Les contraintes résiduelles sont les contraintes que l’on retrouve dans un corps à l’équilibre une fois que tout chargement est retiré. Selon leur intensité et leur orientation, ces contraintes peuvent augmenter ou diminuer la résistance d’une pièce lorsqu’elle est soumise à un chargement cyclique.
La plupart des processus de mise en forme traditionnels des métaux génèrent ce type de contraintes dans les pièces travaillées. Le contexte de cette revue de littérature est d’approfondir les connaissances sur les contraintes résiduelles qui sont présentes dans les roues de turbines hydrauliques, plus spécifiquement les contraintes générées par le processus de soudage. La section suivante s’attardera donc principalement aux contraintes générées par soudage et non à celles engendrées par d’autres procédés de mise en forme.
Contraintes résiduelles dues au soudage
Plusieurs phénomènes peuvent être à l’origine des contraintes résiduelles présentes dans une pièce. On note par exemple une déformation plastique, l’exposition à un gradient thermique ou encore un changement de volume associé à une modification de la microstructure du matériau. Lors du procédé de soudage, la pièce soudée est très souvent soumise à ces deux derniers mécanismes de formation de contraintes résiduelles.
En effet, tel qu’expliqué par Kaplan et Murry (2010) pour le cas d’aciers au carbone, durant le dépôt de métal d’apport, une région, appelée zone affectée thermiquement (ZAT), est exposée à des cycles thermiques importants durant lesquels la pièce se déforme élastiquement et plastiquement de manière non uniforme. Dans cette zone, le métal de base non fondu est chauffé très rapidement et cherche donc à prendre de l’expansion. Le métal non chauffé en périphérie de cette zone s’oppose à cette expansion ce qui entraîne des contraintes de compression dans toute la zone. Or, à température élevée, la limite d’élasticité du matériau baisse considérablement ce qui favorise les déformations plastiques. Lors du refroidissement, la zone précédemment chaude se contracte, mais est bridée par le métal de base déformé. Cela entraîne la formation de contraintes de tension dans le métal de base aux abords du cordon de soudure. Les contraintes ainsi générées peuvent être très élevées et même atteindre la limite d’élasticité du matériau.
Influence des contraintes résiduelles lors d’un chargement cyclique
Lorsqu’une pièce est soumise à un chargement cyclique, même inférieur à la limite d’élasticité du matériau, les contraintes engendrées peuvent créer un endommagement du matériau qui souvent, aboutit à la formation d’une fissure dans la direction perpendiculaire au chargement principal de tension. Si le chargement se poursuit, la fissure se propage sous l’effet des contraintes et la pièce peut éventuellement rompre lorsque la fissure atteint une taille critique. Il s’agit alors d’un bris typique de fatigue.
Si l’application de contraintes alternées de tension peut engendrer ce type de bris, les contraintes de compression peuvent, en revanche, contribuer à contrer ce phénomène. En effet, les contraintes de compression ont tendance à refermer les fissures et défauts, freinant ainsi leur propagation, ce qui contribue à augmenter la longévité de la vie de l’assemblage.
Lorsqu’une pièce ayant un niveau de contraintes résiduelles non nul est soumise à un chargement, les contraintes générées s’ajoutent aux contraintes déjà présentes. Ainsi, si les contraintes résiduelles sont très élevées, comme dans le cas d’une soudure, un assemblage qui ne devait en principe qu’être soumis à un faible chargement peut voir la contrainte locale atteindre des niveaux qui approchent, voire dépassent, la limite d’élasticité du matériau.
Les auteurs ont remarqué une forte dégradation de la résistance à 2 x 106 cycles sous l’effet des contraintes résiduelles, passant de 240 MPa pour les éprouvettes libres de contraintes résiduelles, à 150 MPa pour les éprouvettes contraintes. Ils ont également noté que l’effet des contraintes résiduelles est plus grand lorsque la contrainte alternée externe est plus faible.
Des résultats similaires ont été obtenus par Gharizadeh, Samali et Saleh (2013) par le biais de simulations sur des joints soudés bout à bout. Des déformations initiales ont été ajoutées aux modèles afin de simuler un champ contraintes résiduelles. Un chargement alterné a ensuite été simulé afin que les contraintes générées par ce chargement se combinent aux contraintes résiduelles. La vie en fatigue résultante a ensuite été calculée selon l’équation de Smith, Watson et Topper (1970). Cette équation utilise les propriétés du matériau pour établir un lien entre le nombre de cycles à la rupture et le niveau des contraintes présentes dans l’échantillon. Gharizadeh, Samali et Saleh (2013) ont trouvé en premier lieu que lesµ contraintes résiduelles ne peuvent être additionnées linéairement aux contraintes appliquées lorsque la somme des deux dépasse la limite d’écoulement du matériau. De ce fait, les contraintes résiduelles ont un effet plus marqué sur la contrainte maximale lorsque la contrainte appliquée est faible. En second lieu, à chargement appliqué égal, la résistance en fatigue des joints soudés diminue à mesure que les contraintes résiduelles de tension augmentent. Cet effet est toutefois plus marqué lorsque le chargement appliqué est faible.
On constate donc que les contraintes résiduelles de tension ont un effet négatif sur la vie en fatigue des assemblages soudés. Inversement, des contraintes résiduelles de compressions peuvent permettre d’augmenter la limite d’endurance des aciers. Cela a entre autres été constaté par Iswanto, Nishida et Hattori (2002) lors d’une expérience portant sur l’effet des contraintes résiduelles et du durcissement de surface de l’acier inoxydable SUS304 traité par laminage. Ils ont remarqué que la présence de contraintes de compression de l’ordre de 0,75 Sy (limite d’écoulement) ont permis de faire passer la limite d’endurance d’un échantillon de 225 à 425 MPa, soit une augmentation de 188 %. Il est cependant difficile d’attribuer cette amélioration uniquement aux contraintes résiduelles puisque la pièce subit également un fort écrouissage.
Des travaux par Mattson et Roberts (1959) ont justement tenté de démontrer que les contraintes résiduelles ont plus d’influence sur la vie en fatigue d’une pièce que le traitement d’écrouissage de surface qui leur est appliqué. Pour ce faire, ils ont grenaillé plusieurs pièces de la même manière, mais en en imposant une déformation différente à chacune des pièces au moment du grenaillage. Ainsi, le niveau d’écrouissage est similaire dans tous les cas, mais le niveau de contraintes résiduelles créé varie. L’idée est que si les pièces obtiennent toutes une vie en fatigue similaire, ce serait signe que c’est l’écrouissage créé par le grenaillage qui dicte la vie en fatigue de la pièce, et non les contraintes résiduelles. Inversement, si les vies en fatigue varient, et d’autant plus si elles varient proportionnellement à la contrainte résiduelle en surface, ce serait signe que c’est ce critère qui influence le plus la vie en fatigue.
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