Comme dans beaucoup de projets de recherche actuels dans l’industrie automobile, la principale motivation des constructeurs et équipementiers, pour développer des solutions innovantes est le respect de réglementations. Dans cette thèse, dont l’objet d’étude est les phénomènes vibratoires et acoustiques des turbocompresseurs, deux réglementations sont particulièrement concernées. La première est présentée par la référence [50], et concerne les émissions de CO et autres particules polluantes comme les NOx. Pour réduire les émissions de ces particules le turbocompresseur a joué un rôle primordial, au point de se généraliser à la grande majorité de véhicules légers commercialisés actuellement. L’idée est celle du « downsizing » : réduire la taille et le nombre de cylindres des moteurs pour en réduire la consommation et donc les émissions polluantes. Cependant, pour garder les mêmes niveaux de performance de couple et de puissance, les moteurs sont turbocompressés.
Parallèlement à la réglementation des émissions, il existe également des réglementations sur les émissions sonores des véhicules automobiles comme par exemple [51]. Ces normes imposent des seuils de niveaux acoustiques à respecter que ce soit en statique au ralenti ou au passage du véhicule, faute de quoi le véhicule n’a pas le droit d’être commercialisé dans l’espace européen. C’est ainsi qu’une des questions principales à laquelle ces travaux de recherche cherchent à répondre est : quelle est la conséquence du turbocompresseur d’un point de vue acoustique pour un véhicule ?
Deux approches globales peuvent être prises en compte pour caractériser le bruit généré par un turbocompresseur automobile. La première consiste à étudier le bruit rayonné par le turbocompresseur vers l’extérieur. La deuxième consiste à faire l’étude du bruit à l’intérieur des conduits qui acheminent l’air de l’atmosphère vers la chambre de combustion. C’est cette deuxième approche qui est développée dans ces travaux de recherche.
En effet, les départements vibrations et acoustiques des constructeurs automobiles (usuellement appelés NVH pour « Noise Vibration and Harshness ») s’occupent de caractériser et de réduire les phénomènes vibratoires et acoustiques dans les véhicules légers. En se plaçant au niveau du moteur, historiquement c’est en premier lieu le bruit à l’échappement qui a fait l’objet de nombreuses recherches, permettant ainsi de dimensionner les silencieux et résonateurs automobiles. En atténuant le bruit à l’échappement de manière significative, on se rend compte que le compresseur devient une source acoustique qui commence à contribuer de manière importante dans le bruit du moteur. Ceci est d’autant plus gênant que les fréquences de génération de bruit du compresseur sont relativement hautes (autour de 1kHz 3kHz) ce qui en fait une source plutôt gênante pour le confort. L’objectif des constructeurs et équipementiers est donc d’atténuer cette nouvelle source acoustique. Une deuxième question d’importance se pose : quelle est l’amplitude et le contenu fréquentiel de la génération acoustique du compresseur dans les conduits du moteur ? La connaissance de cette source permettra donc de dimensionner les atténuateurs nécessaires à la réduction du bruit du compresseur.
D’autre part, le turbocompresseur se comporte également comme un élément passif dans la ligne d’air d’admission dans le sens où, en plus de générer du bruit, il agit sur les ondes acoustiques générées par la combustion du moteur lui-même. Ce qui soulève une dernière question : quelle est l’influence du turbocompresseur sur des ondes qui traversent le moteur ?
Le CRITTM2A est un centre d’essais dans le domaine de l’automobile avec 4 départements d’expertise :
• Centre d’Essais Turbocompresseur (CET)
• Centre d’essais moteurs (MOT)
• Acoustique et Vibrations (ACV)
• Centre d’Essais Electriques (C2E) .
Les travaux de cette thèse, s’agissant d’un contrat CIFRE, ont été réalisés dans un contexte industriel, plus particulièrement au sein du département R&D du CRITTM2A SAS. Les travaux de thèse avaient plusieurs objectifs d’un point de vue industriel :
• Augmenter les collaborations de recherche internes au CRITTM2A en réalisant un projet commun entre les départements « Acoustique et Vibrations » et « Centre d’Essais Turbocompresseurs ».
• Renforcer et concrétiser la relation entre le CRITTM2A et Arts et Métiers ParisTech.
• Réaliser des publications et des présentations à l’international pour augmenter le rayonnement scientifique de l’entreprise.
• Répondre à des consultations de clients réelles sur la caractérisation d’éléments de ligne d’admission d’air dans les moteurs automobiles.
• Développer une nouvelle méthode de caractérisation acoustique au catalogue des essais réalisables au CRITTM2A.
• Créer un logiciel de post traitement dédié à la méthode développée.
D’une manière générale, les turbocompresseurs peuvent être décomposés en trois parties principales : un compresseur, une turbine et un ensemble central tournant ou CHRA pour « Center Housing Rotating Assembly » en anglais. Les gaz d’échappement provenant du collecteur d’échappement rentrent dans la volute de la turbine (3), ils arrivent radialement sur la turbine et sont expulsés vers l’échappement (4). Cette rotation de la turbine engendre une rotation de l’arbre central lié à son autre extrémité à la roue compresseur. Le compresseur aspire alors de l’air d’admission (1) de façon axiale, et le comprime dans la roue pour le faire sortir radialement (2). Cet air comprimé est alors acheminé vers la chambre de combustion.
La turbine est une turbine radiale centripète, les gaz d’échappement arrivant à la turbine à travers la volute. Elle est placée en aval du collecteur d’échappement du moteur, recevant ainsi les gaz d’échappement de tous les cylindres. Ces gaz d’échappement possèdent une grande énergie sous forme d’enthalpie du fait de leur pression et de la haute température après la combustion (entre 820°C et 850°C pour les moteurs diesel, et entre 950°C et 1050°C pour les moteurs à essence [44]). Cette énergie est alors utilisée par une détente au travers de la turbine induisant ainsi la rotation. Pour réguler la quantité des gaz d’échappement qui rentrent dans la turbine, il existe des méthodes de dérivation de gaz, utilisées en fonction du besoin d’air du moteur. La roue turbine est très régulièrement soudée sur un arbre central commun à la roue compresseur et traversant le carter central. Dû aux grandes contraintes thermiques, les roues turbine sont régulièrement conçues en matériaux très résistants à la température (comme l’Inconel), ce qui fait que la majorité de la masse tournante dans un turbocompresseur est concentrée sur la roue turbine.
L’arbre central est monté dans le carter central et maintenu en place par des paliers qui peuvent être différents selon le modèle du turbocompresseur. La plupart des modèles dans les applications automobiles utilisent des paliers flottants ou « full-floating ring bearings » appelés également dans la littérature RFRB pour « Rotating Floating Ring Bearings » [45]. Il s’agit de paliers avec une couche d’huile interne entre l’arbre et le palier, et une couche d’huile externe entre le palier et le carter central . Les paliers sont lubrifiés par l’huile du moteur à travers des trous dans l’anneau. Ce type de palier représente un bon compromis pour les industriels du fait de leur meilleur rapport performance/prix comparé à celui des paliers avec éléments tournants comme par exemple les roulements à billes [45].
CHAPITRE 1 : INTRODUCTION |