrite comme un point source. La lentille (en orange) est située juste sous la source d’électrons ; son rôle est de focaliser les électrons émis (en vert) sous la forme d’un crossover, i.e. une image de la source, qui peut être réelle ou virtuelle (Orloff ). Les électrons sont finalement accélérés par les étages d’accélération successifs (en bleu), jusqu’à atteindre leur énergie cinétique cible, généralement dans l’intervalle 1 keV à keV (Egerton 1). .1. Instrumentation du microscope électronique Pointe émettrice Crossover Boîtier externe Faisceau électronique Tube d’accélération Lentille électrostatique SF Figure . – Représentation schématique d’un canon à électron. Le boîtier externe, en gris foncé est rempli de SF sous pression, ce qui permet de garantir l’isolation électrique de l’ensemble. Le canon est constitué d’une pointe émettrice d’électrons (en rouge), d’une lentille électrostatique (en orange) et d’un tube d’accélération (en bleu). Le faisceau électronique est représenté en vert et forme ici un cross-over réel. Optiquement, un canon se caractérise par deux grandeurs principales, l’intensité 𝐼 correspondant au nombre d’électrons émis par seconde, et la brillance 𝐵 définie comme : 𝐵 = 𝐼 𝑆sΩs , (.) où 𝑆s est la surface de la source et Ωs l’angle solide d’émission (Goldstein et al. 1 pp. -1). Une meilleure intensité augmente la quantité de signal reçu et permet un meilleur rapport signal sur bruit, là où une meilleure brillance implique une cohérence plus grande. En interférométrie, où les contrastes sont fortement dépendants de la cohérence de l’onde électronique, cette dernière grandeur sera privilégiée. On peut distinguer deux catégories de canons : les canons thermoïoniques et les canons à émission de champ, dont un comparatif est fait sur la table .1. Les premiers permettent d’obtenir les intensités les plus fortes au prix d’une faible brillance, tandis que les seconds possèdent les meilleures brillances, mais sont limités à des intensités totales relativement faibles. On peut faire une comparaison avec les sources photoniques : les canons à émission de champ sont analogues au laser, tandis que les canons thermoïoniques sont analogues aux ampoules à filament. Parmi les canons à émission de champ, les canons présentant la meilleure brillance, et donc les plus . Théorie adaptés pour l’interférométrie, sont les canons à émission de champ froide. Ceux-ci sont constitués d’une pointe — généralement de tungstène — se terminant par un apex de quelques nanomètres de rayon. La pointe est maintenue à un potentiel négatif, tandis qu’une tension de quelques kV est appliquée entre la pointe et une anode dite d’extraction pour extraire les électrons par effet de champ, ces derniers convergeant ensuite sous la forme d’un crossover sous l’action d’une deuxième anode ; ces deux anodes formant la lentille électrostatique évoquée plus haut
Système électro-optique
Une fois accéléré, le faisceau d’électrons entre dans la colonne du microscope, composée d’un jeu de lentilles électromagnétiques (Tsuno ) et de déflectrices. Une lentille électromagnétique sert à focaliser le faisceau électronique vers l’axe optique et à grandir ou réduire un objet. La figure . montre une coupe schématique d’une lentille électromagnétique, qui est essentiellement un électro-aimant. Un courant circulant au travers de la bobine génère un champ magnétique axial ; le flux magnétique est alors concentré à l’intérieur du gap des pièces polaires, faites soit de fer pur, de permendur (FeCo) ou de permalloy (FeNi), suivant le type de lentilles. L’induction magnétique résultante, localisée dans le gap de la pièce polaire, agit sur le faisceau d’électrons par le biais de la force de Lorentz, ce qui a pour effet de le focaliser d’une manière analogue à ce que ferait une lentille mince en verre sur la lumière. À l’instar de l’optique photonique, il est possible de définir des éléments cardinaux — plans objets, images focaux, principaux ; une description détaillée de l’optique des lentilles magnétiques sera faite en section .. Une différence notable avec les lentilles de l’optique photonique est que les lentilles électromagnétiques introduisent une rotation de l’image autour de l’axe optique. Les lentilles électrostatiques peuvent également être utilisées (Lencová ), au prix d’aberrations sphériques et chromatiques deux fois plus élevées que leurs contreparties