Contribution de la cytogénétique au diagnostic des anomalies de la différenciation sexuelle et des aneuploïdies

Historique de la cytogénétique

La cytogénétique, science qui étudie le matériel génétique à un niveau cellulaire sans la nécessité d’extraire l’ADN (Acide Désoxyribo_Nucléique) (Quenum et al., 2007), est une discipline très récente qui prend son essor en 1918 avec D. Hansen (Tijo et Levan., 1956). Ce dernier observe un nombre de chromosomes supérieur à 40 dans le tissu humain normal suite aux travaux de W. Flemming, en 1882, (Imane, 2012) qui visualise pour la première fois la mitose. En 1923, Painter met en évidence l’existence des chromosomes sexuels et ainsi le déterminisme sexuel: XX pour le sexe féminin et XY pour le sexe masculin (Vialard, 2010).
Ce n’est qu’à la faveur de la mise en place du choc hypotonique en 1952 par Hsu (Bado,1984) que le caryotype humain fut établi permettant ainsi la lyse cellulaire et l’accès au matériel génétique. Cette découverte a alors permis à Albert Levan et Joe Hin Tijo en 1956 de dénombrer 46 chromosomes à partir d’une culture de tissus cellulaires (Hagues, 2013). Ceci a permis de mettre en évidence diverses anomalies chromosomiques dont la première, liée au chromosome 21, la trisomie 21, fut découverte par Lejeune et al., en 1959. Au cours de cette année, d’autres anomalies chromosomiques de nombre furent décrites: le syndrome de Klinefelter (Jacobs et Strong, 1959), le syndrome de Turner ou monosomie X (Ford et al., 1959) et d’autres formes trisomiques telles que la trisomie 13 par Patau en 1959 (Atman, 2010) et la trisomie . L’année suivante (1960) fut celle de la découverte de la première anomalie chromosomique de structure dans une affection maligne, le chromosome de Philadelphie (Nowell et Hungerford, 1960) et de l’établissement de la première nomenclature internationale des chromosomes en fonction de leur taille et de l’index centromérique (Atman, 2010).
Cependant cette classification fut confrontée à certaines insuffisances, entres autres l’identification précise des paires homologues de chromosomes. Ce fut alors la naissance et l’introduction des techniques de marquage en bandes dans les années 70 par Caspersson avec les bandes Q ou Quinacrine (Capersson et al., 1970). Par la suite, de nombreuses autres techniques de marquage voient le jour avec les bandes G ou Giemsa (Seabright, 1971) et R ou Reverse (Dutrillaux et Lejeune, 1971). Ces deux sont très largement utilisées en routine dans les laboratoires (Dahmani et al., 2008; Djalila, 2013). D’autres méthodes plus ciblées sur certaines structures du chromosome voient le jour telles que les bandes C (Centromère) par Summer en 1971, T ou Télomère (Dutrillaux, 1973) et NOR (Régions Organisatrices Nucléolaires) par Howell en 1975 (in Gahmberg et al., 1980). Ces techniques de marquage ont ainsi permis d’améliorer la résolution en passant d’une valeur supérieure à 10 Mb en caryo-type sans marquage à 5-10 Mb permettant ainsi de mieux reconnaitre et classer les chromosomes homologues mais aussi et surtout de détecter d’éventuels remaniements chromosomiques (Romana, 2012).
Au début des années 80, le développement de techniques plus élaborées suite à l’introduction de la biologie moléculaire appliquée à la cytogénétique conventionnelle permet à la cytogénétique moléculaire de voir le jour.

