Contribution à la grammaire de la langue Kmhmouʔ

Contribution à la grammaire de la langue Kmhmouʔ

Types de marquage du TAM 

Les marqueurs de temps, aspect et mode en kmhmouʔ décrits plus haut peuvent être répartis en trois catégories. Dans la première catégorie, ce sont les adverbes de temps, ceux-ci sont complètement lexicaux. Dans la deuxième catégorie, ce sont des mots qui apparaissent comme mots lexicaux et comme marqueurs de TAM. Dans la troisième, les mots purement grammaticaux dont l’origine n’est pas identifiable. La combinaison la plus fréquente est celle qui réunit ciː et les modaux. Ci-dessous les combinaisons possibles de marqueurs. Un informateur raconte qu’il travaille pour le parti depuis le nouveau régime et qu’il va arrêter de travailler après le mandat actuel qui atteindra son terme l’année prochaine. (cf. KJG_LAM_RECIT3_vie_Taʔ Sai 263) (414) ʔoʔ ciː bɨaːn phak lɛ 1SG IRR pouvoir se poser PART Je vais pouvoir me reposer. ຂອົ້ຍຊໄິດພົ້ກັ ຜ່ ອນ Un locuteur aperçoit un vieil homme se déplacer lentement. Il réagit : (415) gəː hmɨaːn ciː ʔuaːt 3SG.M sembler IRR être fatigué Il semble être fatigué. ລາວຄຊ ເິມ ່ອຍ. Une prédiction : (416) ɲaːm naː ciː hnaːm naː ciː hmɨaːn maʔ naː quand 3SG.F IRR être grand 3SG.F IRR ressembler mère 3SG.F Quand elle sera grande, elle ressemblera à sa mère. ເວລາລາວຊໃິຫຍ່ ລາວຊຄິແ ມ່ລາວ. Les exemples ci-dessus sont des énoncés assertifs modalisés avec des verbes modaux bɨaːn en (414), hmɨaːn en (415) forme un bloc avec le marqueur ciː. L’énoncé (416) peut porter deux significations distinctes : 1) le locuteur prévoit de ne plus se 257 candidater pour le prochain mandat et atteint la fin de son mandat actuel, 2) Il est probable que le locuteur obtiendra l’autorisation de se retirer de ce travail, et qu’il pourra se reposer, peut-être (probabilité). En (415), le locuteur exprime une probabilité en utilisant le verbe modal hmɨaːn combiné avec ciː. ciː antéposé aux verbes modaux n’apporte pas le sens de « prospectif » qu’il apporte ailleurs. Il vient simplement s’adjoindre au modal et se fondre avec le sens que ce modal apporte. L’exemple (416) est une phrase hypothétique, hmɨaːn « ressembler » est un verbe prédicat mais non pas un verbe modal comme dans l’exemple précédent. La prédiction est marquée par l’irréalis ciː qui a la valeur prospective. Le prospectif a aussi des valeurs d’hypothèse et de généralisation. Ci-dessous un exemple. Dans un marché, deux individus trouvent le prix du produit qu’ils veulent acheter trop cher. L’un propose à l’autre d’aller dans un autre marché. Le dernier pense que cela sera inutile : (417) ciː hmɨaːn jɔʔ niʔ lɛ IRR être pareil RECIPDEM PART Ce sera le même prix. ຊຄິກ ນັນັນົ້ແຫຼະ. La combinaison de ciː et bɨaːn dans une proposition subordonnée exprime une obligation. Un locuteur s’adresse à son interlocuteur à qui il a vendu sa maison : (418) ʔoʔ ciː bɨaːn deː duʔ kaːl meː ciː rɔːt 1SG IRR obtenir PRON partir avant 2SG.M IRR arriver Je serai parti avant que tu n’arrives. (Je dois partir avant ton arrivée.) ຂອົ້ຍຈະຕອົ້ງອອກໄປກ່ອນເຈ ົ້າມາຮອດ. Dans cet exemple, le locuteur est obligé de quitter sa maison avant l’arrivée de son interlocuteur (le nouveau propriétaire). Le marqueur d’irréalis ciː peut encore se combiner avec le marqueur de temps lɛoː. Ces deux marqueurs portent sur le verbe qu’ils entourent comme dans l’exemple cidessous. 