Contribution de la douane à la compétitivité économique
Introduction
Le présent document, qui vise à soutenir l’élaboration du Dossier de l’OMD sur la compétitivité économique (DCE) et répond à une demande d’un Membre de l’OMD, offre une brève synthèse des recherches qui confortent l’idée selon laquelle la douane contribue à la compétitivité économique. Dans le cadre analytique exposé ici, cette contribution est apportée par la douane à travers ses fonctions de facilitation des échanges, de recouvrement des recettes et de protection de la société..
Signification de l’expression « compétitivité économique »
Avant de traiter de l’apport de la douane, il convient de s’entendre sur une acception générale de l’expression « compétitivité économique », étant donné qu’elle est souvent imprécise ou mal interprétée dans les débats concernant la politique publique nationale (Krugman, 1996:5-22, 88-101). Si le sens du terme « compétitivité » proposé dans le dictionnaire se révèle approprié dans le contexte d’une entreprise, c’est moins le cas pour les activités d’une nation. 2 Au niveau d’une entreprise, elle évoque la compétition entre les entreprises d’un même secteur d’activité et, dans ce contexte, il s’agit d’une concurrence au sens propre. Les entreprises sont en concurrence en matière de recherche de clients; certaines entreprises iront à l’échec si elles ne trouvent pas un nombre suffisant de clients ou si leurs frais de fonctionnement sont trop élevés (Krugman, ibid).
Au niveau d’un pays toutefois, la compétitivité n’équivaut pas tout à fait à une compétition entre les nations sur des questions économiques ou commerciales. Les pays ne sont pas en concurrence de la même manière que le sont les entreprises. Si les gouvernements appliquent des politiques économiques et commerciales qu’ils jugent avantageuses pour leur pays, ces politiques peuvent effectivement se révéler profitables pour leur pays sans pour autant que ces bénéfices soient obtenus au détriment d’autres pays. Le commerce international n’est pas un jeu à somme nulle, où il n’y aurait que des gagnants et des perdants. A travers les notions d’avantage comparatif et d’échanges mutuellement bénéfiques, deux pays peuvent se retrouver bénéficiaires et il n’y a pas alors un gagnant et un perdant. C’est pourquoi, dans un contexte national, la compétitivité économique est davantage affaire de renforcement de la croissance économique et de la productivité d’un pays plutôt que de concurrence bilatérale, régionale ou multilatérale.
Le terme « compétitivité » étant subjectif et non objectif, il ne peut être traduit en un calcul mathématique d’indicateurs objectifs, à la différence de termes tels que chômage, inflation, gains de productivité et croissance du PIB, qui peuvent être mesurés objectivement.
La compétitivité économique peut être estimée à travers divers indices internationaux. Deux des indices les plus connus sont le Rapport global sur la compétitivité du Forum économique mondial (WEF) et l’Annuaire mondial de la compétitivité publié par l’Institut pour le développement de la gestion (Institute for Management Development (IMD)). Le projet Doing Business de la Banque mondiale peut également être considéré comme un indice de compétitivité. Ces indices combinent des données objectives et des systèmes subjectifs de perception de l’information pour aboutir à un classement national. Un indicateur subjectif consistera par exemple à demander à un groupe d’importateurs leur opinion sur l’efficacité des procédures douanières. Les indicateurs objectifs et subjectifs retenus aux fins de ces indices, et la façon dont ils sont pondérés, déterminent le classement en matière de compétitivité. De toute évidence, les indices de compétitivité ne se distinguent pas par une précision absolue, notamment sur le long terme. Ståhle et Ståhle (2006) estiment que « les classements globaux ne concordent guère dans les faits avec la performance économique nationale : leur corrélation avec le présent et le passé récent est forte, plutôt faible sur une période plus longue de développement passé et parfois inexistante s’agissant des succès futurs ». Toutefois, ces indices peuvent peut-être inciter des pays à améliorer le climat des affaires chez eux (Ireland, Cantens, et Yasui, 2011:6).Le WEF a défini la compétitivité comme étant « l’ensemble d’institutions, de politiques et de facteurs qui déterminent le niveau de productivité d’un pays » (Sala-i-Martín et al., 2008:3) et l’IMD la définit de la manière suivante : « la façon dont une nation gère la totalité de ses ressources pour accroître la prospérité de