Contribution à l’évaluation de la transmission du paludisme
Historique du paludisme
Le paludisme est l’une des plus importantes maladies transmissibles et tropicales qui frappent l’espèce humaine. Il est responsable de centaines de millions de malades chaque année et de millions de morts à travers le monde. D’après les récits de nombreuses civilisations et les écrits rapportés de différentes périodes, il semblerait que le paludisme ait été présent dans la plupart des grandes civilisations humaines, même les plus anciennes. Néanmoins, si de nombreuses hypothèses évoquent la présence de cette maladie déjà chez l’homme préhistorique, il est difficile de l’affirmer. L’origine de la maladie pourrait alors correspondre à celle de l’origine de l’homme en Afrique ; suivent ensuite par co-évolution ses migrations vers l’Europe et l’Asie [5]. Les premières traces écrites évoquant les symptômes de cette maladie, semblent dater de l’antiquité chinoise. D’après le Ching Nei, écrits légendaires de l’Empereur Huang Ti (l’Empereur Jaune), les syndromes de la malaria étaient déjà présents, associant des cas de splénomégalie à d’importantes fièvres. Dans cette littérature médicale chinoise datant du IIIème siècle avant JésusChrist, plus connue sous le nom de « canon de la médecine chinoise », l’auteur symbolise la maladie sous la forme d’un dragon à trois têtes représentant chacune l’un des accès palustres : la première tenant un marteau symbolisant les maux de tête, la seconde portant un seau d’eau glacée symbolisant les frissons et la dernière un diadème de fer porté au rouge, symbolisant les fièvres lors de la maladie. En 1880, Alphonse Laveran, médecin militaire français basé à Constantine en Algérie, découvrait pour la première fois l’agent du paludisme [6] provenant d’un patient souffrant de fortes fièvres. Repris par de nombreux chercheurs, les travaux de Laveran ne furent que le début de l’identification des différents acteurs de la maladie. Golgi, en 1886, révéla que les fièvres tierces et quartes étaient provoquées par des espèces distinctes. On montrera plus tard que ces deux espèces étaient respectivement Plasmodium vivax et Plasmodium malariae. Après la confirmation par Marchiafava et Celli, le nom de Plasmodium fut alors évoqué pour la première fois. Leurs travaux permettaient également d’identifier un troisième parasite, nommé Plasmodium falciparum, en 1894 par Welch. La dernière espèce, Plasmodium ovale, a été décrite en 1922 par Stephen. 13 Les étapes ultérieures des recherches concernaient l’étude du vecteur de la maladie. Ross [7], médecin anglais de l’armée des Indes, démontrait que le moustique jouait un rôle important dans la transmission du parasite. Parallèlement, Grassi [8] faisait des expériences similaires afin d’identifier le vecteur responsable de la maladie : seuls les anophèles pouvaient assurer la transmission des parasites. I.2 Situation actuelle du paludisme dans le monde Actuellement, près de 100 pays, dont près de la moitié en Afrique subsaharienne, sont considérés comme impaludés. Même si ce nombre est inférieur à ce qu’il était au milieu des années 1950 (140 pays), plus de 2,4 milliards de personnes dans le monde sont encore exposés au risque. On estime que l’incidence du paludisme dans le monde est de 300 à 500 millions de cas cliniques chaque année. Environ 90% d’entre eux se produisent en Afrique subsaharienne, avec P. falciparum comme principal agent étiologique. Le paludisme tue entre 1,1 et 2,7 millions de personnes dans le monde chaque année, dont environ 1 million d’enfants de moins de 5 ans résidant en Afrique subsaharienne. Cette mortalité résulte principalement du neuropaludisme et de l’anémie, contribue à près de 25% de la mortalité générale en Afrique. Des taux de létalité de 10 à 30% ont été observés chez des enfants transférés à l’hôpital avec un accès palustre grave. Cependant, ces taux sont encore plus élevés dans les régions rurales ou enclavées où les malades n’ont guère la possibilité de se faire soigner convenablement. Ailleurs, les décès pour cause le paludisme se produisent principalement chez les personnes non immunes qui contractent une infection à P. falciparum. Les effets économiques du paludisme sont particulièrement visibles dans les zones rurales où la maladie frappe souvent à une époque de l’année où l’agriculture a le plus grand besoin de main-d’œuvre. En outre, il est une cause de l’absentéisme scolaire. On estime à plus de 2 milliards de dollars le coût direct et indirect du paludisme pour la seule Afrique.
