Contribution à la théorie des gaz de fermions froids
Collisions à basse énergie
Dans ce chapitre, nous commençons par effectuer des rappels de la théorie de la diffusion quantique, notamment que le comportement de la fonction d’onde à grande distance devant le centre de diffusion est caractérisé par l’amplitude de diffusion. A basse énergie, un développement en onde partielle de celle-ci montre que la collision entre fermions est isotrope et est bien caractérisée par une longueur, la longueur de diffusion en onde s. Puis, nous présentons brièvement les gaz de fermions à basse température afin de modéliser l’interaction entre les particules fermioniques dans différents états hyperfins. Nous présentons le gaz de fermions déséquilibré à température nulle et les quantités caractérisant les collisions dans ce gaz. Nous exposons ensuite les techniques diagrammatiques, utilisées dans cette thèse pour calculer les propriétés de collision et les propriétés thermodynamiques des gaz ultra froids. Nous présentons les fonctions de Green ainsi que les diagrammes de Feynman. Pour finir, ces outils sont appliqués à la résolution du problème à deux corps dans la limite où la portée du potentiel d’interaction est très petite devant la longueur d’onde de De Broglie.
Rappels de théorie de la diffusion quantique
Dans cette section, nous rappelons les principes de la diffusion quantique qui sont plus détaillés dans [CT98, BD02, Asl08].
États liés et de diffusion
Afin d’étudier le mouvement quantique des particules, la première étape consiste à déterminer les solutions stationnaires de l’équation de Schrödinger. L’opérateur d’évolution permet alors d’obtenir leur évolution dans le temps. Les états stationnaires sont donnés par : Hψ (r) = Eψ (r) (1.1) 7 8 Chapitre 1. Collisions à basse énergie où H est l’hamiltonien du système et ψ la fonction d’onde d’énergie E. Comme en mécanique classique, on distingue deux états. Les états liés dont la fonction d’onde en module au carré est normalisée. Cela signifie qu’il est certain de trouver la particule dans un espace confiné. Leur énergie doit être inférieure à la valeur du potentiel à l’infini V∞. L’équation de Schrödinger (1.1) possède d’autres solutions, les états de diffusion. Ceuxci ne sont pas décris par des fonctions de carré sommable et leur énergie est supérieure à V∞. On montre qu’ils forment un ensemble continu d’état, décrit asymptotiquement par des ondes planes. Nous allons maintenant donner une expression de ces états de diffusion dans le cas de la collision de deux particules.
États propres de l’équation de Schrödinger
En toute généralité, en se plaçant dans le référentiel du centre de masse, nous pouvons décrire la collision de deux particules comme le mouvement d’un seul corps dans un potentiel fictif V (r). La position relative des particules est donnée par le vecteur r. Pour calculer les états de diffusion, nous devons choisir une énergie positive E = ~ 2k 2 E/(2m↑,↓). La masse réduite du système i-j est notée dans la suite mi,j . L’hamiltonien dans le référentiel du centre de masse est alors : H = − ~ 2∆r 2m↑,↓ + V (r) (1.2) L’équation de Schrödinger (1.1) devient : ∆r + k 2 E ψE (r) = U (r) ψE (r) (1.3) où nous avons posé U (r) = 2m↑,↓/~ 2V (r). Pour des particules libres (V = 0 ), les solutions sont des ondes planes d’énergie E. Nous pouvons alors écrire la solution générale de (1.3) sous la forme d’une intégrale : ψE (r) = e ikEr + Z d 3 r 0GE (r − r 0 ) U (r 0 ) ψE (r 0 ) (1.4) avec GE (r) = −e ikEr 4πr (1.5) où GE est la fonction de Green à 3 dimensions associée au membre de gauche de l’équation (1.3). Cette équation (1.4) est appelée équation intégrale de la diffusion. Le premier terme décrit une onde plane incidente d’énergie E alors que le second terme représente l’onde diffusée après l’interaction. Cette dernière dépend de l’énergie de la particule incidente. Nous allons définir l’amplitude de diffusion en analysant le comportement asymptotique de la fonction d’onde (1.4). 1.1 Rappels de théorie de la diffusion quantique 9
1.1.3. Propriétés asymptotiques de la fonction d’onde
La fonction d’onde (1.4) se comporte à grande distance devant le centre de diffusion comme la somme d’une onde plane incidente et d’une onde sphérique diffusée qui dépend des caractéristiques de la diffusion. On écrit le comportement asymptotique de la fonction d’onde : ψE (r) ∼r→∞e ikEr + f (kE; u, u 0 ) e ikEr r (1.6) Figure 1.1.: Schéma d’une expérience de diffusion. A gauche est représentée l’onde plane incidente alors que l’onde sphérique diffusée est représentée à droite. Cette relation définit l’amplitude de diffusion f (kE; u, u 0 ), où u est la direction de la particule incidente et u 0 celle de la particule diffusée. Son module au carré est égal à la section efficace différentielle par rapport à l’angle solide. Le schéma d’une expérience de diffusion est représenté sur la figure (1.1). En plaçant un détecteur loin du centre de diffusion, on peut alors mesurer expérimentalement cette quantité. En développant la fonction de Green (1.5) à grande distance devant le centre de diffusion, on peut identifier l’amplitude de diffusion qui s’écrit : f (kE; u, u 0 ) = −1 4π Z d 3 re −ikEu 0rU (r) ψE (r) (1.7) Le calcul de la transformée de Fourier de l’équation (1.4) permet d’établir un lien entre l’amplitude de diffusion (1.7) et la fonction d’onde : ψE (k) = (2π) 3 δ (3) (k − kE) − 4πf (kE; u, u 0 ) k2 − k 2 E − i0 + (1.8) Nous allons maintenant présenter les simplifications intervenant à basse énergie, et notamment en déduire que la diffusion se produit principalement en onde s. C’est à dire qu’elle est isotrope et caractérisée par une seule longueur.
