CONTRIBUTION A L’ÉTUDE PHARMACOLOGIQUE DE DEUX PLANTES MÉDICINALES
INFLAMMATION ET ANTI-INFLAMMATOIRES
Définition de l’inflammation L’inflammation est définie comme étant la réponse des tissus vivants, vascularisés de l’organisme à des stimuli nocifs (Ferrero-Miliani et al., 2007; Phanse et al., 2012). Elle peut avoir une origine immunologique, tumorale, infectieuse, traumatique, chimique, physique (brûlure, irradiation). La réaction se manifeste cliniquement par la rougeur, l’œdème, la douleur et la chaleur, et met en jeu des médiateurs biologiques (Punchard et al., 2004). Quelle que soit son origine, deux types de réponses peuvent être distingués: – une locale, siège de l’inflammation, caractérisée par les signes cliniques ci-dessus et par des réactions biochimiques complexes, – une systémique comprenant en plus de la douleur, de la fièvre et souvent une hyperleucocytose, une augmentation très importante de la concentration plasmatique d’un certain nombre de médiateurs tels que la bradykinine, l’histamine, la sérotonine, (Guigui et Zaffrani, 1989; Galanaud, 1995).
Physiopathologie de l’inflammation
Les phases de la réaction inflammatoire
L’inflammation fait intervenir plusieurs cellules et des médiateurs dans un ordre chronologique et se déroule en trois phases en se basant uniquement sur son aspect aigu (Avouac, 1981; Galanaud, 1995; Pawlotsky, 1995):
La phase vasculaire ou phase initiale
Elle se caractérise par une vasoconstriction fugace transitoire, suivie d’une vasodilatation artériolaire importante durable due à la libération de substances vasoactives comme les kinines, la substance P, les leucotriènes, les prostaglandines, etc…. Elle a pour conséquence une augmentation de la pression hydrostatique dans les capillaires, les veinules et de la vasoperméabilité entraînant l’exsudation des Généralités 7 cellules et du plasma vers les tissus (Peltier, 1987; Guigui et Zaffrani, 1989; Galanaud, 1995).
La phase cellulaire
Elle est caractérisée par une migration rapide des leucocytes (ou diapédèse leucocytaire) vers le foyer inflammatoire, guidée par un chimiotactisme activé par le facteur V complémentaire (C5a) mais aussi par d’autres cellules telles que les macrophages et les plaquettes.
La phase de cicatrisation
Elle est divisée en deux phases: la détersion et la réparation ou cicatrisation. ¾ la détersion consiste à éliminer l’agent causal et les débris cellulaires ou tissulaires du foyer inflammatoire. Elle peut se faire selon plusieurs modalités: – la détersion interne (phagocytose, pinocytose), – la détersion externe (élimination des substances non résorbantes par les orifices naturels ou par abcès puis fistulisation), – la détersion chirurgicale (incision de l’abcès). La détersion est indispensable à la phase de réparation tissulaire. Si elle est incomplète, l’inflammation va évoluer vers la chronicité. ¾ la réparation ou cicatrisation intervient après une détersion complète et une bonne vascularisation. La réparation peut avoir deux évolutions: la reconstitution complète du tissu lésé ou la cicatrisation quand celui-ci ne peut pas se régénérer. Le tissu conjonctif est de nouveau formé par synthèse de collagène, multiplication cellulaire et néogénèse vasculaire (Avouac, 1981; Galanaud, 1995).
Les médiateurs chimiques de l’inflammation
De multiples médiateurs chimiques, provenant du plasma ou des cellules, déclenchent l’inflammation et interviennent dans les différentes phases de l’inflammation (tableau I).
