Les systèmes de navigation par satellites ou GNSS (Global Navigation Satellite Systems), avec notamment le GPS (Global Positioning System) et demain Galileo, sont aujourd’hui largement utilisés dans les systèmes de transport terrestre pour l’aide à la navigation, l’information des voyageurs et le suivi des marchandises. Dans toutes ces applications, la qualité de l’information de localisation n’influe pas sur la sécurité des biens et des personnes (sauf dans le cas particulier du transport de matières dangereuses). En effet, une indisponibilité du service de localisation ou une imprécision sur une courte période peuvent être tolérées car elles n’engendrent aucun risque de dommage matériel ou humain et n’engagent pas la sécurité. Dans le domaine ferroviaire, la localisation par satellites s’intègre progressivement pour ces applications qui ne mettent pas en jeu la sécurité.
En revanche, pour des applications critiques en terme de sécurité, les systèmes GNSS peinent encore à percer. En effet, comme la propagation des signaux satellitaires peut être perturbée par le masquage des infrastructures (ponts, tunnels, tranchées ferroviaires, bâtiments) ou par la végétation aux alentours des voies ferrées, la précision d’un service de positionnement du train reposant sur un système de type GNSS peut vite être dégradée, parfois jusqu’à 500 mètres dans le cas du GPS [ICAO, 2006]. De plus, cette précision est très variable puisque le train évolue dans des configurations environnementales variées le long de son trajet. Le service peut également subir une interruption de quelques secondes à quelques minutes. Cette dernière situation est inacceptable pour une application impliquant la sécurité où la position d’un train, ou plutôt la présence d’un train dans une zone, doit être connue à tout moment. Néanmoins, avec des solutions embarquées qui hybrident et combinent des technologies de localisation actuelles et existantes à bord d’un train, l’apport de la localisation par satellites devient pertinent pour le domaine ferroviaire. En effet, les GNSS peuvent améliorer les systèmes de contrôle-commande des trains notamment en simplifiant les dispositifs actuels situés sur la voie (substitution des balises au sol par une solution embarquée). Depuis les premiers projets nationaux ou européens tels que APOLO (1999-2001) ou LOCOPROL/LOCOLOC (2001-2004), l’intégration des technologies satellitaires est expérimentée pour les applications ferroviaires liées à la sécurité ou non. Aujourd’hui, des projets tels que 3inSat (2012-2014) ou STARS (2016-2018) traitent de la question de l’intégration des systèmes de type GNSS pour des applications de sécurité.
Un sous-système embarqué de localisation devient un élément critique dans un système ferroviaire quand il peut porter atteinte à la sécurité des biens et des personnes. Cette thèse a pour objectif de contribuer à la mise en service d’un tel sous-système critique en proposant une démarche d’évaluation de la sécurité au sein de la démonstration globale de sécurité requise par les textes réglementaires ferroviaires. En effet, le défi actuel porte sur cette démonstration globale de sécurité en tenant compte des spécificités des systèmes GNSS afin de répondre aux exigences de sécurité énoncées dans les normes ferroviaires [EN 50126, 2000], [EN 50128, 2001] et [EN 50129, 2003]. Ces normes requièrent la détermination du degré de confiance que l’utilisateur peut placer dans le service délivré par le nouveau système en analysant et en évaluant ses performances en termes de sûreté de fonctionnement (SdF) c’est à dire la fiabilité, la disponibilité, la maintenabilité et la sécurité. De plus, cette démonstration doit être compatible avec le règlement européen [Réglement 2015/1136, 2015] qui définit une Méthode de Sécurité Commune relative à l’évaluation et à l’appréciation des risques compte tenu de trois principes d’acceptation du risque : l’application des codes de pratique, la comparaison avec des systèmes similaires et l’estimation explicite des risques. La démonstration globale de sécurité apporte les éléments justificatifs nécessaires à l’élaboration du dossier de sécurité qui permettra l’accord des autorités pour la mise en service du système. Afin de tenir compte de ce cadre réglementaire européen et des travaux aujourd’hui réalisés dans le domaine aéronautique sur les risques liés à la localisation GNSS, la thèse se concentrera sur des évaluations de critères liés à la performance de sécurité.
Comme indiqué précédemment, la mise en œuvre d’un système GNSS dans le cadre d’applications de sécurité rend nécessaire l’évaluation de sa sûreté de fonctionnement. Plusieurs verrous doivent être levés pour réaliser cette évaluation. Alors que la modélisation des erreurs liées à la propagation des signaux dans l’atmosphère est bien formalisée, ce n’est pas le cas pour les autres types d’erreurs. Ainsi, en raison de l’influence de l’environnement de propagation sur les performances, il convient de placer le système GNSS dans un nombre de configurations environnementales infini. Dans la pratique, il est donc impossible de couvrir entièrement les conditions d’utilisation du système lors d’une évaluation de sûreté de fonctionnement. L’évaluation par des méthodes opérationnelles de SdF est donc impossible. En effet, ces analyses s’appuient sur la collecte de données brutes de retour d’expérience afin de déterminer quantitativement les attributs de SdF. Or, ce retour d’expérience d’utilisation des GNSS dans le domaine de la sécurité ferroviaire est, pour l’instant, insuffisant. Face à ce constat, de nouvelles méthodes, adaptées aux systèmes de localisation fondés sur les GNSS, doivent être proposées. C’est donc l’objet de ce travail de thèse.
L’Institut de Recherche Technologique Railenium, en soutenant cette thèse, montre l’importance qu’il accorde à la sûreté de fonctionnement des systèmes de localisation ferroviaire embarqués utilisant les systèmes de type GNSS. Cette thèse contribue donc à l’un des objectifs de l’IRT : contribuer à la performance des systèmes ferroviaires. La thèse s’inscrit totalement dans les trois enjeux principaux de l’IRT Railenium : l’amélioration des réseaux ferrés (par l’optimisation de la capacité ferroviaire, la gestion des situations perturbées et l’interopérabilité), l’optimisation des coûts (par la baisse du coût du réseau ferré) et l’enjeu écologique (par la baisse de l’empreinte écologique du réseau).
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