Contribution au développement d’un procédé de découpe laser haute-énergie / jet d’eau haute-pression couplés
RESULTATS EXPERIMENTAUX ET DISCUSSION
Résultats des mesures
La figure 6 ci-après reporte l’évolution de l’indice de réfraction, mesuré à différentes longueurs d’onde, en fonction de la pression de l’eau pour une plage de pression allant de la pression atmosphérique jusqu’à 250 MPa. D’après ce graphique, l’indice de réfraction de l’eau augmente de façon quasi linéaire jusqu’à des pressions de 60 MPa. L’évolution devient ensuite curviligne avec la pente de la courbe qui diminue doucement. Néanmoins, la courbe croît sans jamais atteindre une asymptote horizontale. Cette caractéristique physique du fluide, obtenue à partir de nos mesures pour différentes longueurs d’onde, confirme les résultats de Vedam et al. [1] obtenus à la longueur d’onde fixe de 583 nm. Fig III-6 : Evolution de l’indice de réfraction en fonction de la pression à 23°C La modélisation mathématique de ces courbes peut se faire de deux manières différentes : à l’aide de l’approche thermodynamique de Tait ou à l’aide de l’approche physique de Sellmeier. Chapitre III : Propriétés optiques de l’eau à très haute pression 83 2) Approche de Tait Bradley et Pitzer [] ont proposé une description simple mais efficace de la dépendance à la pression de la constante diélectrique ; cette description repose sur l’équation d’état proposée par Tait en 1880 pour les données volumétriques en thermodynamique [-17]. L’équation de Tait-Bradley-Pitzer (TBP) prend la forme suivante [] : k = k(P=Pini) + a0 ln( a1 + P a2 ) Eq.III-4 où k(P =Pini) est la constante diélectrique à la pression de référence Pini, P est la pression et a0, a1 et a2 sont des paramètres constants déduits de la modélisation des courbes de données expérimentales (généralement a2 = a1 + Pini). P, a1 et a2 sont exprimés en MPa. Cette équation a été utilisée pour ajuster les données diélectriques disponibles auprès de l’International Association for the Properties of Water and Steam, avec une précision de 0,1 % de la pression atmosphérique jusqu’à une centaine de MPa [7]. Pour déterminer la variation de l’indice de réfraction en fonction de la pression, nous avons modifié l’équation TBP en considérant l’approximation de Maxwell k = n² [18]. Ainsi, l’équation 4 peut s’écrire: n = n0 2 1 (l) + a0 ln( a1 + P a2 ) Eq.III-5 Pour résoudre cette équation, nous avons développé un programme en Matlab® qui nous a fourni les valeurs de n0, a0, a1et a2. Il est important de remarquer que dans l’équation 5, la longueur d’onde n’apparait que dans le terme n0, ce qui permet une simplification de la relation entre n et P en rendant les autres paramètres indépendants de la longueur d’onde. Nous avons pu le vérifier lors de l’ajustement des données expérimentales par l’équation 5 en obtenant les paramètres a0, a1 et a2 constants, quelle que soit la longueur d’onde avec une précision supérieure à 0,1 %. Chapitre III : Propriétés optiques de l’eau à très haute pression 84 Les valeurs numériques des différentes constantes calculées à l’aide du solveur Matlab® sont égales à: n0²=3,05163.-3 + n² (λ, P0,1 en MPa) a0 =0,57 a1 =341,5902 MPa a2= 351, 5902 MPa 3) Approche de Sellmeier La seconde relation liant l’indice de réfraction à la longueur d’onde est l’équation de dispersion de Sellmeier donnée ci-dessous [] : i i i C B n 1 ² ² ² 1 Eq.III-6 Bi et Ci sont appelés coefficients de dispersion de Sellmeier. Dans le cas de notre application, la principale limitation de cette formule est qu’elle ne fait pas intervenir la pression. Les seules variables étant les coefficients Bi et Ci , il est intuitif est de prendre pour hypothèse que ceux-ci sont dépendants de la pression. Pour notre étude, nous avons considéré les trois premiers termes de la suite. En effet, l’ajustement des résultats expérimentaux par une équation de Sellmeier du troisième ordre permettent d’obtenir une incertitude sur n inférieure à 5,5.-4 . De ce fait, chaque ajustement entraine l’existence de 6 coefficients Bi et Ci . Afin de considérer l’hypothèse précédente, nous avons tracé, figure 7, l’évolution de ces six coefficients en fonction de la pression. Pour décrire l’évolution des coefficients Bi et Ci en fonction de la pression, nous avons choisi une équation polynomiale du second degré qui permet une description simple et précise. De cette manière, la formule de dispersion de Sellmeier donnée dans l’équation précédente peut être écrite pour une large plage de pression telle que : i i i i i i i P P P P n 1 ² ( ² ) ( ² ) ² ² 1 Eq.III-7 Fig III-7 : Evolution des coefficients de Sellmeier en fonction de la pression Chapitre III : Propriétés optiques de l’eau à très haute pression 86 Dans la formulation de l’équation 7, i , i et i d’une part et i , i et i d’autre part sont des constantes qui décrivent les coefficients Bi et Ci de l’équation originelle de Sellmeier en fonction de la pression et dont les valeurs sont données dans la table 2. order α (MPa-2 ) β (MPa-1 ) δ 1 -2,08621659.- 2,56337533.-6 5,690539.-1 2 -1,90689751.- 2,43746527.-7 1,71949519.-1 3 -2,83966194.- 3,59587056.-9 2,062482.-2 order Α (m².MPa-2 ) Β (m.MPa-1 ) Δ 1 -3,05408679.-9 3,56454006.-4 5,0317.3 2 -1,5732.-8 1,47164417.-3 1,825802.4 3 -2,96996177.-9 3,845453.-4 2,624393.4 Tableau III-2 : Constantes de dispersion de Sellmeier pour l’indice de réfraction de l’eau en fonction de la pression à 23°C (voir Eq. 7) Nous rappelons que ces constantes ont été définies dans un domaine de pression allant de 1 à 250 MPa pour des longueurs d’ondes comprises entre 532 et 633 nm.