électromagnétiques à focale équivalente (Egerton 1) ; elles présentent cependant l’avantage de ne pas induire de rotation du faisceau. En général, ces lentilles sont utilisées dans les canons, où l’intégration d’une lentille magnétique est compliquée techniquement. Qu’elles soient électrostatiques ou électromagnétiques, les lentilles à symétrie cylindrique, ou lentilles rondes, sont toujours des lentilles convergentes. Ceci implique notamment que certaines aberrations dont le signe dépend du caractère convergent ou divergent de la lentille ne peuvent pas être compensées simplement par des lentilles rondes, par exemple l’aberration sphérique que nous verrons section .1.. Comme pour toute optique de microscope, les lentilles du système auront des rôles différents selon leur position par rapport à l’échantillon. Les lentilles situées avant l’échantillon sont appelées lentilles condenseurs et permettent de modifier les conditions d’illumination sur l’échantillon ; avec le canon, elles forment le système d’illumination. Les lentilles situées après l’échantillon permettent, elles, de former l’image finale de l’objet, et correspondent donc au système d’imagerie. La première lentille qui le compose est la lentille objectif, dont les performances sont essentielles car c’est elle qui réalise la première image — agrandie — du système ; sa résolution conditionne donc la résolution .1. Instrumentation du microscope électronique du microscope. Pour cette raison on utilisera généralement des lentilles à immersion, c’est-à-dire que l’échantillon est en immersion dans le champ magnétique de la lentille, ce qui permet d’atteindre les meilleures résolutions grâce à des distances focales plus courtes. Les autres lentilles du système agrandissent alors successivement cette première image avec des distances focales plus longues, et sont donc moins exigeantes en termes de résolution. À la différence des lentilles de verre de l’optique photonique, les propriétés optiques des lentilles électromagnétiques — distance focale, plans principaux, etc. — ne sont pas fixées, et dépendent du courant qui les traverse. La configuration optique du microscope se fera donc en manipulant ce paramètre au besoin, et non pas en réalisant des déplacements mécaniques des lentilles ; par exemple, le réglage de la mise au point de la lentille objectif se fait en ajustant sa valeur de courant. Le changement du grandissement du microscope s’opère via le même procédé. En changeant de plus la configuration des lentilles intermédiaires et projecteurs, il est possible de transmettre sur l’écran non plus l’image formée par la lentille objectif, mais celle de son plan focal où se forme le cliché de diffraction électronique du matériau de l’objet.
Déflectrices
Les déflectrices (Riecke 1) permettent d’ajuster la position et l’inclinaison du faisceau à différentes positions de la colonne. Elles servent par exemple à corriger les très légers désalignements mécaniques des différents éléments entre eux en recentrant le faisceau, à déplacer l’illumination sur l’échantillon, ou encore à faire varier l’angle d’illumination de l’échantillon pour faire varier les conditions de diffraction. L’élément constitutif de la déflectrice est le dipôle, qu’il soit électromagnétique ou électrostatique. À déflexion équivalente, les dipôles électromagnétiques présentent moins d’aberrations que leurs contreparties électrostatiques, là où celles-ci sont plus adaptées pour le travail en haute fréquence. Les déflectrices électromagnétiques sont plus communes en microscopie électronique, car d’une part le recours aux déflexions hautes fréquences est rare, et d’autre part la déflexion magnétique est plus efficace sur les électrons accélérés à grande vitesse, qui sont des particules légères. Un dipôle électromagnétique est constitué d’une paire de bobinages enroulés parallèlement à l’axe optique, produisant un champ magnétique perpendiculaire à celui-ci, qui permet de défléchir le faisceau d’un angle donné autour du champ. En négligeant les aberrations, l’action d’un tel dipôle telle que représentée sur la figure . peut être modélisée par une déflexion abrupte ayant lieu dans le plan perpendiculaire à l’axe optique d’ordonnée 𝑧d , coordonnée appelée le point pivot du dipôle, telle que, en utilisant la notation complexe 𝑤 = 𝑥 + 𝑖𝑦 : 𝑤(𝑧) = 𝑤libre(𝑧) + 𝑤d (𝑧)
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