258 Deux personnes attendent le bus. À l’heure de l’arrivée du bus, l’une dit à l’autre de se préparer, le bus va arriver. (419) lot ciː rɔːt lɛoː véhicule IRR arriver PERF Le bus va arriver. (Il ne va pas tarder.) ລດ ຊຮິອດແລວົ້. (420) *lot ciː rɔːt hoːc véhicule IRR arriver PERF En (419), l’action de rɔːt « arriver » est projetée dans le futur par le marqueur d’irréalis ciː. L’action est considérée du point de vue de son achèvement dans le futur d’une manière certaine, le locuteur est certain que le bus arrive dans quelques instants. Le marqueur lɛoː indique qu’au moment de l’énonciation l’heure de l’arrivée du bus qu’ils attendent est déjà arrivée. L’exemple (420) est agrammatical. Nous rappelons que le terme lɛoː provient du lao. En lao, il a deux fonctions : lexicale et grammaticale. Dans une fonction lexicale, il fonctionne comme un verbe et signifie « finir ». Dans sa fonction grammaticale, il est employé comme marqueur de temps et d’aspect « déjà, puis » et il introduit un élément qui vient s’ajouter à un élément précédent. Par contre en kmhmouʔ, il a perdu son emploi lexical, il a uniquement une fonction grammaticale. On l’emploie comme marqueur de temps, comme conjonction ou comme adposition. Ci-dessous des exemples. Un informateur explique le rituel de la crémaillère traditionnelle chez les Kmhmouʔ (cf. KJG_LAM_CONT_gaːgaːŋ 111) (421) ʔəː ʔɨaːk buːc hoːc lɛoː tɛːŋ sɨŋ-mah […] PART boire alcool finir puis faire NMZ-manger Après avoir bu de l’alcool, (on) fait la cuisine. ຫຼງັຈາກກນິເຫຼົ ູ້າແລວູ້ ແຕ່ງກນິ. (422) ʔəː ʔɨaːk buːc lɛoː tɛːŋ sɨŋ-mah […] PART boire alcool puis faire NMZ-manger Après avoir bu de l’alcool, (on) fait la cuisine. 259 ຫຼງັຈາກກນິເຫຼົ ູ້າແລວູ້ ແຕ່ງກນິ. En (421), lɛoː a le rôle d’une conjonction, elle permet de relier deux procès consécutifs : ʔaːk buːc « boire de l’alcool » et tɛːŋ sɨŋ-mah « faire la cuisine ». Littéralement, l’énoncé signifie « On boit de l’alcool d’abord. Après, on fait la cuisine ». En (422), lɛoː est marqueur d’aspect qui porte sur le syntagme verbal ʔaːk buːc « boire de l’alcool ». On trouve souvent la combinaison de hoːc et lɛoː. Du point de vue grammatical, le premier est un verbe lexical, le second est un marqueur portant sur le premier. Du point de vue sémantique, tous les deux sont des marqueurs d’aspect, ce redoublement a pour fonction de renforcement d’aspect. Les autres marqueurs ont un degré de grammaticalisation moindre. Le marqueur hoːc est un marqueur multifonctionnel, il passe de la fonction verbale « finir » à la fonction grammaticale comme un connecteur ou une adposition. Ci-dessous des exemples. Un fils demande à sa maman l’autorisation de sortir se promener à la fin de la journée. La maman lui répond : (423) meː hoːc viak daŋ jɔh laʔ 2SG.M finir travail CONJ aller se promener Tu te promèneras quand tu auras fini le travail. ແລວົ້ວຽກລ ກຈຶ ່ ງໄປຫຼິ ົ້ນ. Même contexte, la maman donne les tâches à faire à son fils : (424) pən-mah pat hoːc pən-mah sɨaːŋ CAUS-manger canard puis CAUS-manger cochon Donne à manger aux canards, puis aux cochons. ເກອ ເປັດ ແລວົ້ເກອ ໝ. Dans les exemples ci-dessus, le mot hoːc n’exerce pas la même fonction. En (423), il fonctionne comme un verbe transitif « finir quelque chose », le sujet de sujet de la phrase est meː « 2SG.M ». L’énoncé se traduit littéralement « Tu finis le travail, après tu te promènes ». Alors qu’en (424), hoːc sert de connecteur qui marque un enchaînement successif de deux procès pənmah pat « donner à manger au(x) canard(s) » et pənmah sɨaŋ « donner à manger au(x) cochon(s) ». hoːc dans cette phrase se traduit « puis, après ». 