Contribution des matériaux de couverture à la
contamination métallique des eaux de ruissellement
Des bancs d’essais : une solution pratique pour tester plusieurs matériaux simultanément
Contrairement à ce qui est généralement réalisé lors des études de relargage des métaux par des matériaux, l’idée est ici de rechercher un large panel d’espèces métalliques afin de créer des spectres d’émissions des différents matériaux. A partir de l’étude du marché des matériaux de couvertures, une douzaine de matériaux ont été choisis pour ces tests et des bancs d’essais ont été conçus et construits. Le travail sur banc d’essais présente plusieurs avantages, tant d’un point de vue pratique que concernant la représentativité et la fiabilité des résultats obtenus : 1. Les bancs présentant des surfaces relativement petites comparées à la surface d’un toit réel, les temps d’exposition peuvent être importants, ce qui permet d’éviter les contraintes liées à une fréquence d’échantillonnage trop importante. 2. La qualité des matériaux testés est totalement maîtrisée, ce qui est important et très difficile à faire sur des toits réels, notamment en ce qui concerne l’âge des matériaux. 3. Compte tenu des petites surfaces de matériaux exposées, la totalité des eaux peut être collectée, permettant d’obtenir des sous échantillons représentatifs de l’ensemble des précipitations et donc des flux annuels émis plus précis. 4. Différentes maquettes (et donc différents types de matériaux) sont concentrées sur un même site et sont alors toutes exposées aux mêmes conditions climatiques : mêmes températures, taux d’humidité, temps d’ensoleillement et bien sûr, mêmes quantités de précipitations. Les émissions des matériaux peuvent donc être comparées directement entre elles, permettant la réalisation d’une hiérarchisation de ces matériaux en fonction de leur potentiel émissif. 5. Ce mode d’acquisition de données permet également de tester les différents matériaux dans plusieurs types d’usage (rampant, gouttières, crochets de fixation), et d’évaluer ainsi des taux annuels de ruissellement par m2 (pour les matériaux testés sous forme de rampant), mais aussi par mètre linéaire (pour les gouttières). Ces informations sont importantes pour la suite du projet TOITEAU dont l’objectif final vise à estimer les émissions des matériaux par les toitures à l’échelle d’un bassin versant, tenant compte au maximum des nombreux éléments singuliers réalisés avec des matériaux métalliques. 6. Enfin, il est assez aisé de récupérer des morceaux de matériau sur ces maquettes afin de réaliser des observations microscopiques des surfaces et de confronter les informations obtenues aux résultats issus de l’étude des eaux de ruissellement, permettant de mieux appréhender à la fois la composition initiale des matériaux et leur processus de vieillissement.
Conception des bancs d’essais
Rappel de l’objectif du dispositif expérimental
La base de données de taux de ruissellement annuels pour plusieurs matériaux de couverture qui doit être créée, doit être établie dans le contexte météorologique et climatique de l’Ile-de-France et prendre en compte : 1. un large spectre de matériaux utilisés dans ce contexte géographique, 2. les émissions des matériaux en fonction de leur mise en œuvre, 3. les variations possibles des taux de ruissellement mesurés en fonction des caractéristiques de l’atmosphère d’exposition. Les bancs d’essais ont donc été pensés dans le but de satisfaire à ces exigences. Les matériaux ont été Chapitre 2.1 : Travail sur bancs d’essais : pourquoi et comment ? Matériaux de couverture et contamination métallique des eaux pluviales urbaines 113 sélectionnés grâce aux résultats d’une étude de marché (MSI Marketing Research for Industry Ltd, 2006) sur l’utilisation des différents matériaux de couverture en Ile-de-France ; et deux sites, présentant a priori des caractéristiques atmosphériques différentes,
Choix des sites d’études
