Contribution au calcul haute performance pour le post-flambement local des structures raidies

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Phénomène de post-flambement

L’étude du post-flambement, comme son nom l’indique, décrit le comportement d’une structure après un certain niveau de chargement appelé chargement critique de flambement. Le flambement, ou flambage, concerne toutes les structures dites “élancées”, qui présentent au moins une dimension très petite devant les autres. Dans le cas des plaques et coques, cette dimension est l’épaisseur. Pour les poutres, il s’agit des dimensions de la section, faibles devant la longueur. Le flambement des structures de base, plaques, coques et poutres est d’abord introduit. Ces structures de base s’assemblent pour former des structures raidies qui héritent de la sensibilité au flambement de leurs composants. Une attention particulière est donc porté ensuite à ces structures qui sont largement utilisées en aéronautique.

Flambement général des structures élancées

L’instabilité de flambement est liée à la géométrie de la structure et à son chargement. Une structure élancée chargée en compression dans son plan ou le long de son axe, par opposition  un chargement transverse ou en flexion, entre dans un état d’équilibre instable à partir d’un certain niveau de chargement. Autrement dit, au delà de ce niveau de chargement, une perturbation infinitésimale modifie le mode de déformation de la structure [Timošenko et Gere, 1963]. Le flambement correspond donc à un changement de branche d’équilibre, de la branche fondamentale à une branche secondaire, tel que décrit Figure 1.1.
La charge critique de flambement défini un point théorique de la courbe reliant les efforts au déplacement, appelé point de bifurcation ou point limite.
Après flambement (en phase de post-flambement), la structure se déforme dans les direc-tions transverses à l’axe ou au plan de chargement. Une partie de l’énergie de déformation dans le plan, ou selon l’axe, est donc transformée en énergie de déformation de flexion et de cisaillement transverse. Le nouvel état d’équilibre peut-être lui-même stable ou instable dans le sens où une perturbation de l’effort imposé entraine une augmentation indéterminée de la déflexion.
Il est intéressant de noter qu’un chargement par déplacement imposé conduit nécessai-rement à une branche secondaire stable, par projection de celle-ci dans le plan formé par le déplacement imposé et la déflexion Figure 1.2. De façon générale, une branche d’équilibre instable conduit à la ruine immédiate de la structure. Mais la branche d’équilibre peut éga-lement être initialement instable puis retrouver sa stabilité. C’est le cas du snap-through, ou phénomène de claquage, schématisé Figure 1.3.
Dans le cas d’un post-flambement stable, le comportement de la structure peut rester réversible (élastique), puis devenir irréversible (plastification) ou même rompre. Il peut y avoir également de nouveaux changements de branche d’équilibre, appelés flambements se-condaires ou changements de mode.
Quelques cas de flambement général de poutres droites sont représentés Figure 1.4. La charge critique Pcr dont une expression est donnée par la formule d’Euler (1.1), dépend des conditions limites à travers un facteur c, de la raideur E et du moment quadratique I de la poutre (donc de la forme de la section) et enfin de sa longueur l.
Le facteur c prend en compte les conditions d’appui. Il vaut 4 dans le cas d’un double encastrement, 1 pour une poutre articulée et 14 pour une poutre encastrée-libre.