260 L’énoncé se traduit littéralement : « Donne à manger au(x) canard(s). Après, donne à manger au(x) cochon(s) ». Dans une affirmation négative comme les exemples ci-dessous, le mot hɔːc a un emploi lexical et signifie « finir, terminer, achever ». Il se combine souvent avec la négation modale ʔamdaʔ « pas encore » et avec le marqueur d’aspect inaccompli hnɔːŋ qui le précèdent. Un locuteur kmhmouʔ propose à un interlocuteur de partir à la chasse pour quelques jours. Celui-ci répond qu’il n’a pas encore fini la récolte : (425) ʔoʔ ʔamdaʔ hoːc viak 1SG NEG.Mod finir travail Je n’ai pas encore fini le travail. ຂອົ້ຍບ ່ທນັແລວົ້ວຽກ. (426) ʔoʔ hnɔːŋ ʔamdaʔ hoːc viak 1SG rester NEG.Mod finir travail Je n’ai pas encore fini le travail. ຂອົ້ຍຍງັບ ່ທນັແລວົ້ວຽກ. Dans l’exemple (426), le marqueur d’aspect progressif hnɔːŋ et le marqueur modal ʔamdaʔ portent sur le verbe hoːc. La phrase est acceptable et compréhensible par les locuteurs Kmhmouʔ. hnɔːŋ signifie « rester » au sens de continuer de faire quelque chose et est sémantiquement équivalent à ʔamdaʔ « pas encore » mais il est impossible de supprimer ʔamdaʔ de la phrase. En effet sans ʔamdaʔ on aura ʔoʔ hɔːŋ hoːc viak « j’ai fini quand même le travail » qui n’est plus une phrase négative mais une phrase subordonnée. Par exemple : malgré une contrainte de temps, ʔoʔ hɔːŋ hoːc viak. Dans ce cas, hnɔːŋ signifie « quand même ». Combinaison de hnɔːŋ avec ciː. A table, on croit que tout le monde a fini de manger. La femme va débarrasser la table, le mari réagit qu’il n’a pas fini de manger. (427) ʔoʔ hnɔːŋ ciː mah 1SG hnɔːŋ IRR manger 261 Je n’ai pas encore fini de manger ! ຂອົ້ຍຍງັຊກິນິ ! Dans cet énoncé, les deux marqueurs portent sur le verbe mah « manger ». Le marqueur hnɔːŋ a une origine lexicale, il signifie « rester » au sens de « continuer de ». Ici, il est utilisé pour marquer que l’action de manger est inaccomplie. Le locuteur veut dire qu’il continue de manger. Cet énoncé se distingue du suivant par le fait qu’il est au présent. ciː ne porte pas sur le groupe prédicatif en entier mais sur mah « manger », c’est-à-dire quelque chose comme « je suis toujours à devoir manger ». La combinaison inverse est possible mais cela entraine un changement de sens. Exemple. Une prévision (428) ɲaːm ʔoʔ ciː rɔːt da gaːŋ meː meː ciː mɔːŋ moment 1SG IRR arriver LOC maison 3SG.M 3SG.M IRR hnɔːŋ tɛːŋ viaːk faire travail Quand j’arrivai chez toi, tu travailleras encore. ເວລາຂອົ້ຍຊຮິອດເຮອ ນເຈ ົ້າ ເຂ ົ້າຍງັຊເິຮດັວຽກຢ່ Cet exemple est, par contraste, au futur. Le fait que ciː soit antéposé au verbe sur lequel il porte est important pour expliquer la différence entre l’exemple (427) et (428) où ciː porte sur tout le prédicat. Le monolithisme ʔan ciː introduisant une phrase conditionnelle ou une hypothétique, forme la forme composée ʔan ciː qui introduit toujours la proposition principale d’une phrase conditionnelle comme dans l’exemple ci-dessous. (429) ʔan ciː jɔh viaŋcian meː ʔmɔːk ʔoʔ ʔəm si IRR partir Vientiane 2SG.M informer 1SG PART Si (tu) pars à Vientiane, tu me (le) diras. ຄນັ ເຈ ົ້າຊໄິປວຽງຈນັ ບອກຂອົ້ຍເດ. On observe que le sujet de la première proposition introduite par ʔan ciː est souvent non exprimé, mais il doit obligatoirement apparaître dans la seconde proposition. En 262 revanche, s’il est exprimé dans la première proposition, il disparaîtra dans la seconde comme dans l’exemple suivant : (430) ʔan meː ciː jɔh viaŋcan ʔmɔːk ʔoʔ ʔəm si 2SG.M IRR aller Vientiane informer 1SG PART Si tu pars à Vientiane, tu me (le) diras aussi. ຄນັ ເຈ ົ້າຊໄິປວຽງຈນັ ບອກຂອົ້ຍເດ. Le marqueur ciː a plus de possibilités combinatoires avec d’autres marqueurs. Mais avec le marqueur de la négation, l’ordre de la combinaison est contraint. L’impossibilité de l’antéposition du marqueur de la négation à ciː prouve que