Contribution à la conception énergétique de quartiers
Modèles de régulateurs
Les systèmes ne peuvent être utilisés sans l’adjonction d’une régulation pour en assurer le bon fonctionnement. En fonction de son comportement et des sollicitations externes, l’organe de contrôle doit permettre de satisfaire dynamiquement les instructions assignées au système en modulant ses paramètres. Plusieurs types de régulateur sont utilisés dans la plateforme de simulation pour une adaptation à toutes les situations. Régulateur « tout ou rien » (TOR) Le modèle de contrôleur le plus simple est basé sur le respect d’une consigne. Un différentiel statique lui est associé afin d’éviter des oscillations à hautes fréquences entre les différents états. Régulateur Proportionnel-Intégral (PI) Afin de contrôler précisément les systèmes, il est possible d’utiliser un organe de contrôle plus avancé : le régulateur PI. Il consiste à modifier la valeur de la différence entre le point de consigne et la valeur réelle de la variable contrôlée, également appelée erreur. Le régulateur fonctionne à l’aide de deux parties : l’action proportionnelle qui consiste à multiplier l’erreur par un gain Kp et l’action intégrale qui consiste à intégrer l’erreur et à la multiplier par un gain Ki . Sa loi de fonctionnement est : 𝑌 = 𝐾𝑝 ∙ ∆𝑋 + 𝐾𝑖 ∙ ∫ ∆𝑋 𝑑𝑡 𝑡 0 (2.61) La détermination des gains Kp et Ki peut être réalisée en utilisant la méthode de réglage heuristique de Ziegler-Nichols (Ziegler et Nichols, 1942), aussi appelée méthode du gain statique critique Kposcillations. Cette approche consiste à trouver le gain du régulateur Kposcillations, avec : Le gain intégral nul : Ki = 0 ; La réponse qui oscille avec une amplitude constante pour une période stable Pu. Chapitre 2. Plateforme de modélisation et de simulation de quartiers 55 Ces diverses valeurs sont ensuite utilisées pour estimer les coefficients Kp et Ki , tels que : 𝐾𝑝 = 𝐾𝑝𝑜𝑠𝑐𝑖𝑙𝑙𝑎𝑡𝑖𝑜𝑛𝑠 2,2 (2.62) 𝐾𝑖 = 𝑃𝑢 1,2 (2.63) Ce contrôleur peut être utilisé en tant que régulateur proportionnel ou proportionnelintégral, en fonction des nécessités. L’action dérivée n’est pas intégrée (i.e. régulateur PID) principalement à cause de la complexité de l’automatisation du réglage des gains, mais aussi parce que le régulateur PI permet d’obtenir une régulation adaptée quel que soit le système. L’utilisation de régulateurs PI peut être fastidieuse notamment en présence d’un parc de bâtiments très hétérogènes. Un processus itératif simulant un PI parfaitement paramétré est utilisé en première approche. Indicateurs de saison Dans le but de connaître les périodes pendant lesquelles les systèmes de production thermique sont opérationnels, des saisons de chauffage et de refroidissement sont déterminées. Deux indicateurs présents dans les données météorologiques fournissent déjà ces informations, mais ils dépendent uniquement des conditions météorologiques. Chaque bâtiment ayant ses propres besoins thermiques, il est nécessaire d’adapter le profil général à chacun des cas. Ainsi des corrections sont appliquées pour résoudre ce problème. Afin de couvrir tous les cas (i.e production centralisée ou décentralisée), la saison de chauffage est découplée de la saison de refroidissement. Pour permettre aux systèmes de chauffage d’être exploités jusqu’à ce qu’il n’y ait plus de demande dans le quartier. Cette méthode permet de satisfaire les besoins simultanés de refroidissement et de chauffage dans des bâtiments différents. Les règles de régulation suivantes sont mises en œuvre dans l’outil : L’indicateur de refroidissement est calculé pour chaque bâtiment et est directement dépendant de la moyenne mobile de la température du bâtiment sur 3 jours. L’indicateur de refroidissement est alors activé pour une température moyenne au cours des 3 derniers jours qui est supérieure à Tsup (par défaut à 26°C) et il est désactivé si elle est inférieure à Tinf (par défaut à 22°C). 𝑀𝑚𝑇 (𝑡) = ∑ 𝑇(𝑡) 𝑡+72× 3600 𝑑𝑡 𝑖=𝑡 (2.64) 56 Chapitre 2. Plateforme de modélisation et de simulation de quartiers L’indicateur de chauffage est calculé uniquement pour le quartier puisqu’il correspond simplement à l’inverse de celui de refroidissement pour un bâtiment. Cet indicateur de chauffage urbain doit rester actif aussi longtemps qu’il existe un bâtiment ayant des besoins de chauffage. Ainsi, l’indicateur de chauffage pour le quartier est défini par la relation suivante : 𝐼𝑛𝑑𝑐ℎ (𝑡) = 1 − max ∀𝑏𝑎𝑡 (𝐼𝑛𝑑𝑓𝑟(𝑡)) (2.66)
Cas d’étude « fil rouge » : le projet du RU de Nesles