Les médiateurs cellulaires
Ces médiateurs sont soit préformés et séquestrés dans des granules intracellulaires, soit synthétisés de novo en réponse à un stimulus (Bouvenot et al. 1995). ¾ les eicosanoïdes (prostaglandines et leucotriènes) Ce sont des acides gras, synthétisés dans les membranes à partir de l’acide arachidonique. L’acide arachidonique est ensuite oxydé selon deux voies principales (figure 1) (Emerit et Galli, 1987): – une voie sous l’action des cyclo-oxygénases ou Cox (Cox-1 et Cox-2), conduit à la formation des prostaglandines (PGD2, PGE2, PGF2), du thromboxane A2 et de la prostacycline ou PGI2. Les prostaglandines sont des médiateurs ubiquitaires qui initient et modulent les réponses cellulaires et tissulaires impliquées dans l’inflammation et ont aussi pour rôle de sensibiliser les nocicepteurs à l’action des médiateurs algogènes libérés lors d’une lésion tissulaire (Smith et De Witt, 1995; Guo et al., 2008), – une voie sous l’action de la lipo-oxygénase le transforme en leucotriènes (LT) qui constituent un groupe de médiateurs à action chimiotactique puissante (LT B4). Les leucotriènes augmentent la perméabilité vasculaire (LT C4, D4, E4), sont vasoconstricteurs et broncho-constricteurs (Damas, 1984). Généralités 9 Figure 1: Les médiateurs dérivés de l’acide arachidonique et les niveaux d’action de médicaments. Généralités 10 ¾ les amines vasoactives Ces sont les premiers médiateurs (sérotonine, histamine) libérés au cours de la phase initiale vasculo-exsudative et qui régulent la réaction inflammatoire (Guo et al., 2008). Elles entraînent une perméabilité vasculaire et une vasodilatation. (Laurent et Perrin, 1987). ¾ les radicaux libres dérivés de l’oxygène Ces radicaux sont formés lors de la phagocytose et ont une action nécrosante locale. Ils inactivent les anti-protéases (dont l’alpha1-antitrypsine) et activent la phospholipase A2. Leurs effets potentiellement dangereux sont contrebalancés par des antioxydants (superoxyde dismutase, calatase, glutathion peroxydase) présents dans le sérum, les liquides extracellulaires et les cellules (Deligne, 1985; Emerit et Galli, 1987; Michiels et al., 1994). ¾ le monoxyde d’azote (NO) Il a une action paracrine à proximité de son site de production et des effets variés au cours de l’inflammation. C’est un puissant vasodilatateur, impliqué dans les processus physiologiques et pathologiques de l’inflammation aiguë ou chronique (Cheenprachacha et al., 2010). ¾ les chimiokines Elles sont sécrétées par diverses cellules (macrophages activés, endothélium…) et elles jouent un rôle dans l’activation et le chimiotactisme (Laurent et Perrin, 1987). ¾ les cytokines Elles sont produites par les lymphocytes (principalement T) et les monocytesmacrophages. Certaines cytokines sont pro-inflammatoires (IL1, IL6 et TNF-α), d’autres sont anti-inflammatoires (IL4, IL10 et IL13) (Cavillon, 1993). ¾ le facteur d’activation plaquettaire Ce facteur est libéré par les phospholipides membranaires de nombreuses cellules. Il entraîne une augmentation de la perméabilité vasculaire et intervient dans Généralités 11 la stimulation de l’attraction des leucocytes et de leur adhésion à l’endothélium (Dayer et Schorderet, 1998).
Les médiateurs plasmatiques ou protéases
Ils sont impliqués surtout dans la phase vasculaire de l’inflammation. ¾ le système du complément Ce système intervient dans les phénomènes inflammatoires comme dans l’immunité et peut être activé par deux voies: voie classique et voie alterne. Il est rapidement inactivé par des enzymes (Laurent et Perrin, 1987; Galanaud, 1995). ¾ le système des kinines Les kinines sont des polypeptides à action vasoactive et proviennent du kininogène plasmatique activé par la kallicréine, enzyme issue du clivage de la prékallicréine circulante. Elles augmentent la perméabilité vasculaire et sont de puissants vasodilatateurs. Leur action est puissante mais brève car leur durée de vie est très courte, limitée à la phase initiale vasculo-exsudative (Galanaud, 1995). ¾ les facteurs de la coagulation/fibrinolyse La mise en jeu du système de la coagulation dans l’inflammation aboutit à la formation de thrombine qui déclenche la formation de fibrine à partir du fibrinogène plasmatique. La fibrine active les kinines, les systèmes du complément et le système de la coagulation/fibrinolyse. L’activation du système de la fibrinolyse aboutit à la formation de plasmine à partir de son précurseur plasmatique: le plasminogène. La plasmine dégrade la fibrine par protéolyse en produits de dégradation de la fibrine (PDF) qui sont vasodilatateurs et chimiotactiques sur les polynucléaires. ¾ les enzymes lysosomiales Elles sont déversées dans les vacuoles de phagocytose et interviennent dans la digestion des produits de phagocytose. On peut citer parmi ces enzymes: l’élastase et la collagénase (Guigui et Zaffrani, 1989). Généralités 12 Tableau I: Tableau récapitulatif des médiateurs de l’inflammation et de leurs effets (Peltier, 1987). Médiateurs Effets Histamine, kinines, prostaglandines, PAF, NO Vasodilatation Histamine, bradykinine, C3a, C5a, PAF Augmentation de la perméabilité vasculaire Leucotriènes C4, D4, E4, B4 chimiokines, PDF, thrombine Chimiotactisme TNF, IL1, IL6, prostaglandines E2 Fièvre Bradykinine, prostaglandines Douleur Radicaux libres oxygénés, enzymes des lysosomes, NO, cytokines lymphocytaires Destruction (cellules, matrices)
Les cellules de l’inflammation
Les lymphocytes
Ce sont les cellules de l’immunité humorale et cellulaire et sont de trois types: T (CD3), B (CD20) ou ni T ni B (NK ou Natural Killer ou cellules naturellement tueuses). Les lymphocytes T sont de deux types: les lymphocytes T dits auxiliaires ou helper (CD4) et les lymphocytes effecteurs cytotoxiques (CD8). Les lymphocytes NK peuvent avoir une action cytotoxique. Les lymphocytes B se différencient en plasmocytes qui secrètent les anticorps (Laurent et Perrin, 1987; Galanaud, 1995).