ciː n’est pas un verbe : la séquence ʔam ciː est agrammaticale. Par contre ciː ʔam est possible. Ci-dessous un exemple. L’animateur de l’émission en kmhmouʔ à la radio nationale lao affirme que les informations de cette émission ne seront pas exactement les mêmes que celles du journal télévisé. (KJG_LAM_CONV3_radio 236) (431) ʔiʔ ciː ʔam dar taːm naŋsɨːphim […] 1PL IRR NEG courir selon journal Nous ne suivrons pas le journal. ພວກເຮາົຈະບໍ ່ ແລ່ນຕາມໜງັສພືມິ . (432) *ʔiʔ ʔam ciː dar taːm naŋsɨːphim […] 1PL NEG IRR courir selon journal L’exemple (432) agrammatical. L’impossibilité de la séquence ʔam ciː permet de soutenir l’hypothèse que ciː est un pur marqueur grammatical et non pas un verbe modal. Outre la valeur modale, aspectuelle, éventuelle, prospective et hypothétique, le marqueur ciː a une valeur de négation. Nous avons identifié dans notre corpus un cas où ciː est utilisé pour exprimer la négation. Ci-dessous un exemple. Une informatrice considère que les tas des légumes qu’elle a vendus étaient d’une quantité significative (avec un geste mimant un grand volume). (cf. KJG_LAM_REC1_vie 302) 263 (433) buːt ban ʔmeh ciː dɛk ʔnaːm kəʔ tas mille PART NEG peu comme DEM Un tas à mille (kips) n’est pas peu, [c’est] comme ça. ພູດລະພນັ (ກບີ) ບໍ ່ ໜອູ້ຍໃດ໋, ສໍ ່ານີ ູ້ . En employant ciː comme marqueur de négation, le locuteur affirme une vérité en rassurant son interlocuteur. Dans l’exemple ci-dessus, le locuteur veut convaincre son interlocuteur que les tas de légumes qu’elle vendait étaient d’une quantité considérable. 

 Les parties du discours en jeu

 Les marqueurs de temps, aspect et mode regroupent plusieurs parties du discours. La plus grande partie de ceux-ci sont des verbes, ensuite des particules. Un seul marqueur provient d’un nom. Dans cette section, nous allons classer ces marqueurs par catégorie et montrer leur sens lexical dans les différents emplois. Il s’agit principalement de verbes et de noms. 1) Les verbes : bɨaːn est un marqueur aspectuel et modal de l’origine lexicale qui signifie « obtenir, avoir, réussir ». Le verbe bɨaːn peut être employé transitivement et intransitivement. Dans son emploi intransitif, il signifie « pouvoir ». Il peut être employé seul, et former un énoncé déclaratif affirmatif signifiant « c’est possible ». En contexte, le sens du verbe bɨaːn varie comme dans les exemples ci-dessous. Une informatrice parle de la récolte de riz. (cf. KJG_LAM_REC1_vie 182) (434) kap gaːŋ taʔ som ʔnɨŋ bɨaːn hŋɔʔ maːk […] CONJ maison grd-père Som en haut obtenir paddy beaucoup Et la famille de M. Som en haut a récolté beaucoup de riz. ແລະເຮອືນພໍ ່ ເຖົ ູ້າ ສມົ ຢ່ ູເທງິ ໄດເູ້ຂົ ູ້າຫຼາຍ. La même informatrice décrit la taille du tas du riz qu’elle a récolté. (cf. KJG_LAM_REC1_vie 040) 264 (435) kɔːŋ hŋɔʔ hnam bɨaːn cet ʔuːm33 tas paddy être grand mesurer 7 brassée (terme de mesure) Le tas de riz était grand, il mesurait 7 brassées. ກອງເຂົ ູ້າໃຫຍ່, ໄດູ້7 ອູມູ້ . Conformément au fait qu’il s’agit d’une langue prodrop où le pronom sujet n’est pas obligatoirement exprimé, le sujet du verbe bɨaːn « mesurer » n’est pas explicite dans cet énoncé qui signifie « le tas de riz était grand, sa taille (de riz) mesurait/a atteint sept brassées. Ce type de construction à sujet omis est également observé des langues Taï. Cidessous un exemple en lao parlée. ລະດັບ ນຳ ້ ຂນ ້ ສູງ ໄດ້ ສອງ ແມັດ ladap nǎːm khɨ̌n sǔːŋ dàj sɔ̌ːŋ mɛt niveau eau monter haut mesurer 2 mètre Le niveau de l’eau augmente à deux mètres. L’animateur de l’émission en kmhmouʔ à la radio nationale lao donne l’information sur le début de cette émission. (436) kao-sip-saːm cɔːrɔː sɔːŋ-phan sip-hàː niʔ bɨaːn saoː-ʔet 9-10-3 à 2-1000-10-5 DEM durer 20-1 saoː-sɔːŋ nɨm nɨm giː 20-2 an année DEM (De) 93 à cette année 2015, ça fait 21, 22 ans, cette année. 