En post-flambement, la branche secondaire est théoriquement instable (horizontale) [Stolz, 2003], mais en pratique le chargement peut augmenter légèrement avec la déflexion à cause de non-linéarités géométriques. Dans le cas des plaques et des coques, les conditions limites et le type de chargement (compression, cisaillement) jouent aussi un rôle important sur la charge critique et sur la stabilité de la réponse après flambement. Les charges critiques d’une plaque rectangulaire en compression (1.2) ou en cisaillement (1.3) (de longueur a, de largeur b et d’épaisseur h, de module E et de coefficient de Poisson ν), exprimées en contraintes, σcr et τcr .
Des abaques permettent de déterminer les coefficients k et k′ en fonction des conditions limites. Dans le cas d’une plaque homogène, isotrope et rectangulaire, les configurations pour les-quelles les bords sont libres se rapprochent du cas d’une poutre et présentent une plus faible raideur en post-flambement [Vescovini et Bisagni, 2012]. Lorsque les bords sont appuyés ou retenus de manière élastique, la déformée de flambement est sinusoïdale dans les deux directions (longueur et largeur) dont les longueurs d’ondes dans ces directions dépendent des dimensions Figure 1.5. Dans ce cas, le post-flambement est stable, même si la raideur peut diminuer sensiblement. Dans tous les cas, le flambement est lié à une contrainte de compression. Ainsi le flambement en cisaillement résulte d’un état de traction/compression dans les directions principales [Timošenko et Gere, 1963]. Les cloques se forment selon ces directions, c’est à dire à 45°. De manière générale, le post-flambement des plaques et coques induit la transformation d’une partie de l’énergie de déformation de membrane en énergie de flexion ou de cisaillement transverse. La répartition des contraintes est aussi modifiée par le couplage membrane-flexion qui traduit le non-allongement du plan moyen [Timošenko et Gere, 1963]. Le phénomène est mis en évidence en Figure 1.6 par la simulation du post-flambement d’une plaque rectangulaire en cisaillement.
Le flambement, caractérisé notamment par une charge critique et un mode de défor-mation, est sensible à des défauts initiaux qui peuvent être de deux origines. D’une part les défauts de fabrication (géométrie, matériau), et d’autre part les défauts de chargement (montage désaxé). La tendance est à l’abaissement de la charge critique avec l’amplitude des défauts, comme l’illustrent les travaux de [Morgan et al., 1965], avec une charge critique mesurée systématiquement inférieure à la charge critique théorique.
Les défauts altèrent donc la réponse avant et après la charge critique dans une mesure qui dépend de leur position, de leur type et de leur taille [Simitses, 1986] mais aussi de la structure elle-même, plus ou moins sensible, comme le montre la Figure 1.7 (jusqu’à 75% d’abattement de la charge critique pour une coque cylindrique fine).
Bien que la réponse en présence de petits défauts soit asymptotiquement égale à celle de la structure théorique idéalisée [Rivello, 1969] et que le passage de la bifurcation soit plus régulier, il convient d’évaluer l’abattement de la charge critique pour le dimensionnement. Des facteurs d’abattement de charge critique peuvent être calculés. Les approches stochastiques tentent d’élaborer des conceptions robustes et fiables et moins conservatives que celles obte-nues par approche déterministe [Lee et al., 2010 ; Castro et al., 2013]. L’exemple des facteurs d’abattement obtenus dans les années 60 pour des structures de type coques cylindriques (voir Figure 1.7) montre le conservatisme de cette dernière approche [Arbocz et Starnes Jr, 2002].
L’importance du facteur d’abattement dépend de la méthode de conception de la struc-ture. Si le but est d’empêcher tout flambement, alors ce facteur est déterminant. Sinon, il donne une information sur le comportement de la structure sans restreindre nécessairement, dans le cas d’une branche secondaire stable, le domaine de chargement.