sa population » (IMD, 2008:32). Dans l’une de ses publications, la Commission européenne (2004) définit la compétitivité économique comme étant « … une hausse durable des niveaux de vie d’une nation assortie d’un taux de chômage involontaire le plus bas possible ». (Commission européenne, 2004, cité dans Ståhle et Ståhle, 2006:3). Ces définitions montrent que la notion de compétitivité fait l’objet d’acceptions subjectives et variées. Tout en reconnaissant la difficulté de définir la compétitivité avec précision, le présent document considère que, dans le contexte douanier, le terme compétitivité recouvre les contributions des activités des douanes aux gains de productivité économique 3 et à l’amélioration du niveau de vie dans leur pays respectif. Si, à l’évidence, la douane peut contribuer directement et indirectement à la compétitivité économique, il ne faudrait pas en déduire que cette contribution est massive. L’amélioration de la compétitivité économique nationale, telle que nous l’avons définie dans le présent document, passera surtout par de meilleures politiques macro-économiques ainsi que par des facteurs qui ne sont pas du ressort du gouvernement comme, par exemple, des facteurs démographiques ou climatiques ou encore les compétences des entrepreneurs dont dispose le pays. S’agissant des politiques gouvernementales, la mise en œuvre de politiques fiscales et monétaires appropriées constitue la principale contribution à la compétitivité économique, notamment en période de crise économique (Blyth, 2013).
Cadre décrivant l’apport des douanes en matière de compétitivité économique
Le présent document montre que la contribution de la douane en matière de compétitivité économique s’articule autour de trois grands axes. Il s’agit en premier lieu de la facilitation des échanges, en deuxième lieu du recouvrement des recettes et en troisième lieu de la protection de la société.
Facilitation des échanges
La facilitation des échanges implique d’améliorer l’efficacité des procédures douanières afin de diminuer le coût des transactions commerciales pour les entreprises. La définition classique de l’Organisation mondiale du commerce (OMC) est la suivante “simplification et harmonisation des procédures du commerce international. Ces procédures incluent les activités, pratiques et formalités liées à la collecte, à la présentation, à la communication et au traitement des informations requises pour les échanges internationaux de marchandises.”4 Certains coûts des échanges provoqués par la douane (et par les autres organismes aux frontières) sont inévitables étant donné que les réglementations douanières sont imposées par le gouvernement en vue de concourir à la réalisation de divers objectifs de politique publique. Par conséquent, plus les douanes seront efficaces (favorables à la facilitation) dans l’application des contrôles, plus les coûts des échanges seront bas.
D’autres proposent une définition plus large de la facilitation des échanges, tenant également compte des coûts des transports et des carences dans leur efficacité (généralement causées par des infrastructures ou des véhicules défectueux, ou encore par une absence de dynamique sans lien direct avec les procédures frontalières). Sourdin and Pomfret (2012:3) définissent la facilitation des échanges comme étant « la réduction des coûts des échanges », l’expression « coûts des échanges » signifiant « la différence entre les coûts d’une transaction nationale et d’une transaction internationale autres que les coûts tels que les droits à l’importation. Les coûts des échanges comprennent les frais de transport et le coût du dédouanement à la frontière … ».
La Convention internationale pour la simplification et l’harmonisation des régimes douaniers, mieux connue sous l’appellation de Convention de Kyoto révisée (CKR), est la norme internationale permettant d’assurer des procédures réglementaires douanières d’une efficacité optimale. La CKR offre des descriptions détaillées de plusieurs principes importants, dont la transparence et la prévisibilité des actions de la douane ; la normalisation et la simplification de la déclaration des marchandises et des documents justificatifs ; la simplification des procédures pour les personnes autorisées ; l’usage optimal de la technologie de l’information ; le niveau minimum de contrôle nécessaire pour que la douane garantisse le respect des réglementations ; l’utilisation de la gestion des risques et des contrôles à partir d’un audit ; la coordination des interventions avec d’autres organismes frontaliers et les partenariats avec les entreprises.