93 ຫາ ປີ2015 ນີ ູ້ໄດູ້21, 22 ປີປີນີ ູ້ Un animateur de l’émission en kmhmouʔ à la radio nationale lao affirme que peu de locuteurs kmhmouʔ maîtrisent l’écriture de leur langue. (cf. KJG_LAM_CONV3_radio 137) (437) bɨːŋ ʔiʔ jao gəː məh khoːsok niʔ grɛːm bɨaːn lɛ PL 1PL REL 3SG COP.être présentateur DEM plutôt maîtriser PART Nous, les présentateurs, nous maîtrisons mieux (l’écriture kmhmouʔ). ພວກເຮາົທີ ່ ເປັນໂຄສກົ ອ່າວໄດູ້(ຕວົຂຽນພາສາກມ ຫມຸ). 33 Terme de mesure des troncs et des constructions à formes cylindriques. 265 A un passage de l’histoire du clan Tmong, le narrateur dit qu’il est impossible de continuer à rester dans le village, il se passe quelque chose d’effrayant. (cf. KJG_LAM_CONT1_tmɔːŋ 047) (438) jat ʔam bɨaːn rester NEG être possible Impossible de rester ຢ່ ູບໍ ່ ໄດ.ູ້ Le sens de bɨaːn dans son emploi lexical à travers des exemples ci-dessus varie selon le contexte dans lequel il est employé. En (434), bɨaːn signifie « obtenir quelque chose après avoir fait des efforts pour l’obtenir ». La chose obtenue est comme le résultat d’une activité, il exprime un achèvement ou une réalisation. En (435), bɨaːn signifie « mesurer », en (436) « durer », en (437) « maîtriser ». En (438), il marque une possibilité. En plus de la possibilité, bɨaːn postposé à un verbe marque une capacité de faire quelque chose comme dans l’exemple ci-dessous. (439) ʔah sɔʔ briaŋ mah ʔam bɨaːn ʔoʔ mah bɨaːn viande chien autrui manger NEG être capable 1SG manger être capable Les autres ne peuvent pas manger du chien (mais) je peux en manger. ຊ ົ້ນໝາເຂາ ກນິບ ່ ໄດົ້ຂອົ້ຍກນິໄດ.ົ້ hnɔːŋ est un marqueur aspectuel et modal provenant d’un verbe qui signifie « rester » au sens de « se maintenir, continuer d’être, survivre ». L’ordre syntaxique de la phrase comportant le verbe hnɔːŋ n’est pas contraint, il peut être dans l’ordre VS si le locuteur insiste sur le prédicat comme dans l’exemple (440) ou dans l’ordre SV si le sujet est thématisé comme dans l’exemple (441). Un individu (A) demande à une femme qui a donné naissance à douze enfants si ces douze enfants sont tous en vie. (cf. KJG_LAM_INFO2_Noui 013 – 014) (440) A : hnɔːŋ loːc pa sip-sɔːŋ gon vah rester tout COMIT 10-2 CL INTER Les douze sont tous en vie ? (Lit. Reste-t-il tous les douze ?) ຍງັທງັໝດ 12 ຄນ ບ ? 266 B : hnɔːŋ kɨn haː rester REST 5 (Il) n’en reste que 5. ຍງັ 5 ຄນ . A table, quelqu’un demande aux autres s’il doit apporter encore du riz. L’un d’eux répond que ce n’est pas la peine : (441) mah hnɔːŋ (maːk) riz rester beaucoup Du riz en reste (beaucoup). ເຂ ົ້າຍງັ(ຫຼາຍ). L’exemple (441), le locuteur veut dire qu’il reste du riz sur la table, et que ce n’est pas le besoin pour le moment. ʔan est un marqueur modal d’origine verbale, il signifie « donner ». Ce verbe a une construction particulière, le bénéficiaire de l’objet donné se place après le verbe, il est naturellement suivi du terme deʔ qui signifie « prendre ». L’objet donné (complément d’objet) occupe la position finale de la phrase. Si le bénéficiaire n’est pas exprimé, le complément d’objet se place directement après le verbe. La structure de la phrase peut être représentée comme suit : Sujet + V + C. Ci-dessous un exemple. Un animateur de l’émission en kmhmouʔ à la radio nationale du lao parle du temps accordé à l’émission du début de la création de cette émission. (cf. KJG_LAM_CONV3_radio 089) (442) ɲaːm niʔ maŋ ʔan ʔiʔ deʔ kɨn saːm-sip naːthiː […] moment DEM 3IND donner 1PL prendre REST 3-10 minute A l’époque, on nous a accordé seulement 30 minutes. ຕອນນັນູ້ ເພິ ່ນໃຫພວກ ູ້ ເຮາົແຕ່ 30 ນາທ.