La vie cellulaire

L’ADN qui constitue le patrimoine génétique d’une personne transmis d’une génération à l’autre réside dans le noyau de la cellule humaine. Cette ADN est associée à des protéines histones basiques (H1, H2A, H2B, H3 et H4) et des protéines non histones acides représentant 10 à 30% de l’ensemble des protéines (Popescu et al., 1989). L’ensemble «ADN+Histone» constitue le nucléosome qui est alors l’unité de base de la chromatine . Cette dernière peut se présenter sous forme déroulée et décondensée, formant une masse diffuse et granuleuse ayant l’aspect de collier de perle lors de l’interphase et apparaît dans la cellule en zones plus ou moins claires correspondant à l’euchromatine et l’hétérochromatine (Klug et al., 2006). Par la suite, les molécules d’ADN se replient autour de ces protéines et prennent une forme particulièrement condensée appelée chromosome (Popescu, 1998). Ces différentes formes d’ADN sont observées au cours des différentes phases du cycle cellulaire constitué par l’interphase suivi de la mitose ou division cellulaire des cellules somatiques qui dure environ une heure et qui se subdivise en sous-phases correspondant à des événements bien spécifique décrits à l’annexe B (Klug et al., 2006). Le processus de mitose conduit à la production de deux cellules-filles ayant chacune le même nombre de chromosomes que la cellule-mère. A l’opposé, la méiose (qui ne concerne que les cellules germinales) permet de générer quatre cellules reproductrices haploïdes à n chromosomes à partir d’une cellule à 2n chromosomes.

Le chromosome et sa nomenclature

Chez l’Homme les chromosomes sont au nombre de 46 dont une paire de chromosomes sexuels qui déterminent le sexe de l’individu: XX chez la femme et XY chez l’homme.
Chaque paire est constituée de chromosome d’origine maternelle et paternelle réunis lors de la fécondation. Chaque chromosome est composé de deux chromatides-sœurs reliées par un centromère qui assure la migration des chromosomes vers les pôles (Klug et al., 2006; Rotureau, 2012). En fonction de la position du centromère, les chromosomes présentent des bras de longueur
différente ou non et peuvent être métacentriques, sub-métacentriques, acrocentriques. Par convention le bras court (bras p) se situe au-dessus du centromère tandis que le bras long (bras q) est situé en dessous du centromère (Fortin, 2012; Rotureau, 2012). Dès lors le classement des chromosomes par paires homologues est appelé caryotype et correspond à l’identification et le classement selon un format standard de l’ensemble des chromosomes d’une cellule, à partir d’une prise de vue microscopique (Djalila, 2013). Pendant longtemps, le caryotype n’a pu être établi que suivant la taille des chromosomes et la position du centromère avec la nomenclature internationale (ISCN) établie à la conférence de Denver en 1960 qui met en évidence 7 groupes (Atman, 2010) . En plus du classement suivant la taille des chromosomes et la position du centromère, le classement utilise aussi la structuration en bandes et sous-bandes des chromosomes . Chaque bras chromosomique est divisé, selon sa taille, en une voire quatre régions ; chaque région en bandes numérotées toujours du centromère vers le télomère (Le Caignec, 2012) et chaque bandes en sous-bandes. Par exemple, la dénomination 3q13.1 désigne la première sous-bande de la troisième bande, de la région 1 du bras long du chromosome 3 .

