CONTRIBUTION A LA CONNAISSANCE DE LA RELATION DIABETE-DEPRESSION
Physiopathologie de la dépression
Depuis les 30 dernières années, l’intense activité de recherche a permis de mettre en évidence plusieurs facteurs impliqués dans la pathogenèse de la dépression et qui provoquent des altérations neurochimiques et neuroanatomiques. On peut classer ces facteurs en 3 groupes : – Les facteurs environnementaux – Les facteurs biologiques – Les facteurs génétiques
Les facteurs environnementaux
Ce sont les facteurs externes, les événements de la vie d’un individu qui peuvent déclencher le syndrome. On compte parmi ces facteurs les événements traumatisants (la violence, la perte d’un être cher, un accident), l’abus de substances et le stress (3,88).
Les facteurs biologiques
Ce sont les changements biologiques présents lors du syndrome et que la communauté scientifique suppose être responsable de l’apparition du syndrome. 20 Durant les 3 dernières décennies, 3 grandes hypothèses cherchant à expliquer la dépression ont fait leur apparition : (27) L’hypothèse monoaminergique Les recherches sur les causes de la dépression ont mené les chercheurs à se pencher sur la chimie du cerveau. Au début des années cinquante, certains neurotransmetteurs de la classe des monoamines attirèrent l’attention. Ces neurotransmetteurs, tous dérivés d’un acide aminé, comprenaient la dopamine, la noradrénaline et la sérotonine. On sait maintenant qu’un mauvais fonctionnement du circuit de noradrénaline ou de sérotonine contribue à la dépression chez certains individus (93), mais les neurotransmetteurs commencent à peine à livrer leurs mystères et même aujourd’hui, on ne connaît pas encore toutes leurs implications sur le comportement humain. L’une des hypothèses est que la recapture présynaptique des monoamines est trop forte, ce qui crée un manque de ces neurotransmetteurs. Il a aussi été démontré que les neurotransmetteurs sont détruits pendant leur traversée par des enzymes, les monoamines oxydases. La noradrénaline est détruite en une substance qui se dose dans les urines le méthoxyhydroxyphényl-glycol ou MHPG or on a vu chez de nombreux déprimés une excrétion urinaire de MHPG (venant de la noradrénaline) diminuée. L’action de cette enzyme serait donc trop forte. Cette hyperactivité de cette enzyme a été démontrée chez certains dépressifs grâce à une étude scintigraphique cérébrale (73). Cela expliquerait l’efficacité de certains traitements anciennement prescrits, de type inhibiteur de la mono amine oxydase, appelés communément IMAO. L’hypothèse des récepteurs des monoamines Une autre hypothèse serait la présence d’une anomalie des récepteurs cérébraux. (10). Cette théorie évoque une anomalie du nombre des récepteurs postsynaptiques. Elle concerne encore les monoamines neuromédiatrices mais selon 21 un modèle différent. Le nombre des récepteurs où viennent se fixer les neurotransmetteurs après leur traversée de la synapse, n’est pas fixé mais il se modifie en fonction de leur quantité afin de maintenir une transmission d’influx assez constante : – S’il y a beaucoup de neurotransmetteurs, le nombre des récepteurs va tendre à diminuer. Le message nerveux passera mal ; – si à l’inverse, il y a peu de transmetteurs le nombre s’accroît pour recevoir au mieux les neurotransmetteurs afin de préserver le plus possible la transmission. S’il s’accroît trop les récepteurs ne sont plus assez stimulés. Par ailleurs, la sensibilité de ces récepteurs peut être modulée par divers mécanismes (10). L’hypothèse monoaminergique de l’expression génique Cette dernière hypothèse met en cause la transduction du signal. Le système des seconds messagers et les facteurs de transcription qui contrôlent l’expression des gènes pourraient être la cause de la déficience en monoamines dans la dépression. Cette hypothèse est la plus vraisemblable car elle apporte une explication sur la longue durée d’administration des antidépresseurs nécessaire pour observer des effets cliniques (27,22). Le rôle du cortisol, hormone dont la production est augmentée en cas de stress, semble également crucial. Son taux est significativement augmenté en cas de dépression (16), secondairement à l’augmentation de la CRH (72). Par contre, les médicaments ciblant l’inhibition de sa production se sont révélés d’une efficacité décevante (10). Il est retrouvé parfois un déficit intracérébral de BDNF (Brain-derived neurotrophic factor), un facteur permettant la croissance des neurones et la plasticité des synapses (52). Cette baisse, est cependant peu spécifique, car retrouvée dans plusieurs affections psychiatriques. 22 II.3.3. Les facteurs génétiques Depuis quelques années, de nombreux chercheurs se sont intéressés aux facteurs génétiques car une des caractéristiques de la dépression et qu’elle est un syndrome qui comporte une incidence familiale. Ils se sont penchés sur les phénomènes de polymorphismes et de mutations dans certaines populations pour tenter de trouver une origine génétique à la dépression. Quoique peu de données existent sur le sujet, certains polymorphismes retrouvés dans certains gènes ont été identifiés comme pouvant être corrélés à la dépression. On retrouve entre autres : le gène codant pour le récepteur 5-HT1B et 5-HT2C, le gène du transporteur de la 5-HT, le gène CREB1 codant pour la protéine CREB (47, 60, 44, 108). II.4. Clinique du syndrome dépressif Un syndrome dépressif réalise l’association clinique à des degrés variables, des symptômes émanant de perturbations émotionnelles, psychomotrices, conatives et cognitives caractéristiques. II.4.1. Humeur dépressive Elle comporte une tristesse importante et une douleur morale plus ou moins prononcée, un pessimisme globale, un sentiment de culpabilité, l’invasion du présent par le passé, un avenir sans perspective, et des idées de mort et de suicide, toujours présentes, souvent exprimées, parfois niées (35).