ີ L’enquêteur demande combien de minutes sont données à chaque fois. (cf. KJG_LAM_CONV3_radio 323) (443) tɛːla bat niʔ nɔː ʔan veːlaː ʔnaːmmə naːthiː ? chaque fois DEM 3PL donner temps combien minute Chaque fois, on donne combien de minutes ? 267 ແຕ່ລະເທື ່ອນັນູ້ ເຂາົໃຫເູ້ວລາຈກັນາທີ? hmɨaːn est un marqueur modal marquant la probabilité, ce marqueur a une origine verbale. Dans l’emploi lexical, il signifie « ressembler ». Le verbe hmɨaːn a deux constructions possibles : construction transitive et construction pronominale réciproque comme dans les exemples ci-après. Dans la construction pronominale réciproque, le sujet de la phrase doit être constitué de deux ou plusieurs éléments, le verbe est impérativement suivi d’un marqueur de réciprocité jɔʔ qui véhicule le sens de « l’un et l’autre » comme le montre l’exemple (446). (444) da hɨnkoʔ tɛːp gniʔ meː hmɨaːn gon thao NEG.Mod vêtir chemise DEM 2SG.M ressembler personne être âgé Ne mette pas cette chemise, tu ressembles à un vieux ! ຢ່ ານ່ ຸງເສ ົ້ອຜນ ນ ົ້ ເຈ ົ້າຄຜ ເົ້ຖ ົ້າ ! (445) kɔːn cɨmkɨn naː hmɨaːn naː enfant féminin 3SG.F ressembler 3SG.F Sa fille ressemble à elle. ລ ກສາວລາວຄກ ນັກບັລາວ. (446) snaː kɔːn maʔ hmɨaːn jɔʔ 3DU enfant mère ressembler RECIP Elles, la fille et sa mère, se ressemblent ເຂາ ແມ່ລ ກຄກ ນັ . Dans un discours comme dans un récit, le verbe hmɨaːn est utilisé pour décrire un état de chose, un caractère d’une personne ou d’une chose. Il a en outre le sens de « comme, aussi, être pareil ». Ci-dessous des exemples. (447) kɔːn cɨmkɨn naː bliaː hmɨaːn naː enfant féminin 3SG.F être belle comme 3SG.F Sa fille est belle comme elle. ລ ກສາວລາວງາມຄກ ນັກບັລາວ. 268 (448) ʔoʔ gɔ məh kmhmuʔ hmɨaːn jɔʔ 1SG PART COP.être Kmhmouʔ hmɨaːn RECIP Je suis Kmhmouʔ aussi. ຂອົ້ຍກແ ມ່ນຄນ ເຜ ່າກມຶ ຫມຸຄກ ນັ Le verbe guʔ sert de marqueur modal, il marque la fréquence de l’action, il a une origine lexicale. C’est un verbe transitif direct du même type que le verbe hmɨaːn décrit précédemment. Sa structure syntaxique est : S + guʔ + O comme dans l’exemple (449) ou O + S + guʔ lorsque le sujet de la phrase est thématisé comme dans l’exemple (450). Il peut également avoir un emploi pronominal réciproque au même titre que verbe hmɨaːn. (449) ʔiʔ guʔ thaːthoːm 1PL aimer Thath Nous aimons Thathome. ພວກເຮາ ມກັທ່າໂທມ. (450) thaːthoːm ʔiʔ gɔ guʔ Thathome 1PL PART aimer Thathome, nous l’aimons. ທ່າໂທມ ພວກເຮາ ກມ ກັ . (451) təː miː kap ʔiʔː ʔniː guʔ jɔʔ M NP et F NP aimer RECIP Mi et ‘Ni s’aiment. ທາົ້ວມ ແລະ ນາງນ ມກັກນັ Lorsque le verbe guʔ précède le verbe principal de la phrase, il a une valeur itérative, il marque la fréquence de l’action, comme dans l’exemple ci-dessous : (452) nɔː guʔ lao briaŋ 3PL souvent médire autrui Ils médisent souvent des autres. ພວກເຂາ ມກັ ເວ ົ້າຂວນັຄນ ອ ່ນ. 269 gəːj est un marqueur préverbal, il a une valeur perfective, il marque une expérience vécue au moins une fois. Dans son origine lexicale, il signifie « s’habituer, avoir l’habitude ». gəːj est un verbe transitif, mais il est peu fréquent dans l’emploi lexical. (453) ʔiʔ gəːj briʔ siaŋkhvaːŋ 1PL s’habituer région Xieng Khouang Nous nous habituons à la région de Xieng Khouang ພວກເຮາ ລຶ ົ້ ງເຂດຊຽງຂວາງ. Le verbe gəːj est souvent comme verbe modal, il marque une expérience (EXP). gəːj a une valeur aspecto-modal. En combinant avec un marqueur de négation, cela forme ʔam gəːj « ne … jamais ». (454) nɔː gəːj ləːc deʔ briaŋ 3PL EXP voler POS autrui Ils volent souvent les biens d’autrui. ເຂາ ເຄຍ ລກັ ຂອງຄນ ອ ່ນ (455) ʔiʔ ʔam gəːj ləːc deʔ mə 1PL NEG s’habituer voler POS ND Nous n’avons jamais volé les biens d’autrui. ພວກເຮາ ບ ່ ເຄຍ ລກັ ຂອງໃຜ. Le verbe tɔːŋ est utilisé uniquement comme verbe modal, il exprime une nécessité. Lorsque le sujet est une idée ou un concept il n’est pas nécessairement exprimé, tɔːŋ + V signifie « devoir, être obligé de, avoir à ». L’emploi libre de ce verbe, dans une structure S + tɔːŋ + O, n’est pas possible. 