Le cadre de l’étude concerne le projet d’aménagement « fil rouge » du boulevard du RU de Nesles (Champs-sur-Marne, France) qui est planifié parallèlement au projet du Grand Paris pour 2030. Dans le but d’accompagner les décideurs dans la prise de décision, une étude détaillée est menée afin d’obtenir des concepts de quartier à la fois performants et durables tout en anticipant les futures règlementations. La situation du projet ainsi que le nouveau plan d’aménagement sont présentés à la Figure 2.22. L’étude se focalise sur la partie délimitée en rouge dont la surface de plancher totale est de 81 705 m². Ce nouveau quartier est composé de 25 bâtiments : neuf immeubles résidentiels (en jaune), six immeubles commerciaux (en violet) et dix immeubles de bureaux (en bleu), répartis sur huit îlots urbains. La Figure 2.23 permet la visualisation du quartier en 3D.À l’aide de la plateforme de simulation DIMOSIM, différents scenarii ont été simulés afin de pouvoir effectuer les choix technologiques les plus opportuns pour la création de ce quartier. Un de ces scénarii a été choisi pour illustrer l’utilisation de cet outil et les résultats qu’il permet d’obtenir. Pour ce cas d’étude, l’ensemble paramétrique est uniforme pour la totalité du parc de bâtiments et est constitué de : Réseau thermique ; 58 Chapitre 2. Plateforme de modélisation et de simulation de quartiers Cogénérateur utilisant la technologie de turbine à gaz pour le système de production centralisé à l’échelle du quartier ; Béton pour le matériau de structure ; Isolation intérieure minérale avec 16 cm d’épaisseur pour les parois et 20 cm pour le toit ; Double vitrage ; Refroidissement activé et effectué à l’aide de pompes à chaleur ; Ventilation double flux ; Production d’ECS électrique ; 15% de la surface de toiture est couverte par des panneaux photovoltaïques. Le pas de temps utilisé pour la simulation est horaire et ce sont les modèles simplifiés (définis par défaut) qui sont sélectionnés lorsque le choix est possible. Par ailleurs, la simulation complète annuelle de ce quartier a nécessité un temps de calcul de 17,53 secondes. L’interface graphique développée pour faciliter l’utilisation du logiciel par l’utilisateur est présentée à la Figure 2.24. Le quartier du RU de Nesles est géolocalisé et les informations principales sont fournies
Conclusion
La plateforme de modélisation et de simulation DIMOSIM a été développée dans le but de représenter le comportement dynamique des bâtiments et des systèmes énergétiques à l’échelle du quartier. Son élaboration est issue de l’application de l’approche Bottom-Up impliquant une modélisation indépendante de chaque élément. Leur structuration autour du cœur de calcul permet d’avoir un outil homogène dont l’environnement unique en facilite l’utilisation. Grâce à l’intégration des phénomènes physiques induits par l’environnement urbain dans lequel le quartier étudié se situe, les performances obtenues tiennent compte de la totalité des conditions aux limites qui s’appliquent réellement. Les sorties de cette plateforme concernent l’intégralité des flux d’énergie détaillés, comprenant : les consommations, les productions, les pertes ainsi que les efficacités relatives à tous les systèmes, que ce soit à un niveau local ou bien central. La production d’autres indicateurs de performance (e.g. consommations agrégées, taux de couverture par la production d’énergie renouvelable, etc.) est effectuée en post-traitement. L’analyse de l’ensemble de ces données génère les informations de base à l’origine de la prise de décision relatives à la conception énergétique du quartier. A cette échelle, les données d’entrée requises pour le fonctionnement de la plateforme peuvent être difficiles à collecter, en particulier les propriétés physiques intrinsèques au quartier. L’apport d’enrichisseurs est une des solutions envisageables, en plus de l’adaptation de la modélisation des différents éléments composant le système énergétique urbain. Chapitre 2. Plateforme de modélisation et de simulation de quartiers 63 L’importation de données météorologiques standardisées et l’ajout des préprocesseurs simplifient le renseignement des conditions aux limites. Cependant, la sensibilité relative aux données d’entrée reste à être définie précisément pour une maîtrise accrue des simulations effectuées à l’aide de cet outil. La modélisation de l’ensemble des éléments doit être adaptée pour que les résultats des simulations contribuent à la pertinence des choix effectués. La modularité de cet outil autorise la modification du niveau de modélisation de chaque modèle physique (voir Tableau 2.7) et de nouveaux peuvent aisément être implémentés si nécessaire. Certaines validations de modèles restent à être effectuées pour en justifier l’utilisation à une telle échelle d’étude mais cette flexibilité et cette adaptabilité sont à l’origine du large champ d’application de l’outil : faisabilité, conception et stratégies de contrôle. Dans le but de valider complètement le logiciel DIMOSIM, l’application sur des quartiers construits, occupés, instrumentés et dont la définition intégrale des propriétés est connue, devra faire l’objet d’une étude détaillée. Cette expérimentation viendra compléter l’ensemble de tests de validation théoriques, en particulier ceux relatifs aux différents modèles. La plateforme DIMOSIM est donc un outil de simulation énergétique de quartier complet et il autorise l’adjonction d’autres outils complémentaires (i.e. économique, environnemental, maquette numérique) pour obtenir une évaluation globale du quartier étudié. Les résultats obtenus sont essentiels pour identifier les configurations les plus adaptées. Cet outil permet également de lancer de larges études paramétriques avec précision et rapidité. Un module d’optimisation dédié aux spécificités de ce problème d’optimisation particulier peut donc y être adjoint pour trouver les meilleurs concepts énergétiques pour un quartier.
Chapitre 1 Introduction |