Description
Le premier site d’exposition des bancs d’essais est situé à Créteil (Dpt. 94), sur une toiture terrasse (au niveau du 4ème étage) de la Faculté des Sciences de l’université Paris XII – Val de Marne. Il s’agit d’un site urbain assez dense, situé à une dizaine de kilomètres au sud-est de Paris, et soumis à diverses sources de pollution atmosphérique dues aux activités industrielles implantées aux alentours (incinérateur d’ordures ménagères, industries automobiles, plastiques, centrale thermique d’Ivry…), et au trafic routier et autoroutier important (A86, N6, N19…). D’autre part, cette partie de la région parisienne est soumise en partie, de part sa situation par rapport au vent dominant (venant principalement de l’ouest), à la pollution de l’agglomération parisienne. Le second est localisé sur le site du CSTB de Champs-sur-Marne (Dpt. 77), sur le toit terrasse d’un des bâtiments du site (au niveau du 2ème étage). Cette zone peut être qualifiée de péri-urbaine, avec un urbanisme peu dense (principalement pavillonnaire) et un trafic automobile plus limité. Néanmoins, il faut signaler que les activités menées à proximité immédiate par le CSTB peuvent apporter des contaminations atmosphériques ponctuelles (essais au feu notamment). Les vents en région parisienne arrivent principalement par l’ouest (AirParif, 2008a), il ne faut donc pas que les bancs soient orientés dans cette direction : cela pourrait entraîner une surestimation des mesures des taux de ruissellement. En effet, (Odnevall Wallinder et al., 2000) a établi que les matériaux exposés dans ces conditions reçoivent d’avantage d’eau de pluie, ce qui tend à surestimer les taux de relargage. Sur chacun des sites, les bancs sont donc orientés dans la même direction : face au sud-est.
Quels équipements ?
Sur chacun des sites, plusieurs paramètres sont suivis, dans le but d’établir des corrélations entre les taux de ruissellement et les conditions d’exposition des matériaux. Pluviométrie Le suivi de la pluviométrie est primordial : chaque site est donc équipé d’un pluviographe à augets basculeurs de marque Précis Mécanique. Celui de Créteil a une surface de captation de 400 cm2 (Réf. 3029, Figure 30) et celui de Champs-sur-Marne présente une surface de 1000 cm2 (Réf. 3032). Tous deux ont des augets correspondants à 0,2 mm d’eau précipitée. Une centrale d’acquisition collecte les données relatives à chaque basculement : à Créteil, un enregistrement a lieu à chaque basculement, notant précisément la date et l’heure (au dixième de seconde) ; tandis qu’à Champs-sur-Marne, le pluviographe est relié à une station météo qui enregistre des données toutes les 3 minutes, la seule information disponible est donc le nombre de basculements dans cet intervalle. La mesure effectuée est assez fiable à partir du moment où l’appareil est positionné dans un endroit à découvert, évitant les déficits de captation dus au vent ou à un masquage par les bâtiments. Concernant l’erreur effectuée sur la mesure de la hauteur de pluie, (Gromaire-Mertz, 1998) a estimé que l’incertitude de mesure est de ± 25% pour une pluie de 1mm, ± 12% pour une pluie de 3 mm et au maximum de ± 5% pour une pluie plus importante. Cette incertitude repose principalement sur le fait que l’état de remplissage du premier auget avant le début de la pluie n’est pas connu, de même que l’état de remplissage du dernier auget à la fin de l’évènement. Le pluviomètre installé à Champs-sur-Marne appartient au CSTB et celui de Créteil a été mis en place spécifiquement dans le cadre de ce travail. Dans tous les cas, la maintenance de ces appareils de mesure a été effectuée par nos soins. Cette maintenance consiste à vérifier que le dispositif de collecte n’est pas bouché et à vérifier le niveau de l’appareil. A Créteil, un bidon de collecte récupère l’eau captée par le pluviomètre, permettant un contrôle des enregistrements par rapport au volume de précipitation recueilli. Dans le