2) Les noms Parmi les marqueurs de TAM, on trouve un seul marqueur nominale kamlaŋ « force, énergie ». Ce mot a une origine khmère, c’est un dérivé par infixation avec le préfixe -am- de klaŋ « être fort ». Ce marqueur est trouvé non seulement en khmer mais aussi dans les langues Taï, il a la même signification qu’en khmer. Dans les langues Taï, ce mot a la possibilité de combiner avec un verbe et avec un nom. En le plaçant devant un verbe, il sert de marqueur d’aspect progressive et fournit le sens de « être en train de ». En 270 le combinant avec un nom, il se place toujours en tête, en tant que terme générique. Cidessous des combinaisons possibles de kamlaŋ avec les noms dans les langues Taï. kamlaŋ caj = force + cœur « moral, encouragement » kamlaŋ kaːj = force + corps « force physique » kamlaŋ thahaːn = force + militaire « force militaire » 

 Degré de grammaticalisation 

Certains marqueurs de TAM sont des particules purement grammaticales, qui n’ont le sens qu’en combinaison avec un verbe. Il s’agit notamment de haj, lɛoː, phuaːm et grɛːm. Leur combinaison avec les marqueurs d’irréalis et de négation est impossible. Un individu demande à un enfant si son père est encore à la maison. L’enfant répond qu’il n’est plus là. (456) joŋ haj jɔh hreʔ papa PERF aller ray Papa est parti au ray. ພ ່ ໄປໄຮ່ ແລວົ້. (457) *joŋ ciː haj jɔh hreʔ papa IRR PERF aller ray (458) *joŋ ʔam haj jɔh hreʔ papa IRR PERF aller ray (459) joŋ jɔh hreʔ lɛoː papa aller rai PERF Papa est parti au ray. ພ ່ ໄປໄຮ່ ແລວົ້. (460) *joŋ ciː lɛoː jɔh hreʔ papa IRR PERF aller ray (461) *joŋ ciː lɛoː jɔh hreʔ papa IRR PERF aller ray 271 (462) joŋ phuaːm jɔh hreʔ papa PROG aller ray Papa est en train d’aller au ray. ພ ່ກາ ລງັໄປໄຮ່ . (463) *joŋ ciː phuaːm jɔh hreʔ papa IRR PROG aller ray (464) *joŋ ciː phuaːm jɔh hreʔ papa IRR PROG aller ray Les marques du futur et de la négation sont des marqueurs modaux. Ceux-ci sont combinables entre eux. Les marqueurs les moins grammaticaux sont les marqueurs verbaux et nominaux qui sont décrits dans la section précédente. Ces marqueurs ont en grande partie des emplois indépendants, à l’exception du verbe tɔːŋ qui ne peut être utilisé que comme verbe modal. En conclusion, les marqueurs purement temporels en kmhmouʔ sont des adverbes de temps et l’expression de la date de l’événement qui portent sur l’énoncé. Ces marqueurs n’ont généralement pas un ordre contraint, comme dans beaucoup de langues. En l’absence de ces marqueurs, le temps est repéré par le contexte de l’énonciation. Les autres marqueurs portent sur le verbe, ils sont antéposés ou postposés au verbe sur lequel ils portent. Ceux-ci sont principalement des mots lexicaux (en majorité les verbes) employés comme marqueurs de TAM, secondairement les mots purement grammaticaux dont on ignore l’origine, nous les appelons particules grammaticales qui sont notamment les marqueurs antéposés au verbe (ciː et haj). Les marqueurs qui portent sur le verbe sont temporels, aspectuels ou modaux. Le marqueur ciː a une valeur temporelle (futur), aspectuelle (action non accomplie) et modale (prévision, intention). 