Réponse des structures raidies en post-flambement

Les structures élémentaires sont assemblées pour former ce que l’on appelle les structures raidies. Ces structures se retrouvent dans le génie civil et dans le transport, notamment aérien, et dans le spatial, pour leur haute résistance et leur faible masse. La plupart des structures raidies dans le secteur du transport sont en effet constituées d’une peau et d’un système de raidisseurs. Ce type d’assemblage permet de concevoir des structures à forts moments quadratiques pour un minimum de masse. L’étude de la sensibilité de ces structures au flambement, et de leur réponse en post-flambement fait l’objet de nombreux travaux.
Le système de raidisseurs des fuselages est formé par des cadres dans le plan perpendi-culaire à l’axe du fuselage et par des lisses entre les cadres comme illustré par la Figure 1.8. Il existe d’autres systèmes de raidisseur, comme ceux des structures géodésiques [Vasiliev et al., 2001 ; Meyer et Gaudin, 2011], qui ne sont pas détaillés ici.
Dans un cadre aéronautique, ces structures sont conçues avant tout pour travailler sous des chargements macroscopiques de flexion et torsion (éventuellement combinés) [Perrais et Finance, 2001], qui se traduisent au niveau des composants (panneaux raidis) par du cisaillement, de la compression, de la traction et leurs combinaisons.
Par opposition au flambement d’ensemble des structures élancées en général, les struc-tures raidies présentent essentiellement des instabilités locales dans les zones en compression et cisaillement. Le flambement local se produit lorsqu’un composant de la structure est tra-versé par un flux d’effort supérieur à sa propre charge critique (avec des conditions limites particulières qui dépendent des liaisons avec le reste de la structure). L’échelle intermédiaire de la longueur d’onde de flambement est alors introduite entre celle d’un détail structural et celle d’une maille structurale élémentaire (peau entourée de raidisseurs). Le caractère multi-échelle du phénomène de flambement des structures raidies en ressort, notamment celui des fuselages.
Le flambement de la peau entre les raidisseurs se distingue des autres modes de flambement pour deux raisons. La première raison est liée à la charge critique généralement plus faible de ce mode de déformation (voir Figure 1.9), qui en fait le premier mode de flambe-ment observé dans les structures raidies aéronautiques (voir Figure 2). La seconde raison est liée à son admissibilité. Figure 1.9 – Un mode de flambement local et un mode de flambement global associés respectivement à la 1ère et à la 17ème charge critique d’un panneau composite raidi [Boni et al., 2012].
Les flambements locaux non-admissibles conduisent soit à un endommagement immédiat de la structure, soit à la ruine si l’équilibre post-flambement est instable. Dans ce dernier cas, la charge supportée avant flambement par les zones flambées n’est pas repris par le reste de la structure. Le flambement des parties d’un raidisseur (talon, âme, semelle) conduit à des modes de rupture qui seront détaillés dans la section suivante.
Les flambements locaux admissibles entraînent en revanche une modification de la raideur locale et une re-répartition des efforts dans la structure qui doit continuer de résister à la charge appliquée dans un premier temps. L’autorisation, dans un certain domaine de chargement, du flambement local de la peau des structures raidies aéronautiques conduit par ailleurs à un gain de masse significatif. L’équilibre de la structure reste stable mais le niveau des déformations et des contraintes augmentant, des flambements secondaires non-admissibles ou des endommagements peuvent apparaître.
C’est l’objet de la sous-section suivante d’aborder les endommagements et ruptures in-duits par les flambement locaux.

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Endommagements et ruptures induits

Les déformations dues au flambement local de la peau dans les structures raidies sont parfois très éloignées de celles observées dans leur mode de déformation fondamental. Des modes d’endommagement et de rupture sont donc induits, qui ne se rencontreraient pas autrement qu’en post-flambement.
Les flambements locaux non-admissibles concernent avant tout les raidisseurs. La Fi-gure 1.10 représente quelques modes de rupture induits rencontrés en aéronautique.
Dans le flambement admissible de la peau d’une structure raidie, le couplage membrane-flexion dans les plaques modifie la distribution des efforts de cohésions (donc des contraintes). Notamment, les moments fléchissant sont les plus importants aux points stationnaires de la déflexion, tandis que les moments de torsion sont maximum aux points d’inflexion [Meeks et al., 2005]. Ces moments étaient a priori nuls avant flambement. En ce qui concerne les efforts de membrane, certaines zones sont déchargées et d’autres assurent la résistance de la structure face aux efforts extérieurs.
Cette distribution d’efforts non-homogène induit une localisation des endommagements et de la plasticité. Des modes de ruptures tels que le décollement de la peau et des rai-disseurs pour les structures composites apparaissent et font l’objet de nombreuses études (voir Figure 1.11 et Figure 1.26) [Bertolini et al., 2009 ; Orifici et al., 2008a ; Orifici et al., 2008b ; Perret et al., 2011]. Ces modes de ruptures sont également sensibles à des sollicita-tions en fatigue, par flambement répété [Krueger et al., 2002].