Les cellules phagocytaires ou phagocytes Elles comprennent les polynucléaires neutrophiles et les cellules du système monocyte-macrophage. Elles jouent un rôle dans l’épuration grâce à leur propriété de phagocytose et dans le déclenchement de la réponse immunitaire (Laurent et Perrin, 1897; Dayer et Schorderet, 1998).
Les mastocytes Ils ont des récepteurs pour les anticorps et les anaphylatoxines dérivés du complément. Une fois activées, les cellules libèrent des médiateurs chimiques de l’inflammation comme l’histamine, la sérotonine, les leucotriènes (Peltier, 1987).
Les plaquettes Elles jouent un rôle très important dans l’hémostase et interviennent dans les processus d’adhésion et d’agrégation plaquettaire (Peltier, 1987; Dayer et Schorderet, 1998).
Les polynucléaires basophiles Ce sont des cellules d’origine sanguine et sont les premières à atteindre le foyer inflammatoire. Les polynucléaires basophiles ont des récepteurs pour les anaphylatoxines et sont surtout caractérisés par leur pouvoir d’opsonisation et de phagocytose des micro-organismes (Laurent et Perrin, 1897; Guigui et Zaffrani, 1989).
Les fibroblastes Ce sont les cellules qui produisent le collagène et jouent un rôle important dans le processus de cicatrisation.
Les médicaments anti-inflammatoires
Les anti-inflammatoires représentent la classe thérapeutique la plus couramment utilisée dans le traitement des phénomènes inflammatoires avec deux grands groupes: les non stéroïdiens et les stéroïdiens (AIS). Il existe également de nouvelles stratégies thérapeutiques permettant de mieux cibler les médiateurs impliqués dans l’inflammation.
Les médicaments anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS)
Ils constituent un groupe de composés très hétérogènes du point de vue chimique et ont en commun des actions thérapeutiques et des effets indésirables.
Classification des AINS (Bannwarth et Netter, 1992; Pawlosky, 1995)
Les AINS appartiennent à des classes chimiques très variées formant ainsi un groupe très hétérogène (tableau II). Tableau II: Principales familles d’AINS (Bannwarth et Netter, 1992) Groupe chimique DCI Spécialités Salicylés Acide acétyl salicylique Aspirine® Pyrazolés Phénylbutazone Butazolidone® Acide phénylacétique Diclofénac Voltaréne® Indoliques Indométacine Indocid® Fénamates Acide niflumique Nifluril® Propionates Kétoproféne Profénid® Oxicams Piroxicam Feldène® Coxibs Célécoxib Célébrex®
Mécanisme d’action des AINS
Le mécanisme d’action principal des AINS s’explique par l’inhibition de la synthèse des prostaglandines à partir de l’acide arachidonique qui a pour origine le blocage des Cox (figure 1) (Peltier, 1987; Bannwarth et Netter, 1992; Schorderet et Dayer, 1998) : – la Cox 1 ou Cox tissulaire est présente dans la plupart des tissus (plaquettes, reins, tube digestif, endothélium). C’est une enzyme de régulation (fonctions rénales, gastriques, homéostasie vasculaire) (Smith, 1989; O’Neill et Ford-Hutchinson, 1993), Généralités 15 – la Cox 2 ou Cox inductible est absente à l’état basal mais présente dans les foyers inflammatoires. C’est une enzyme d’adaptation (réaction inflammatoire) (Pawlosky, 1995, Van Heecken et al., 2002, Ziltener et al., 2010). Ainsi, selon le degré de sélectivité et donc d’inhibition de l’AINS pour l’une ou l’autre des isoformes de la Cox, se distinguent (figure 2): – les inhibiteurs mixtes des Cox-1 et Cox-2 représentés par la majorité des AINS classiques: acide acétyl salicylique, diclofénac, indométacine, – les inhibiteurs préférentiels de la Cox-2 (méloxicam, nimésulide, nabumétone, …). Cette propriété anti-Cox-2 est cependant perdue lorsque ces produits sont utilisés à fortes doses, – les inhibiteurs sélectifs de la Cox-2 ou coxibs, avec comme représentant le Célécoxib (Célébrex®).
INTRODUCTION |