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Limites des indicateurs scientométriques pour la cartographie et l‘accès à la science du Sud
Les bases de données bibliographiques comme principales sources scientométriques
La crédibilité et pertinence des indicateurs scientométriques ne peut être remise en cause ; ce sont des outils performants pour le contrôle de la qualité des publications, la planification et la définition des priorités nationales de la recherche. D‘ailleurs, l‘indicateur « analyse des citations » est le moyen le plus utilisé actuellement pour juger de la qualité des articles et déterminer s‘ils font partie d‘un domaine de recherche d‘actualité375. Comme confirmé dans l‘article d‘Archambault sur l‘utilisation de la bibliométrie dans les sciences sociales et les humanités.
« les indicateurs scientométriques apportent « un élément d‘objectivité précieux au processus d‘évaluation et de compréhension des forces et faiblesses du système de la recherche376 ».
Toutefois, la valeur des indicateurs scientométriques dépend d‘une part, de leur usage et de leur interprétation par les chercheurs et les responsables de la planification de la recherche, et d‘autres part des deux sources utilisées pour la collecte des données, à savoir, « Scopus » et « WoS ».
Limiter les analyses scientométriques à ces bases de données présente le risque de ne pas représenter la production scientifique locale, exprimée en grande partie dans la langue maternelle et publiée dans des revues nationales. En effet, les thématiques locales ne relèvent pas les politiques et orientation des publications « mainstream » en raison de la spécialisation de leurs sujets377.
Représentativité de la science du Sud par les bases de données internationales
Nous citons quelques études sur l‘inadéquation des bases de données « Scopus » et « WoS » à la représentativité et l‘évaluation de la science des pays du Sud.
Visibilité internationale ou développement de la recherche locale ?
Il est indéniable que le choix des thématiques à utilité internationale assure un référencement dans les bases de données indexées et un meilleur impact, et que le choix de problématiques nationales réduit les chances de visibilité des travaux de recherche qui seront publiés dans des revues locales. Pour cette raison, les chercheurs des pays du Sud s‘inscrivent dans une course effrénée vers la publication dans des revues internationales. Cela les pousse parfois à travailler sur les thématiques qui n‘intéressent pas forcément le développement du pays, alors qu‘ils devraient normalement contribuer à la résolution des problèmes socio-économiques locaux378 et au développement de la science des pays du Sud379. D‘un autre côté, les pays du Sud ne peuvent se développer sans explorer les problématiques locales qui ne concernent pas la science mondiale380. Citons à titre d‘exemple les thématiques qui intéressent le développement de l‘agriculture (produits du terroir, production animale, aridité du climat), la recherche médicale sur des maladies négligées (savoir traditionnel pour le traitement des maladies), ou encore la recherche dans le domaine des sciences humaines et sociales nécessitant l‘usage de méthodes appropriées à l‘objet de recherche, au contexte social et conditionnant la publication dans les langues locales. Sachant que publier dans une langue locale réduit toutes les chances d‘être visible auprès de la communauté internationale.
Elisemon propose deux typologies de la production scientifique : une publiée en anglais dans des revues internationales et l‘autre publiée en d‘autres langues dans des revues locales, généralement en version imprimée, cloisonnée au pays.
« Non mainstream science appears to be composed of two literatures. Local language and English, which share a common English language information base but which differ in their use of local language literature ». Les travaux de Gaillard381 et Whitney382 ont démontré que les bases de données internationales concernent une science pure, rédigée en langue anglaise et consignée dans 10 000 « Core Journals » qu‘ils considèrent comme les plus importants et qui ont le plus d‘impact sur la science383. Garfield lui-même confirme que les bases de données ont été créées pour évaluer principalement les articles anglo-saxons et ne peuvent convenir ni à toutes les langues, ni à tous les supports ni à tous les pays384. La science mondiale ne peut être représentée par une poignée de revues dite prestigieuses385.
Moravcsik a signalé depuis 1985 les déficiences des indicateurs bibliométriques quant à la représentativité de la recherche des pays du Sud, notamment au niveau des priorités de la recherche endogène, des modes de communication scientifiques (support et langue de publication)386 et des inputs (TICs, financements de la R&D et compétences humaines).
Indicateurs d’impact fondés sur l’évaluation par les pairs En plus des limites précitées de couverture bases de données internationales, les chercheurs des pays du Sud sont parfois exclus par leur emplacement géographique et par la subjectivité des évaluateurs ; leurs publications sont jugées d‘emblée de mauvaise qualité.
Gibbs dans son article « Lost science in the third world » donne quelques exemples de biais des bases de données internationales : un article refusé dans une revue prestigieuse et accepté dans une autre du même calibre, des articles acceptés grâce à l‘intégration de chercheurs des pays du Nord, des chercheurs de renommée qui perdent leur valeur après un changement d‘affiliation dans un pays du Sud.
« We are convinced that the reviewers and editors of mainstream scientic journals are more likely to reject a paper from an institution in an underdeveloped country than an article of equivalent quality from an industrial nation387. More important, they say, even when their articles are published in prestigious journals, their Northern colleagues tend to ignore their work or to cite later papers by American or European scientists who have followed in their footsteps ».
Quelles solutions pour les pays du Sud
Il s‘avère ainsi que les biais des bases de données internationales pour l‘évaluation de la science du Sud, rendent difficile la visibilité de la science du Sud388. Contrecarrer ces biais revient à la nécessité pour les pays du Sud de créer leurs propres bases de données permettant de valoriser leur production scientifique et leurs chercheurs, dégager des indicateurs qui correspondent aux spécificités de la recherche locale.
