Contexte, verrous et positionnement scientifique
Ce chapitre est destiné à poser les bases de nos travaux de recherche tant sur le plan économique, que sur les plans industriel et scientifique. Pour cela nous allons tout d’abord définir le contexte général qui motive nos travaux, puis nous nous attacherons à présenter comment les entreprises se positionnent aujourd’hui dans ce contexte général. Dans cette partie, nous nous intéressons tout d’abord à l’innovation. Nous cherchons à expliquer pourquoi elle est devenue aujourd’hui une préoccupation majeure pour les entreprises et quelles en sont les conséquences sur les choix d’organisation et de stratégie mises en place. Puis nous présenterons la FA, une technique de fabrication récente, dont nous expliquons les particularités, les bouleversements qu’elle engendre sur les habitudes ancrées dans les entreprises et les perspectives prometteuses qu’elle offre pour le développement de produits nouveaux. Dans une économie mondialisée, la concurrence entre les entreprises s’est accentuée et chacune d’elles cherche aujourd’hui à s’assurer un avantage compétitif sur les marchés internationaux. Pour conserver ou augmenter leur part de marché, les entreprises n’ont alors d’autre choix que de relever de nombreux défis : réduire le time to market et les coûts de production, accroître le niveau de qualité ou encore faire face au raccourcissement du cycle de vie des produits. Mais en plus de ces préoccupations majeures, les industriels doivent également veiller à se différentier de leurs concurrents par une réactivité accrue, une ouverture à de nouveaux marchés ou le développement de produits offrant de nouveaux services ou usages aux clients. Ainsi, ces dernières années, l’innovation est devenue la réponse à tous ces impératifs économiques et le levier indispensable aux entreprises pour permettre leur différenciation et garantir ainsi leur succès. Mais de façon encore plus large, on observe également une volonté grandissante des institutions (nationales ou européennes) à encourager l’engagement dans de nouveaux projets de recherche et d’innovation afin de trouver des solutions aux défis de la société de demain (ex : programme Horizon 2020).
Si l’innovation est reconnue comme le moteur de progrès des entreprises elle demeure cependant une notion complexe à définir et que l’on confond fréquemment avec l’invention. L’invention est définie par le dictionnaire Larousse comme « l’action d’imaginer, d’inventer, de créer quelque chose de nouveau » et qui peut éventuellement se traduire par un brevet. D’un point de vue économique, l’invention ne peut être considérée comme une finalité pour les entreprises mais plutôt comme une condition nécessaire mais non suffisante à leur réussite. En effet, l’invention permet, certes, la nouveauté mais n’a pas pour objectif de la confronter à un marché. Il existe de nombreuses définitions de l’innovation. Nous retenons celle de Schumpeter [2] qui la définit comme le premier usage commercial d’un produit, procédé ou service qui n’a jamais été exploité auparavant. Kelly and Kranzberg [3] ont enrichi cette proposition en définissant l’innovation comme le processus qui conduit de l’invention à sa diffusion. L’innovation est donc non seulement liée au succès commercial d’une invention mais de façon plus large au cheminement qui permet d’y parvenir faisant ainsi d’une entreprise une entreprise innovante. Mais l’innovation doit aussi être considérée à la lumière des résultats qu’elle offre aux entreprises pour leur garantir une réussite à long terme. Ainsi bien que les auteurs s’accordent sur le fait qu’il existe différents degrés d’innovation, le nombre de catégories permettant de les distinguer diffère : 2 selon Norman and Verganti [4] ou Gero [5] ; 3 pour Pahl and Beitz [6], Henderson and Clark [7] ou encore Wheelwright and Clark [8] et jusqu’à 8 pour Sternberg, et al. [9]. Par souci de synthèse et afin de permettre un classement aisé, nous retenons une classification qui scinde l’innovation en deux catégories : l’innovation radicale et l’innovation incrémentale.
L’innovation radicale, également appelée innovation de rupture, est généralement de grande ampleur et individualisée. Elle « déplac[e] la frontière des connaissances techniques ou élargi[t] la gamme des produits et des services offerts » [10]. Elle permet la résolution de problèmes nouveaux grâce à l’utilisation de combinaisons de principes de solutions nouveaux ou originaux. Elle correspond donc à la réalisation par les entreprises d’activités ou de produits que celles-ci ne faisaient pas avant car elles ne savaient ou ne pouvaient pas les faire. On pourra ici citer comme exemple l’apparition du train à vapeur ou plus récemment de la Twizzy de Renault (véhicule électrique mi- voiture, mi- deux roues).