Table des matières

Introduction générale 
I Etat de l’art en simulation du post-flambement des structures et stratégies de calcul avancées 
1 Post-flambement des structures raidies et méthodes classiques de résolution
1.1 Introduction
1.2 Phénomène de post-flambement
1.2.1 Flambement général des structures élancées
1.2.2 Réponse des structures raidies en post-flambement
1.2.3 Endommagements et ruptures induits
1.3 Modélisation des structures élancées et non-linéarités géométriques
1.3.1 Cinématiques des structures élancées
1.3.2 Équation d’équilibre : principe des puissances virtuelles
1.3.3 Problème de flambement
1.4 Méthodes de résolution semi-analytiques
1.4.1 Méthode de Ritz-Galerkin
1.4.2 Approche par développement asymptotique en post-flambement initial
1.4.3 Pré-dimensionnement de panneaux raidis
1.5 Résolution par la méthode des éléments-finis
1.5.1 Discrétisation du PPV
1.5.2 Problème tangent et méthode de Newton-Raphson
1.5.3 Approche global/local
1.5.4 Méthodes alternatives
1.6 Bilan du chapitre
2 Stratégies de calcul avancées
2.1 Introduction
2.2 Réduction de modèle
2.2.1 Réduction de modèle par projection
2.2.2 Réduction de modèle a priori
2.3 Calcul parallèle par décomposition de domaine
2.3.1 Décomposition de domaine sans recouvrement
2.3.2 Formulation du problème d’interface
2.3.3 Résolution itérative du problème d’interface
2.3.4 Newton-Krylov-Schur et localisation non-linéaire
2.4 Approches combinées
2.4.1 Méthode LaTIn micro/macro
2.4.2 Autour des éléments finis généralisés
2.4.3 Méthode asymptotique numérique et POD
2.4.4 Partition de la réduction de modèle
2.5 Bilan du chapitre
II Contribution au calcul haute performance pour le post-flambement local des structures raidies 
3 Réduction de modèle adaptative en post-flambement
3.1 Introduction
3.2 Stratégie PBAMR (Post-Buckling Adaptive Model Reduction)
3.2.1 Une base réduite initiale minimale
3.2.2 Une procédure d’adaptation à la volée
3.2.3 Algorithme général
3.3 Implémentation et validation du code de recherche
3.4 Comportement de la stratégie et étude paramétrique sur un cas simple
3.5 Étude des performances numériques : application à un panneau raidi
3.6 Bilan du chapitre
4 Réduction de modèle adaptative et décomposition de domaine pour le post-flambement local
4.1 Introduction
4.2 Stratégie PBAMR et décomposition de domaine
4.2.1 Partition de la réduction de modèle par projection
4.2.2 Partition de la complétion à la volée
4.2.3 Considérations pour le post-flambement local
4.2.4 Algorithme général d’une stratégie de résolution pour le post-flambement local : PBAMR-DD
4.3 Validation
4.4 Bilan du chapitre
5 Une bibliothèque Python pour le développement de stratégies de calcul avancées
5.1 Introduction
5.2 Programmation orientée objet pour les éléments finis et les méthodes de résolution associées
5.3 Conception de la bibliothèque ICAFE
5.3.1 Les méthodes et leurs contraintes
5.3.2 Organisation générale
5.3.3 Zoom sur le package domain
5.3.4 Zoom sur le package mesh
5.3.5 Implémentation pour le calcul parallèle
5.4 Bilan du chapitre
Conclusion 
Bibliographie 
Annexes 
A Evaluation d’une approche par éléments finis enrichis pour le post-flambement local
A.1 Introduction
A.2 Stratégie de calcul par GFEM en post-flambement local
A.3 Évaluation sur un cas simple de poutre
A.4 Bilan du chapitre
B Approche hybride primale-duale-mixte
B.1 Introduction
B.2 Extension de l’approche hybride
B.3 Bilan et perspectives

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