Table des matières

Le cadre de l’étude
Liste des abréviations
Introduction
1 Présentation générale
1.1 Contexte ethnolinguistique du Laos
1.1.1 Familles ethnolinguistiques du Laos
1.1.2 Présentation des Kmhmouʔ
1.1.3 Répartition géographique des Kmhmouʔ
1.2 Aperçu sur la langue kmhmouʔ
1.2.1 La langue kmhmouʔ et ses dialectes
1.2.2 Interactions entre le kmhmouʔ et le lao
1.2.3 Recherches linguistiques sur le kmhmouʔ
1.2.4 Caractérisation typologique du kmhmouʔ
1.2.4.1 Les langues isolantes : définition et limites
1.2.4.2 Travaux typologiques sur différentes langues isolantes
1.3 Méthodologie
1.3.1 Le terrain
1.3.2 Corpus
1.3.2.1 Types d’enregistrement et données quantitatives
1.3.2.2 Traitement des corpus
2 Phonétique et phonologie
2.1 Système phonologique
2.1.1 Phonèmes consonantiques
2.1.1.1 Consonnes initiales
2.1.1.2 Consonnes finales
2.1.1.3 Groupes consonantiques
2.1.2 Phonèmes vocaliques
2.1.2.1 Monophtongues
2.1.2.2 Diphtongues
2.1.3 Structure de mot et de syllabe
3 Morphologie et classes de mots
3.1 Typologie morphologique des langues isolantes : problématique et état de l’art
3.1.1 Le Kmhmouʔ : langue isolante
3.1.2 Caractérisation morphologique du kmhmouʔ et des langues de l’aire.
3.2 Les classes de mots
3.2.1 Mots pleins et mots outils
3.2.2 La distinction verbo-nominale : problématique et état de l’art
3.2.3 Nom
3.2.3.1 Définition fonctionnelle des noms
3.2.3.2 Formation des noms par composition
3.2.3.3 Types sémantiques de noms et classificateurs
3.2.4 Verbes
3.2.4.1 Types sémantiques des verbes
3.2.4.1 Caractéristiques syntaxiques des verbes
3.3 Morphologie dérivationnelle
3.3.1 Préfixes
3.3.1.1 Préfixes causatifs
3.3.1.2 Préfixe résultatif
3.3.1.3 Préfixes nominalisateurs
3.3.2 Infixes
3.3.2.1 Infixes nominalisateurs
3.3.2.2 Cas particuliers de dérivations
4 Syntaxe
4.1 Syntagme nominal
4.1.1 Déterminants qualificatifs
4.1.2 Déterminants classificateurs
4.1.3 Déterminants numéraux
4.1.4 Déterminants démonstratifs
4.1.5 Déterminants indéfinis et interrogatifs
4.1. Déterminants quantifieurs
4.1. Déterminants nominaux
4.1.. Pour conclure sur le syntagme nominal en kmhmouʔ
4.2 Syntaxe de la phrase
4.2.1 Phrase simple
4.2.1.1. Constructions elliptiques
4.2.1.2. Les phrases simples à plus d’un prédicat
4.2.1.3 Phrase déclarative
4.2.1.4 Phrase interrogative
4.2.1.5 Phrase injonctive
4.2.2 Particules discursives et modales
4.2.2.1 Particules postposées au sujet
4.2.2.2 Particules postposées au verbe
4.2.2.3 Particules modales
4.2.2.3.1 Particules interrogatives
4.2.2.3.2 Particules assertives
4.2.2.3.3 Particules impératives
4.2.3 Phrase complexe
4.2.3.1 Coordination
4.2.3.1.1 Conjonction copulative
4.2.3.1.2 Coordination adversative
4.2.3.2 Subordination
4.2.3.2.1 Propositions relatives
4.2.3.2.2 Subordonnées causales
4.2.3.2.3 Propositions finales
4.2.3.2.4 Propositions hypothétiques
4.2.3.2.5 Propositions complétives
4.2.4 Construction à prédicats complexes
4.2.4.1 Construction sérielle
4.2.4.2 Construction modale
4.2.4.3 Construction causative
4.3 Temps, aspect et mode
4.3.1 Temps
4.3.2 Mode
4.3.3 Aspect
4.3.4 Types de marquage du TAM
4.3.4.1 Les parties du discours en jeu
4.3.4.2 Degré de grammaticalisation
Conclusion et perspectives
Bibliographie .

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