Discussions sur les approches de Tait et de Sellmeier
La figure 8 ci-après permet la comparaison des valeurs d’indice mesurées d’une part, puis calculées à l’aide des formules de TBP et de Sellmeier d’autre part. Afin de ne pas charger la figure, les valeurs pour les longueurs d’onde intermédiaires ne sont pas représentées et seules celles correspondant aux longueurs d’ondes de 532 nm et 633 nm qui bornent notre étude apparaissent. Il est aisé de constater un bon accord entre les deux modèles considérés et les mesures. Chapitre III : Propriétés optiques de l’eau à très haute pression 87 Fig III-8 : Comparaison de l’indice de réfraction mesuré et de l’indice calculé à l’aide de TBP et de Sellmeier à 532 et 633 nm Comme les franges de la figure d’interférence présentent un excellent contraste, l’erreur dans le processus de comptage est très faible. Cependant, nous estimons, en considérant l’erreur statistique de répétabilité, que le niveau maximum d’erreur de comptage durant tout le processus expérimental est égal à franges sur un total d’environ 00 franges passant devant la photodiode. En conséquence de quoi, les incertitudes expérimentales induisent un changement dans l’indice de réfraction respectivement égal à 6,7.-5 et 7,9.-5 pour 532 nm et 633 nm. L’erreur maximale sur la valeur mesurée à l’aide de notre configuration interférométrique est donc inférieure à 0,006 %. La modélisation du comportement de l’indice de réfraction dérivée des modèles de TBP (Eq.5) et de Sellmeier (Eq.7) induit de nouvelles erreurs. Ces erreurs peuvent être estimées par la détermination de l’écart entre les courbes expérimentales et modélisées. Cette erreur maximale par rapport à l’indice mesuré est de 0,02 % pour TBP et 0,04 % pour Sellmeier. Cette dernière formulation est moins précise du fait de la somme qui a été arrêtée au troisième ordre de la suite arithmétique (Equation 6). Ainsi, l’incertitude sur la mesure pratique est dix fois moins importante que l’erreur induite par la corrélation. Par ce biais, l’incertitude totale Chapitre III : Propriétés optiques de l’eau à très haute pression 88 dans la détermination de l’indice de réfraction de l’eau égale 0,046 % avec la formule Sellmeier et 0,026 % avec la formule de TBP. Les deux modèles sont donc bien adaptés pour la description de l’indice de réfraction de l’eau en fonction de la pression, dans le domaine visible et à température ambiante. Il serait bien évidement très intéressant d’un point de vue scientifique de comparer ces deux modèles en dehors du spectre de lumière visible. En effet, tous les travaux antérieurs basés sur l’indice de réfraction des mesures de l’eau montrent que les erreurs des modèles augmentent à mesure que l’on s’éloigne du visible. Néanmoins, d’un point de vue applicatif, l’indice de réfraction de l’eau dans l’UV ou l’IR lointain peut être considéré comme hors de l’objectif de nos expériences, que ce soit dans le but de guider un laser par jet d’eau ou dans l’utilisation de ces données pour la mise en œuvre de capteurs (en particulier pour la mesure de la pression et/ou de la densité d’un liquide). Ces capteurs optiques permettraient des mesures rapides, indirectes, non intrusives, non destructives et précises du comportement physique du fluide. Par ailleurs, il est important de rappeler que le spectre d’absorption de l’eau ne permet pas d’utiliser toutes les longueurs d’onde pour étudier par des méthodes optiques ses propriétés physiques à cause de bandes d’absorption importantes dans l’ultra-violet et dans l’infrarouge. 5) Modélisation de l’évolution de l’indice de réfraction de l’eau en fonction de la pression par l’approche de Lorentz-Lorenz Basées sur des approches thermodynamiques et physiques simples, les formules précédentes utilisées pour modéliser nos mesures donnent directement le lien entre l’indice de réfraction, la densité, la pression et la longueur d’onde. Une troisième approche introduit des grandeurs telles que la polarisabilité du matériau ou sa masse molaire. Il s’agit de l’équation de LorentzLorenz, plus communément abrégée en LL. Elle découle des travaux de Ludvig Lorenz en 1869 et de Hendrik Antoon Lorentz en 1878. Sa formulation la plus connue est celle présentée dans l’équation 8 : M dN n n A 3 4 ² 2 ² 1 Eq.III-8 Avec d la masse volumique (d’après les Handbook of Chemistry and Physics [19, 20], les travaux de Floriano [7] et de Tanaka [21]), NA la constante d’Avogadro (6,022 × 23 Chapitre III : Propriétés optiques de l’eau à très haute pression 89 mol-1 ), M la masse molaire (18,03 0,0004 g.mol-1 ) et α la polarisabilité. Cette formule est généralement utilisée pour calculer facilement la polarisabilité d’un matériau. Ce qui est très intéressant pour nous car il n’existe à l’heure actuelle aucune table de la polarisabilité de l’eau en fonction de la pression. La polarisabilité joue pourtant un rôle primordial dans le calcul de certains effets physiques tels que la diffusion Raman ou Rayleigh . :
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