Limitations des amplicateurs a bre de puissance
Les principales limitations des amplicateurs a bre apparaissent en regime impulsionnel ou de fortes puissances cr^etes sont atteintes. Dans ce regime, la reponse du materiau devient nonlin eaire et a des consequences nefastes sur les prols spatial, temporel et spectral de l’impulsion, allant jusqu’a la deterioration. Le verre etant un milieu amorphe, les eets non-lineaires qui apparaissent sont dus principalement a la susceptibilite d’ordre 3 du materiau (3). Une des consequences de ces eets est la modication de l’indice de refraction du materiau qui s’ecrit alors n = n0 + n2I ou n0 est l’indice de refraction lineaire du materiau, n2 son indice de refraction non-lineaire et I l’eclairement du faisceau se propageant dans la bre en W/m2 (correspondant a la puissance cr^ete du faisceau divisee par l’aire du mode se propageant dans la bre). La dependance de l’indice de refraction avec l’eclairement du faisceau induit une auto-focalisation du faisceau dans le materiau pour les puissances cr^etes elevees. En eet, la repartition d’intensite dans le mode fondamental etant gaussienne, la puissance et donc l’indice de refraction est plus eleve au centre du faisceau que sur les bords, creant une lentille de focale positive et le faisceau converge.
La puissance critique pour laquelle l’auto-focalisation appara^t est donnee dans le cas d’un faisceau gaussien par [Boyd 03] : Pcr = (0; 61)220 8n0n2 (I.2) ou 0 est la longueur d’onde du faiceau se propageant dans la bre. En prenant n0 = 1; 45 et n2 = 31020 m2/W pour la silice [Agrawal 01], on trouve pour une longueur d’onde de 1 m une valeur de puissance critique de 3,4 MW. Cette valeur ne depend pas de la taille du cur de la bre et constitue donc la limite absolue pour la puissance cr^ete pouvant se propager dans le cur. Outre l’inuence sur le prol spatial du faisceau, la susceptibilite non-lineaire d’ordre 3 a egalement une inuence temporelle et peut conduire a une degradation du spectre de l’impulsion (phenomenes d’auto-modulation de phase, de modulation de phase croisee…) pour des puissances inferieures au seuil d’autofocalisation. Pour caracteriser la sensibilite d’un milieu a ces eets, on peut denir le parametre non-lineaire de la bre [Agrawal 01] : u Aeff est l’aire eective du faisceau se propageant dans la bre et est denie par : Aeff = ZZ +1 1 jE(x; y)j2 dxdy 2 ZZ +1 1 jE(x; y)j4 dxdy (I.4) ou E(x; y) est la repartition d’amplitude du faisceau se propageant dans la bre. La formule (I.3) montre que le parametre non-lineaire est inversement proportionnel a l’aire eective du faisceau se propageant dans la bre. Repousser les seuils d’apparition de ces eets impose donc d’augmenter l’aire eective des bres tout en maintenant la qualite spatiale des faisceaux s’y propageant. En eet, l’augmentation pure et simple des dimensions transverses induit l’apparition de modes transverses dans la bre (cf. annexe A) qui degradent le prol spatial du faisceau. Nous verrons dans l’etat de l’art de la partie I.2 quelques solutions proposees pour s’aranchir de ces limitations.
Guidage par reexion totale interne
Le guidage par reexion totale interne repose sur la condition de reexion totale a l’interface cur gaine. Nous avons vu a la partie I.1.1 que la frequence reduite V, qui depend notamment de la dierence d’indice entre le cur et la gaine, impose le nombre de modes pouvant se propager. Dans cette partie, nous verrons comment jouer sur ces parametres pour augmenter l’aire eective de ces bres. Fibres a large aire modale On voit d’apres l’equation I.1 qu’augmenter la taille du cur de bre implique de reduire la dierence d’indice entre le cur et la gaine, limitee a 103 avec les techniques de fabrication traditionnelles. Une solution largement repandue consiste a rendre les bres legerement multimodes (frequence reduite comprise entre 5 et 10), et proter des pertes de courbures elevees sur les modes d’ordres superieurs du fait de la dierence d’indice faible entre le cur et la gaine. Les bres \large mode area » (LMA) sont basees sur ce principe. Un calcul des pertes de courbure pour les quatre premiers modes d’une bre LMA de 30 m de diametre et d’ouverture numerique 0,06 a ete realise [Limpert 06] et est represente sur la gure I.7. Par exemple, pour un rayon de courbure de 50 mm, les pertes sur le mode fondamental (LP01) sont de 0,01 dB/m alors que sur le mode suivant (LP11), elles s’elevent a 52 dB/m.
Cette dierence assure en pratique un fonctionnement dans le mode fondamental. Figure I.7: Pertes par courbure pour les quatre premiers modes d’une bre LMA de 30 m de diametre de cur et d’ouverture numerique 0,06 en fonction du rayon de courbure. Cette technique a ete utilisee pour la premiere fois en 2000 pour realiser un amplicateur a bre dopee Yb avec une bre LMA de 25 m de diametre et d’ouverture numerique 0,1 en regime continu [Koplow 00]. L’aire eective correspondante est de 260 m2 et le faisceau amplie avait une qualite spatiale proche de la limite de diraction (M2 de 1,09). Cette technique a ete utilisee par la m^eme equipe sur la m^eme bre en 2002 pour realiser un amplicateur a bre en regime pulse delivrant des impulsions de 800 ps, d’energie 255 J avec un M2 de 1,08 [Di Teodoro 02]). La limitation de cette technique vient du rayon de courbure minimal qu’on peut imposer a la bre sans risquer de diminuer l’aire eective du faisceau. En eet, la courbure de la bre induit une deformation du prol d’indice qui induit lui-m^eme une deformation du mode se propageant. Le mode se conne pres de la paroi cur/gaine et son aire eective diminue. Fibres a cur helicodal Recemment, diverses techniques ont ete etudiees pour utiliser ces pertes par courbure sans pour autant risquer de rompre le materiau.