Liens entre le paludisme et le niveau de vie
Le paludisme concerne une centaine de pays. Cependant, 60 % environ de tous les décès dûs au paludisme concernent les 20 % les plus pauvres de la population mondiale, ce qui en fait la maladie la plus étroitement associée à la pauvreté. Cette maladie affecte la richesse des pays et des personnes. En Afrique, le paludisme est à la fois une maladie due à la pauvreté et une cause de la paupérisation (Fig.1a et Fig.1b). Les économistes attribuent à la malaria un déficit de croissance annuelle pouvant atteindre 1,3% dans certains pays d’Afrique. Ainsi, au fil des années, l’écart se creuse entre le PIB des pays selon qu’ils sont touchés ou non par le paludisme et la croissance économique de toute la région en est pénalisée .
Présentation zoologique du genre
Plasmodium et importances relatives des différentes espèces plasmodiales infectant l’homme Règne : Animal, Sous Règne : Protozoaires Embranchement : Apicomplexa Classe : Haemosporidea Super-ordre : Sarcosporidies Ordre : Haemosporida Famille : Plasmodiidae Genre : Plasmodium L’embranchement des Apicomplexa est caractérisé par la présence d’un complexe apical (structure essentiel à l’invasion des cellules). Toutes les hémosporidies sont des parasites intracellulaires obligatoires et toutes se trouvent dans le sang de vertébrés. Leur cycle biologique est hétéroxène : un hôte définitif qui est l’anophèle où se déroule la phase sexuée ; un hôte intermédiaire, un vertébré chez lequel se passe la reproduction asexuée. 15 Figure 1a. Estimation de la charge mondiale d’accès palustres en 1998 (Gallup et al., 1999) Figure 1b. Estimation de la pauvreté dans le monde en 1998 (Gallup & Sachs, 1999) 16 Environ 200 espèces de Plasmodium sp touchent les reptiles, les oiseaux et les mammifères et sont responsables ou non de maladies chez leurs hôtes. Cinq espèces de parasites du genre Plasmodium sont responsables de la maladie chez l’homme : P. falciparum, P. vivax, P. ovale et P. malariae, P. knowlesi. – P. falciparum est l’espèce la plus redoutable, et responsable de l’immense majorité des cas de paludisme mortels. Elle est présente dans les zones tropicales d’Afrique, d’Amérique Latine et d’Asie, et elle est dominante en Afrique. D’après l’OMS, des signes inquiétants témoignent en 2003 de l’extension du paludisme à P. falciparum à de nouvelles régions et de sa résurgence dans des zones où il avait été éliminé. – P. vivax co-existe avec P. falciparum et est présent dans certaines régions tempérées. P. vivax prédomine en Amérique centrale, dans certains pays d’Amérique du sud, au Moyen-Orient et en Inde. Ailleurs (Asie du Sud-Est et Indonésie notamment), les prévalences de P. vivax et P. falciparum sont proches. Les deux dernières espèces plasmodiales, P. malariae et P. ovale, sont beaucoup plus rares. – P. ovale est principalement rencontrée en Afrique de l’Ouest : cette espèce n’est pas mortelle mais peut entraîner des rechutes 4 à 5 ans après la primo-infection. – P. malariae a une distribution mondiale mais très inégale. Elle n’est pas meurtrière mais peut entraîner des rechutes jusqu’à 20 ans après la primo-infection. – P. knowlesi est responsable du paludisme chez les simiens, mais des cas de paludisme humain à P. knowlesi ont été rapportés en Asie (Malaysie, Bornéo, et Singapour). Cette espèce est morphologiquement similaire à P. malariae, ainsi l’utilisation de l’outil moléculaire est nécessaire pour un bon diagnostic.
PARTIE I : GENERALITES |