Ralentissement psychomoteur
Il consiste en une perte de l’élan vital, avec asthénie psychique, physique, intellectuelle et sexuelle, un ralentissement idéique avec des difficultés de concentration, une perte de motivation, du rendement et des plaisirs, une hypo ou anesthésie affective masquée parfois derrière une irritabilité ou une agressivité, et enfin un ralentissement des activités, et une lenteur des gestes, des mimiques et de la parole, le déprimé est caractérisé par ses réponses retardées, courtes, soutenues par un effort tangible pénible, pour répondre aux questions (36).
Troubles conatifs
On peut regrouper sous cette dénomination tout un ensemble de symptômes procédant d’une diminution des capacités d’effort et d’initiative, d’un fléchissement des tendances à agir et de la volonté (36).
Troubles cognitifs
Ils portent à la fois sur les fonctions cognitives globales, sur les représentations et sur les raisonnements qui les déterminent. (36). En cas de dépression, il devient difficile de réfléchir, de trouver les mots, de parler avec fluidité. On a l’impression d’avoir la tête vide, que le monde est devenu trop compliqué, qu’on ne saura pas s’y adapter, y faire face. Il faut faire un effort très important pour accomplir des tâches qui, jusqu’alors, s’effectuaient naturellement, sans y penser(107). II.4.5. Signes végétatifs Les signes de perturbations somatiques générales induites par le processus psychobiologique de la dépression sont constants. Ils sont représentés comme suite : Asthénie C’est une asthénie inexpliquée, qui se caractérise par sa très nette aggravation à l’effort, fatigabilité pénible, particulièrement lors d’efforts psychologiques en rapport avec des actes sociaux. Troubles de sommeil Le sommeil est régulièrement perturbé : insomnie dans la plupart des cas, mais aussi hypersomnie.
Perturbations de l’appétit
La plus courante est l’anorexie. Une augmentation de l’appétit est plus rare, avec crises boulimiques. Troubles sexuels Baisse de l’énergie sexuelle et de libido entraînant impuissance et frigidité. Troubles digestifs Sensations diverses de lenteur digestive, de ballonnements, constipation opiniâtre sont fréquentes. Troubles urinaires Pollakiurie anxieuse, dysurie, brûlure peuvent être rapportées. Troubles cardiovasculaires Hypertension, tachycardie, bouffées vasomotrices avec rougeur du visage, sont possibles en particulier au cours des états dépressifs avec lutte anxieuse, tandis qu’hypotension et bradycardie vagotoniques caractérisent les dépressions ralenties. Les troubles neuromusculaires Affaiblissement de la force musculaire, contractures, crampes, douleurs erratiques, tressautements, paresthésies, céphalées, troubles cénesthésiques, sensations vertigineuses etc, sont courants, pouvant occuper le devant du tableau clinique.
Anxiété associée
Tout état dépressif s’accompagne, à des degrés divers, de manifestations symptomatiques d’anxiété généralisée : tension nerveuse, secousses musculaires, tressautements, hyperactivité du système nerveux autonome (gêne respiratoire, palpitations, sécheresse, nausées, pollakiurie, gorge nouée, contractions, ténesme, etc), exacerbation de la vigilance, éréthisme, fébrilité, agitation improductive, raptus anxieux et suicidaires (35, 36, 78). II.5. Traitement
Les médicaments antidépresseurs
Les antidépresseurs sont des médicaments psychotropes utilisés dans le traitement de la dépression, ils sont susceptibles d’améliorer l’humeur déprimée dans ses manifestations cliniques les plus graves et ceci en agissant sur l’ensemble du système dépressif. Nous avons trois classes d’antidépresseurs : les inhibiteurs de la monoamine oxydase (exemple : iproniazide MARSILID, moclobémide MOCLAMIN) les antidépresseurs tricycliques (exemple : imipramine TOFRANIL doxépine QUITAXAN) les inhibiteurs de la recapture de la sérotonine ou de la noradrénaline (exemple : viloxazine VIVALAN, fluoxetine PROZAC). Toutes les classes thérapeutiques ont montré leur efficacité dans l’épisode dépressif. Il n’a pas été démontré de différence d’activité statistiquement significative entre les imipraminiques et les ISRS (inhibiteurs sélectifs de la recapture de la sérotonine) et ISRSNA (inhibiteurs sélectifs de la recapture de la sérotonine ou de la noradrénaline) chez les patients traités en ambulatoire. Le risque d’abandon de traitement toutes causes confondues ou à cause d’un effet indésirable est plus faible sous ISRS et ISRSNA que sous imipraminiques, de manière statistiquement significative (la réduction du taux d’abandons sous ISRS et ISRSNA est d’environ 4 %). Les ISRS et ISRSNA sont donc considérés comme mieux tolérés, notamment à long terme. Le choix d’un antidépresseur repose préférentiellement sur quelques critères spécifiques : 26 l’utilisation thérapeutique d’effets latéraux (par exemple, recherche de sédation, d’anxiolyse, ou de stimulation) (grade C) ; l’indication préférentielle d’une classe thérapeutique dans certaines comorbidités psychiatriques, par exemple les ISRS pour les troubles obsessionnels (grade C) ; le respect des contre-indications (comorbidités organiques) et des risques d’interactions médicamenteuses selon les résumés des caractéristiques des produits inscrits dans le Vidal (2).
INTRODUCTION |