Matrice T
Nous introduisons maintenant l’opérateur matrice T, définit comme : 10 Chapitre 1. Collisions à basse énergie T |kEi = V |ψEi (1.9) En utilisant l’équation intégrale de la diffusion (1.4) en transformée de Fourier |ψEi = |kEi+GV |ψEi et en l’écrivant pour l’opérateur T (1.9), on obtient l’équation récursive : T |kEi = V |kEi + V GT |kEi (1.10) où G est la fonction de Green associée à l’équation de Schrödinger sans interaction. Nous l’avons déjà utilisée pour établir l’équation intégrale de la diffusion (1.4). On montre alors que par la connaissance de cet opérateur T, on a accès à l’amplitude de diffusion par la relation : f (kE; u, u 0 ) = − m↑,↓ 2π hk 0 E |T| kEi (1.11)
Simplifications à basse énergie
A très basse température, l’énergie cinétique des atomes est très faible et il est possible d’atteindre un régime où kEr0 1, où la portée du potentiel est notée r0. Pour des distances plus grande que cette portée, on considère que le potentiel est essentiellement nul. Dans l’expression (1.7), l’intégrande vaut donc zéro excepté lorsque r < r0. On peut alors remplacer l’exponentielle par un, et l’amplitude de diffusion se réduit à : f (kE; u, u 0 ) ∼kEr01 −1 4π Z d 3 rU (r) ψE (r) (1.12) On constate alors dans l’expression (1.12), que l’amplitude de diffusion est isotrope et dépend seulement de la norme de l’impulsion kE. Développement en ondes partielles Si le potentiel U est isotrope, on peut réécrire la fonction d’onde comme : ψE (r) = ukE,l (r) r Y m l (θ, φ) (1.13) où ukE,l est appelée la fonction d’onde réduite. Les Y m l sont les harmoniques sphériques. l et m sont des indices entiers telles que −l ≤ m ≤ l. L’équation de Schrödinger (1.3) devient alors pour la fonction d’onde réduite : » d 2 dr2 + k 2 E − l(l + 1) r 2 − U (r) # ukE,l (r) = 0 (1.14) 1.1 Rappels de théorie de la diffusion quantique 11 où le potentiel est modifié par le troisième terme entre crochets qui représente une barrière de potentiel centrifuge. On montre que la fonction d’onde doit respecter la condition ukE,l=0 (0) = 0. Déphasages Les solutions de l’équation de Schrödinger radiale (1.14) quand le potentiel U est nul, sont les fonctions de Bessel de première espèce √ rJ(2l+1)/2 (kEr). A grande distance, on écrit le développement asymptotique de cette fonction comme la superposition d’une onde incidente et d’une onde réfléchie à une dimension : u (0) kE,l (r) ∼r→∞ e i(kEr−lπ/2) − e −i(kEr−lπ/2) (1.15) Lorsque le potentiel est différent de zéro, le coefficient de réflexion est en module égal à un. L’onde réfléchie a donc simplement un facteur de phase par rapport à (1.15). On peut montrer que l’équation (1.14) a une solution qui a le comportement asymptotique : ukE,l (r) ∼r→∞ sin kEr − l π 2 + δl (kE) (1.16) où les coefficients δl (kE) sont appelés déphasages en onde l. Le lien entre l’amplitude de diffusion et les déphasages est donné par : f (kE; u, u 0 ) = 1 kE X∞ l=0 q 4π (2l + 1)e iδl(kE) sin [δl (kE)] Y 0 l (θ) (1.17) où θ est l’angle entre les vecteurs impulsion incidente et impulsion diffusée. Longueur de diffusion Si nous considérons que le potentiel a une très petite portée telle que kEr0 1, nous pouvons dans un premier temps, prendre en compte seulement le potentiel effectif centrifuge. En comparant celui-ci à l’énergie cinétique de la particule, nous définissons une portée caractéristique pour le potentiel effectif Rl ∼ q l(l + 1)/kE. Une particule d’énergie kE ne peut s’approcher de l’origine à une distance inférieure à Rl . Il est alors immédiat de voir, que pour les ondes l ≥ 1, on a kERl ≥ 1. On en déduit que Rl r0. Cela implique que les ondes l ≥ 1 sont peu sensibles au potentiel de portée r0. On considère donc seulement la diffusion en onde s (c’est à dire l = 0). L’amplitude de diffusion ne dépend plus que de la norme du vecteur d’onde kE et vaut : fs (kE) = e iδ0(kE) sin [δ0 (kE)] kE (1.18) La longueur de diffusion en onde s est définie comme : 12 Chapitre 1. Collisions à basse énergie as = − lim kE→0 fs (kE) (1.19) et la section efficace vaut σs = 4πa2 s . On voit que dans ces régimes de très basse température, les collisions sont isotropes et déterminées par un seul et unique paramètre, la longueur de diffusion en onde s. Portée effective Une autre grandeur d’intérêt dans ces gaz est la portée effective re. Elle est obtenue en développant, à l’ordre 2 en puissance de l’impulsion, l’inverse de l’amplitude de diffusion : fs (kE) ∼kE→0 − 1 as + ikE − 1 2 rek 2 E −1 (1.20) Le terme linéaire en kE est le théorème optique et est obtenu trivialement dans l’expression (1.18). Nous allons maintenant discuter des propriétés de collision dans les gaz de fermions à basse température réalisés expérimentalement, puis nous présentons le système physique d’intérêt dans cette première partie.
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