cas où un écart supérieur à 5% est constaté entre le volume d’eau récupéré et la mesure effectuée, un étalonnage est réalisé. A Champs-sur-Marne, ce type de vérification n’a pas pu être réalisé. Figure 30 : Pluviomètre à Créteil Sur l’eau de pluie collectée à Créteil au niveau du pluviomètre, le pH a été mesuré, ainsi que les concentrations en anions, nous permettant de caractériser l’eau de pluie. Concentration en gaz atmosphériques Les concentrations atmosphériques en SO2, NO2 et O3 sont suivies sur chacun de nos sites. Après avoir étudié les différentes techniques existantes, notre choix s’est porté sur des échantillonneurs passifs commercialisés par IVL, un Institut Suédois de Recherche en Environnement (Figure 31). La technique d’échantillonnage est basée sur la diffusion moléculaire des gaz : les molécules de gaz se répandent dans l’échantillonneur où elles sont quantitativement accumulées sur un filtre imbibé ou un matériel adsorbant, permettant après analyse d’estimer une concentration intégrée en fonction du temps d’exposition. Après exposition, les échantillonneurs sont remis dans des boites hermétiques et renvoyés en Suède pour analyse. Ces échantillonneurs peuvent rester exposés de 1 à 6 semaines. Dans notre cas, ils sont changés à chaque échantillonnage et restent donc environ 4 à 5 semaines en place. Chapitre 2.1 : Travail sur bancs d’essais : pourquoi et comment ? Matériaux de couverture et contamination métallique des eaux pluviales urbaines 115 Afin de les protéger de la pluie, ces échantillonneurs sont positionnés tête en bas, sous une coupole métallique. Figure 31 : Echantillonneurs passifs Apports atmosphériques métalliques Les apports de l’atmosphère aux flux métalliques émis par les bancs d’essais sont évalués grâce à des panneaux en plexiglas, présentant les mêmes dimensions que les autres maquettes. Ces panneaux servent de référence pour mesurer le « bruit de fond » atmosphérique sur chacun de nos sites. Initialement, chaque site d’exposition disposait d’un seul banc témoin, un second a été installé après 4 mois d’acquisition de données afin d’affiner les résultats obtenus. Les apports atmosphériques mesurés ici prennent en compte indifféremment les retombées sèches et humides. III.3. Conception des maquettes Les bancs d’essais doivent permettre de tester deux types de paramètres : les premiers sont liés au matériau, les seconds aux conditions d’exposition. III.3.1. Paramètres liés au matériau Plusieurs caractéristiques des matériaux ont été prises en compte dans cette sélection : 1. Le type de matériau : zinc, acier… 2. L’âge du matériau : les alliages ayant évolué, il est important de pouvoir évaluer l’impact des matériaux encore en place actuellement. 3. L’emploi du matériau, afin de définir des taux de ruissellement par matériau et par type d’usage important. Finalement, 12 matériaux ont été retenus pour l’étude. Ces 12 matériaux sont répartis dans 5 grandes familles : zinc, plomb, acier, aluminium et cuivre. La suite de ce paragraphe s’attache à donner les caractéristiques, notamment en terme de composition et de traitements de surface de chacun des matériaux, ainsi que les différents types d’usage ayant été testés. Tous les produits neufs sont commercialisés par Umicore et tous répondent aux normes relatives à la composition des matériaux de Partie 2 : Emission de métaux par différents matériaux de toitures 116 couverture. Matériaux en zinc Trois matériaux en zinc ont été exposés, parmi lesquels deux zincs naturels et un zinc prépatiné. Le premier zinc naturel est un matériau neuf, il s’agit d’un alliage ZnCuTi (Ti: 0,06 à 0,2%; Cu: 0,08 à 1,0%, Al: 0,015% en masse). Le second zinc naturel est ancien, il a été récupéré auprès de couvreurs à Paris. La composition initiale du matériau ne nous est pas connue, il s’agit d’un alliage ancien, contenant très probablement du cadmium. Des feuilles et des chéneaux ont été utilisés, respectivement pour