Contributions à l’étude des écoulements de fumées dans un bâtiment en situation d’incendie
Simulation d’incendie dans un bâtiment
Dans l’ingénierie de la sécurité incendie ainsi que dans le domaine de la recherche, des outils numériques sont utilisés pour simuler le développement d’un feu ainsi que la propagation de fumée dans un bâtiment. Nous pouvons distinguer deux grandes familles de code de calcul d’incendie : les codes à zones et les codes à champs. Le choix du code dépend de l’objectif de l’étude, de la configuration étudiée et du degré de précision envisagé.
Codes à zones
Le principe des modèles à zones consiste à découper le volume d’un local en deux zones gazeuses : la zone haute (couche de fumée) et la zone basse (air frais) (cf. figure 1.12). Ce découpage de volume en deux zones est issu de l’observation, lors des expériences, que les gaz chauds issus d’un foyer s’accumulent sous le plafond, délimité par une frontière à peu près horizontale sous laquelle se situe l’air frais. Dans les modèles à zones, la zone haute et la zone basse sont supposées avoir des propriétés physiques (température, opacité, composition en espèces chimiques, …) homogènes, ce qui n’est pas vraiment le cas dans la réalité. Cependant, cette approximation est raisonnable puisque les variations des propriétés physiques dans une zone sont faibles devant les variations des mêmes propriétés à l’interface entre les deux zones. Figure 1.12 – Découpage de volume d’un local en deux zones. Les propriétés physiques de chaque zone sont calculées à partir de la résolution numérique du système des équations différentielles, établi en appliquant les lois de conservation de la masse et de l’énergie dans chaque zone du domaine étudié. Quintiere [57] [58] a présenté en détail le système d’équations décrivant un modèle à zones. 25 Chapitre 1. Étude bibliographique Les flux de masse et d’énergie générés par les composantes du système étudié (foyers, ouvertures, les parois des locaux, système de désenfumage …) sont modélisés à l’aide des outils simples comme l’utilisation des corrélations empiriques, par exemple l’utilisation des corrélations de Zukoski, de McCaffrey ou bien d’Heskestad, présentées dans la section pour évaluer le débit massique du panache à l’interface entre les deux zones, ou bien l’application du théorème de Bernoulli pour évaluer le débit de masse à travers les ouvertures. La figure 1.13 représente les échanges de masse et d’énergie entre les différentes composantes pour un cas simple d’un local contenant un seul foyer et en contact avec le monde extérieur à travers des ouvertures. Figure 1.13 – Échange de masse et d’énergie lors d’un feu. Du fait de la simplicité des équations utilisées et des hypothèses adoptées, la durée de la simulation est en général de l’ordre de quelques dizaines de secondes, ce qui constitue le point fort des codes à zones. Parmi les codes à zones utilisés dans le domaine de la sécurité incendie, on peut citer : — CFAST développé par le National Institute of Standards and Technology (NIST) aux États-Unis [59], — CIFI développé par le Centre Scientifique et Technique du Bâtiment en France [60], — BRI2002 développé par le Building Research Institute au Japon [61], — MAGIC développé par l’EDF en France [62], — OEIL développé par la DGA en France.
Codes à champs
Les codes à champs fournissent une description détaillée du champ d’écoulement tridimensionnel dans tout le domaine étudié (à l’intérieur et à l’extérieur de la structure à partir de la résolution des équations de la conservation de la masse, de la quantité de mouvement et de l’énergie. Le domaine étudié est par exemple discrétisé en un très grand nombre de sous-volumes (mailles) (cf. figure 1.14). Dans chaque maille les propriétés physiques de fluide (température, vitesse, concentrations des espèces chimiques, …) sont supposées uniformes et un algorithme de résolution donne une solution discrète du système d’équations couplées considéré. En général, dans ce type de code, le modèle hydrodynamique est couplé à des sous-modèles permettant de modéliser les différents phénomènes physiques tels que la turbulence, la combustion, les transferts radiatifs et convectifs. Figure 1.14 – Illustration de discrétisation d’un domaine de calcul dans un code à champs. Le code à champs le plus utilisé dans le domaine de la sécurité incendie est le code Fire Dynamics Simulator (FDS), développé par le NIST aux États-Unis. Ce code résout numériquement les équations de Navier-Stokes dans le cadre de l’approximation du faible nombre de Mach (M = V/c 1), autrement dit, pour un écoulement avec une vitesse caractéristique V très inférieure à la vitesse du son c. La turbulence est modélisée, par défaut, par la méthode de simulation des grandes échelles, nommée LES (Large eddies simulations). Cette méthode consiste, à partir d’un filtrage, à simuler les structures turbulentes les plus grandes, les plus petites échelles de turbulence étant modélisées, par défaut, par le modèle de sous maille de Deardorff. D’autres modèles sont implémentés dans FDS tels que les modèles de pyrolyse, de combustion, de rayonnement, de formation de suies et d’aspersion. Pour plus de détails sur le code FDS, le lecteur pourra se référer au guide technique du logiciel [63]. Il faut noter que même si le code à champs permet une description plus fine des écoulements dans un bâtiment en feu, le coût et la durée de simulation constituent des freins à l’utilisation de ce type de code, notamment dans les études stochastiques qui nécessitent un grand nombre de simulations.