Les anomalies chromosomiques

La majorité des anomalies chromosomiques sont dues à des recombinaisons qui surviennent au cours de la méiose suite à des crossing-over lors de la prophase I ou à une ségrégation non équitable des chromosomes homologues lors de l’anaphase. Les premières causent des anomalies de structure et les secondes des anomalies de nombre.
Les anomalies de nombre : Elles peuvent être de deux types : d’une part nous avons les polyploïdies qui ne sont pas viables et résultent d’un surnombre de l’ensemble des chromosomes (3n ou 4n) existant en culture ou dans des organismes particuliers et d’autre part les aneuploïdies qui sont dues soit à un manque soit à un excès d’un chromosome. D’après l’OMS, l’aneuploïdie se produit dans au moins 5% de toutes les grossesses et est l’anomalie le plus généralement identifiée chez l’Homme. La divergence du nombre normal de chromosomes de X et de Y, appelée l’aneuploïdie de chromosome de sexe (SCA), explique approximativement la moitié de toutes les anomalies chromosomiques chez l’Homme avec une fréquence totale de 1/400 naissances. C’est le cas des syndromes de Klinefelter (XXY), de Turner (monosomie X) entre autres.
Les anomalies de structure : Les anomalies de structure peuvent impliquer un chromosome (délétion, inversion, duplication) ou plusieurs chromosomes (translocation réciproque, insertion) (Hagues, 2013). Ces différentes anomalies peuvent ou non donner naissance à des pathologies qui peuvent être diagnostiquées de diverses manières avec la cytogénétique selon la taille de la mutation.
Les anomalies du développement sexuel : Elles se définissent comme étant l’état d’un individu dont les organes génitaux sont difficiles voire impossibles d’être qualifiés de mâles ou de femelles (Carpent et Lebrun, 2014). C’est une inadéquation entre le sexe déclaré et l’identité réelle sexuelle. Elle résulte de différences chromosomiques ou hormonales qui se manifestent à divers degrés sur le plan physique. Les anomalies du développement sexuel mettent en jeu la définition même du sexe et indirectement, celle du genre. En effet, la détermination du sexe, étant une règle établie par l’homme et basée sur la biologie externe de l’individu, est définie selon deux modèles: la présence d’un pénis exprimant le sexe mâle et le vagin pour le sexe féminin. Cependant les avancées de la biologie montrent que la définition du sexe n’est pas un critère unique mais nécessite une combinaison de plusieurs approches : anatomique certes (présence de pénis ou de vagin), mais aussi gonadique (testicules ou ovaires), génétique (chromosomes XY ou XX) (Paget, 2001) voir même social (homme, femme). Une absence d’un de ces critères peut mener à une des formes d’hermaphrodisme connue. Ces affections touchent environ 2/10.000 enfants à la naissance (Pienkowski et Cartault, 2008) et peuvent être classées suivant trois types : 46, XX DSD appelé autrefois le pseudohermaphrodisme féminin, 46, XY DSD ou pseudohermaphrodisme masculin et le DSD ovotesticulaire autrefois appelé l’hermaphrodisme vrai.

Table des matières

Introduction
Chapitre I: Synthèse bibliographique
I.1. Historique de la cytogénétique
I.2. La vie cellulaire
I.3. Le chromosome et sa nomenclature 
I.3.1. Mise en évidence de l’euchromatine
I.3.2. Mise en évidence de l’hétérochromatine
I.4. Les anomalies chromosomiques
I.4.1. Les anomalies de nombre
I.4.2. Les anomalies de structure
I.4.3. Les anomalies du développement sexuel
I.4.3.1. 46, XX DSD
I.4.3.2. 46, XY DSD
I.4.3.3. DSD ovotesticulaire
I.4.4. Aneuploïdies fréquemment rencontrées
I.4.4.1. Trisomie 21 ou syndrome de Down
1.4.4.2. Trisomie 13
I.4.4.3. Syndrome de Turner
Chapitre II: Matériel et méthodes
II.1. Cadre d’étude 
II.2. Population d’étude
II.3. Matériel de laboratoire 
II.4. Les prélèvements effectués 
II.5. Analyses effectuées 
II.5.1. Test chromatinien de Barr
II.5.2. Caryotype sanguin
II.6. Obtention des données épidémiologiques
Chapitre III: Résultats et Discussion
III.1. Résultats 
 Répartition des patients selon la période de consultation
III.1.1. Analyses génétiques
III.1.1.1. Chromatine de Barr
III.1.1.2. Caryotype
III.1.2. Etude épidémiologique
III.1.2.1. Le sexe déclaré et le sexe génétique
III.1.2.2. Age
III.1.2.3. Pathologie
III.1.2.4. Ethnie
III.1.2.5. Consanguinité
III.1.2.6. Répartition géographique
III.2. Discussion 
III.2.1. Fréquentation du laboratoire
III.2.2. Pathologies et âge
 Cas des ADS
 Cas des aneuploïdies
III.2.3. Pathologies et ethnies
III.2.4. Pathologies et consanguinité
III.2.5. Données génétiques
Conclusion et perspectives
Références Bibliographiques
Annexe A : Les différentes étapes du cycle cellulaire
Annexe B : les différentes phases de la mitose
Annexe C: Caractéristiques et classification des chromosomes humains
Annexe D: Rôles de certains réactifs
Annexe E : Fiche de renseignements des patients
Annexe F : Tests effectués et résultats obtenus pour chaque patient
Annexe G: Autres formules chromosomiques

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