tester du rampant et des gouttières. Les feuilles ont été exposées pendant environ 35 ans Rue Lecourbe dans le 15ème arrondissement, tandis que les chéneaux proviennent de la Rue Coquillère dans le 1er arrondissement, où ils ont été utilisés pendant environ 40 ans. Le zinc prépatiné testé est un Anthra-Zinc (marque déposée appartenant à VM Zinc). La base est la même que pour le zinc naturel neuf, mais ce matériau a subi un traitement de surface consistant en une phosphatation chimique, qui correspond en fait à la réalisation industrielle d’une patine accélérée. Le traitement de surface occasionne donc la formation d’une mince couche de Zn3(PO4)2 sur une épaisseur d’environ 5µm. Le poids de cette couche de « prépatine » est de l’ordre de 4 à 6 g.m-2 et contient entre 1 et 2 % de nickel (données Umicore). Le nickel employé a pour rôle de renforcer la protection de la couche de phosphatation et donc la résistance du matériau à la corrosion10. Ce procédé de prépatinage donne au zinc un aspect patiné immédiat à travers une couleur gris anthracite, la patine évolue néanmoins dans le temps pouvant occasionner de légères modifications de couleur durant l’exposition. Matériaux en cuivre Un cuivre neuf et un cuivre ancien font partie des matériaux étudiés dans ce travail expérimental. Le matériau ancien a été récupéré chez un couvreur, il a été exposé auparavant pendant 20 à 25 ans, en Seine-et-Marne, en milieu péri-urbain. Matériaux en plomb Deux matériaux en plomb ont été exposés : le premier est un plomb neuf, acheté sous forme de closoirs prévu pour les étanchéités de faîtage. Les bandes de plomb ont été découpées avant d’être exposées. Le second plomb est ancien et nous a été fourni par le Laboratoire de Recherche des Monuments Historiques11, il a été exposé pendant environ 50 ans en étanchéité sur un monument historique en région parisienne. La mise en œuvre est illustrée en Figure 32. 10 Le Quartz-Zinc, succinctement décrit dans le Chapitre 1.2. I.3.1. présente lui aussi une couche de phosphatation, un peu plus légère avec un poids de couche de 3 à 4 g.m-2 . 11 Laboratoire dépendant du ministère de la culture, ayant pour mission de préserver les monuments et objets du patrimoine.
Matériaux en aluminium
Deux matériaux neufs en aluminium ont été retenus, un aluminium standard et un prélaqué qui présente une couche de finition de peinture d’environ 80µm. Matériaux en acier Deux aciers galvanisés et un acier inoxydable ont été sélectionnés pour l’étude. L’acier galvanisé standard est recouvert d’une couche de galvanisation de 70 à 100µm d’épaisseur. L’acier galvanisé prélaqué a une surface plus complexe, constituée de 20µm de zinc, puis d’une couche primaire d’accroche de 5µm et enfin d’une couche de finition de 20µm de couleur beige. Les deux dernières couches sont à base de polyester. Enfin, l’acier inoxydable est un acier dit ferritique, qui présente une composition riche en chrome (environ 12% en masse) et dans laquelle on trouve également du titane (moins de 1% en masse), et des traces de nickel. Types d’usage testés Suite à l’étude des pratiques de couverture dans la région Ile-de-France (MSI Marketing Research for Industry Ltd, 2006) et aux rencontres avec les professionnels du secteur lors du salon Batimat 2005, nous avons pu focaliser nos tests sur les matériaux en fonction des principaux usages qui en sont fait dans ce contexte. Les usages suivants ont pu être mis en évidence dans le contexte géographique qui nous intéresse : – le zinc est un matériau très largement employé, tant en rampant que pour les éléments d’évacuation des eaux pluviales, – le cuivre est principalement employé sous forme de gouttières, – le plomb en tant qu’élément d’étanchéité, – l’aluminium en rampant sur des bâtiments industriels et en gouttières sur des zones pavillonnaires – les aciers sont employés en rampant, mais aussi en éléments de fixation (de tuiles ou d’ardoises).
INTRODUCTION GENERALE 2 |