Bilan de la première partie
Cette première partie était constituée de deux chapitres. Le premier chapitre a donné une description générale des différents phénomènes qui peuvent apparaître lors d’un incendie dans un bâtiment ainsi que des modèles utilisés dans les codes à zones pour simuler l’écoulement de fumées. Une description des moyens permettant d’étudier l’écoulement de fumée dans un bâtiment a été également présentée. Dans le deuxième chapitre, nous avons évalué la capacité d’un code à zones à modéliser la propagation de fumée dans un bâtiment multi-étages. Pour cela, le code à zones CFAST a été confronté aux résultats expérimentaux des essais menés à échelle réelle dans un bâtiment d’habitation de type R+3. Les résultats de comparaison ont montré que les écarts de température n’excèdent pas 22 % sauf pour la température de la zone basse dans le local en feu, quant à la position de l’interface, le code à zones la sous-estime dans les différentes pièces (sauf dans le local en feu) de 20 % à 36 % de la hauteur des pièces. Ces écarts observés peuvent être en partie expliqués par les différents modèles implémentés dans le code à zones. Cet exercice de comparaison montre aussi la difficulté à travailler en vraie grandeur, et la complexité d’un tel travail nécessitant des efforts de mise en place conséquents et générant des incertitudes inévitables (nombreux paramètres dont certains non maîtrisables), d’où l’intérêt de travailler également de façon plus académique en échelle réduite. Cela permet de mieux maîtriser les conditions, de contrôler les incertitudes et de travailler sur la répétabilité en particulier. L’étude bibliographique a souligné certains points pouvant constituer des faiblesses du modèle à zones. Par exemple, les études de remplissage menées dans le cadre de l’approximation de Boussinesq ont mis en évidence l’impact majeur de la dynamique du panache lors de son impact avec le plafond et les parois latérales sur le temps de remplissage, alors que cette dynamique d’écoulement n’est pas prise en compte dans les modèles à zones. Il paraît alors intéressant d’étudier ce problème dans le cas d’incendie, autrement dit, dans le cadre général non-Boussinesq. Ce problème sera traité dans le chapitre 3. En effet des expériences à échelle réduite et des simulations numériques avec le code à champs FDS seront entreprises afin de mettre en évidence l’effet de cette dynamique d’écoulement aux parois sur le processus de remplissage. Un deuxième axe d’investigation est le problème classique du remplissage/vidange simultanés. En effet, comme souligné dans le premier chapitre bibliographique très peu d’études ont considéré ce problème dans le cas d’un incendie. Ce problème sera traité expérimentalement à l’échelle du laboratoire dans le chapitre 4. Bilan de la première partie Dans le dernier chapitre (chapitre 5), on étudiera expérimentalement en échelle réduite l’écoulement de fumées dans une configuration constituée de deux locaux superposés, reliés par une cage d’escalier. Cette dernière configuration introduit une complexité supplémentaire liée à la présence de la cage d’escalier. En effet, la présence des obstacles (paliers, marches d’escalier) dans la cage d’escalier n’est pas prise en compte dans le code à zones, cela peut constituer une faiblesse majeure du code à zones. L’objectif de cette dernière partie est de mettre en évidence l’impact des obstacles sur les écoulements de fumées. Elle permettra également d’observer le comportement des fumées en situation multi-compartimentée.
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