Une solution possible est d’integrer la courbure de la bre directement au niveau du cur, en developpant une bre a cur helicodal [Wang 06] (cf. gure I.8). Le cur helicodal a un diametre de 30 m et une ouverture numerique de 0,087, ce qui correspond a 1043 nm a une aire eective de 370 m2. La trajectoire en helice du cur de la bre est imposee lors de la fabrication de la bre, la gaine restant droite. Le pas de l’helice est de 8,5 mm et a ete optimise pour evacuer au mieux les ordres superieurs en limitant les pertes sur le mode fondamental. Une puissance moyenne de 60,4 W en regime continu avec une ecacite de 84% a ete obtenue avec un faisceau restant monomode. L’excentrement du cur par rapport au centre de la gaine permet de plus une meilleure absorption de la pompe. La limitation principale de cette technique est la diculte de fabrication de telles bres. Figure I.8: Schema de la bre a cur helicodal. P represente le pas de l’helice et ro l’excentrement maximal du cur helicodal par rapport au centre de la bre. Fibres a cur de fuite helicodal Plut^ot que d’avoir un cur guidant en helice, une technique proche developpee a l’Universite du Michigan par A. Galvanauskas et ses collaborateurs consiste a utiliser un cur large classique en silice autour duquel est enroule en spirale un cur plus petit (cf. Figure I.9). La faible distance separant ces curs permet un couplage des modes d’ordres superieurs existants dans la bre LMA dans la bre helicodale. Ces modes subissent ensuite de fortes pertes par courbure du fait de la torsion imposee a cette bre. Figure I.9: Schema d’une bre a cur de fuite helicodal Une telle bre dopee a l’Yb a ete utilisee pour developper un laser continu autour de 1064 nm [Galvanauskas 08]. Le cur a un diametre de 33 m et une ouverture numerique de 0,06, ce qui correspond a une aire eective de 500 m2. Une puissance de 37 W avec une ecacite de 75% a ete demontree. Comme pour le cas precedent de la bre cur helicodal, la complexit de fabrication reste elevee par rapport aux bres LMA traditionnelles, pour des performances voisines.
Excitation selective de modes
Les exemples precedents reposent sur des structures LMA dont les modes d’ordres superieurs sont ltres. Avec l’augmentation de la dimension du cur des bres et donc du nombre de modes, leur elimination devient delicate. Il existe cependant une alternative au ltrage de ces modes d’ordres superieurs : l’excitation selective de modes. La solution la plus simple consiste a exciter selectivement le mode fondamental d’une bre multimode, qui presente une aire eective plus large que celle du mode LP01 d’une bre monomode. Ceci est realise en pratique en contr^olant l’injection dans la bre multimode, de maniere a realiser une adaptation de mode entre le faisceau injecte et le mode se propageant dans la bre. Une soudure entre une bre monomode delivrant le signal a amplier et la bre mulitmode amplicatrice permet de realiser cette adaptation. Une telle technique a ete mise en uvre recemment par OFS Laboratories [Jasapara 09] pour amplier un signal continu a 1548 nm dans une bre dopee Er de 70 m de cur (correspondant a une aire eective de 1800 m2) avec un gain de 22 dB. Le couplage dans les modes d’ordres superieurs est reduit du fait du gain superieur pour le mode fondamental. La m^eme technique a ete utilisee par la m^eme equipe [Jasapara 08] pour l’amplication d’impulsions de 526 fs a 1562 nm dans une bre dopee Er de 54 m de cur (correspondant a une aire eective de 1170 m2). Une energie par impulsion de 67 nJ avec une puissance moyenne de 1,5 W ont ete obtenus.
La propagation dans le mode central etant imposee principalement par les conditions d’injection, on peut s’interroger sur la robustesse d’un tel dispositif. En eet, toute perturbation au niveau de la bre multimode (une courbure par exemple) est susceptible d’induire un couplage entre le mode fondamental et les modes d’ordres superieurs. Une solution alternative proposee par S. Ramachandran d’OFS Laboratories consiste a ne pas exciter le mode fondamental, mais un mode d’ordre superieur [Ramachandran 06]. Cette technique presente deux principaux inter^ets. Tout d’abord, l’aire eective des modes d’ordres superieurs est beaucoup moins sensible a la courbure de la bre que celle du mode fondamental. Ainsi, l’aire eective d’un mode LP01 de 2000 m2 est reduite de 75% si la bre est courbee sur un rayon de 15 cm, alors qu’elle n’est reduite que de 3% pour un mode LP07 de m^eme aire eective. Ensuite, le couplage du mode d’ordre superieur dans des modes adjacents est relativement faible. En eet, il est directement lie a la dierence d’indice eectif entre le mode se propageant et les modes adjacents. Or, les auteurs montrent que plus l’ordre du mode est eleve, plus la dierence d’indice eectif avec les modes adjacents est grande, permettant ainsi une propagation sans couplage de ce mode. L’aire eective du mode d’ordre superieur est inferieure a celle du mode fondamental de la bre, mais reste superieure a celle du mode fondamental d’une bre monomode. Les bres permettant la propagation de modes d’ordres superieurs ont des prols d’indice speciaux et une courbure doivent leur ^etre appliquee pour diminuer le couplage du mode excite dans un mode d’ordre superieur adjacent. Des reseaux de Bragg longue periode bres permettent la conversion d’un faisceau monomode en un faisceau d’ordre superieur, puis sa reconversion en mode fondamental (cf. gure I.10).
Introduction |