Plusieurs pays ont instauré des systèmes d‘évaluation en se basant à la fois sur les bases de données internationales et en développant les mêmes dispositifs regroupant leurs publications nationales. Cette démarche nécessite l‘engagement des autorités gouvernementales chargées du développement de la recherche scientifique, et celle des compétences scientifiques et techniques pour la création et l‘alimentation des bases de données locales.
Table des matières
Introduction
1.1 Contexte de la thèse
1.2 Problématique, objectifs et questions de recherche
1.2.1 Hypothèses de base
1.2.2 Objectifs et questions de recherche
1.3 Structure de la thèse
Partie I : Contexte de la recherche et de l’accès à l’Information Scientifique et Technique au Maroc
Chapitre 1 : Politique de recherche scientifique à l’ère de l’économie de la connaissance
1.1 Investissement dans la production du savoir pour un développent durable
1.1.1 Economie de la connaissance comme moyen de développement économique des pays du Sud
1.1.2 Indicateurs de l’économie de la connaissance
1.2 Politique scientifique et open access à la science pour intégrer l’économie connaissance
1.2.1 Production scientifique à l’ère de l’économie de la connaissance
1.2.2 Open access à l’Information Scientifique et Technique : une opportunité pour construire l’économie de la connaissance.
1.3 Méthodologies de recherche
1.3.1 Méthode recherche-action
1.3.2 Méthode mixte : outils de recueil de données
1.3.3 Méthodes scientométriques
1.3.3.1 Sociologie de la science
1.3.3.1.1 Genèse de la sociologie des sciences
1.3.3.1.2 Institutionnalisation de la science
1.3.3.1.3 Triple Hélice
1.3.3.2 Origine de la scientométrie
1.3.3.3 Approche scientométrique comme outil d’évaluation de la recherche scientifique
1.3.3.4 Modèles et lois bibliométriques
1.3.3.4.1 Indicateurs univariés
1.3.3.4.1.1 Evaluation des chercheurs
1.3.3.4.1.2 Evaluation des revues
1.3.3.4.2 Indicateurs bidimensionnels ou relationnels
1.3.3.5 Limites des indicateurs scientométriques
1.3.3.5.1 Citation
1.3.3.5.2 Facteur d’impact
1.3.3.6 Bases de données indexées de l’Institute for Scientific Information
1.3.4 De la scientométrie à la cartographie de la science
1.3.4.1 Visualisation de l’information
1.3.4.2 Cartographie de la science
1.3.4.3 Usage de la cartographie de la science pour le pilotage de la recherche scientifique
1.3.4.3.1 Cartographie des collaborations
1.3.4.3.2 Cartographie sémantique
1.3.4.3.2.1 Objectifs de la cartographie sémantique
1.3.4.3.2.2 Typologies de la cartographie sémantique
1.3.4.4 Vers les services Analytics
Chapitre 2 : Contexte de la recherche scientifique et de l’accès à l’information scientifique au Maroc
2.1 Système National de Recherche au Maroc
2.1.1 Cadre historique
2.1.1.1 Recherche scientifique marocaine sous le Protectorat
2.1.1.2 Recherche scientifique au Maroc indépendant
2.1.2 Cadre institutionnel
2.1.2.1 Structures du Système National de Recherche
2.1.2.2 Institutions d’enseignement supérieur au Maroc
2.1.2.3 Pilotage de la recherche scientifique : un réseau institutionnel fragmenté
2.1.3 Investissement gouvernemental dans la recherche et développement
2 .1.4 Initiatives gouvernementales en matière de recherche scientifique
2.1.4.1 Structures de recherche et pôles de compétence
2.1.4.2 Plan d’urgence 2009-2012
2.1.4.3 Plateforme de prestations d’analyse
2.1.4.4 Réseau informatique universitaire MARWAN
2.1.4.5 PROTARS et PARS
2.1.4.6 Institut Marocain de l’Information Scientifique et Technique
2.1.5 Production scientifique marocaine
2.1.5.1 Etudes scientométriques sur la production scientifique marocaine
2.1.5.2 Production scientifique médicale marocaine
2.2 Enseignement et recherche scientifique : cas des facultés de médecine
2.2.1 Formation médicale au Maroc
2.2.1.1 Ressources humaines des facultés de médecine
2.2.1.2 Structuration de la recherche médicale au Maroc
2.2.1.3 Structures de recherche de la Faculté de Médecine et de Pharmacie de Casablanca
2.2.2 Politique nationale de la recherche médicale marocaine
2.2.2.1 Stratégie de développement de la santé
2.2.2.2 Politique de la recherche médicale marocaine
2.3 Accès à l’information scientifique et technique au Maroc
2.3.1 Institut Marocain de l’Information Scientifique et Technique
2.3.2 Bibliothèque Universitaire Mohammed Sekkat
2.3.3 Bibliothèque Nationale du Royaume du Maroc
2.3.4 Edition scientifique et accès à l’information scientifique et technique au Maroc
2.3.4.1 Revues scientifiques marocaines
2.3.4.2 Quel soutien à l’édition scientifique et technique ?
Chapitre 3 : Open Access à l’information scientifique et technique
3.1 Open Science
3.2 Modèle traditionnel de l’édition scientifique
3.3 Open access à l’information scientifique et technique
3.3.1 Appels au libre accès de l’information scientifique et technique
3.3.2 Gold Open Access « Voie dorée »
3.3.2.1 Gold Hybrid « Revues hybrides »
3.3.2.2 Offset agreements
3.3.2.3 Gold APC
3.3.2.4 Open Access Mega Journal
3.3.2.5 Gold No APC « voie platinum »
3.3.2.6 Modes de financement du « Gold Open Access »
3.3.3 Green Open Access « voie verte »
3.3.3.1 Politiques éditoriales
3.3.3.1.1 Sherpa Roméo
3.3.3.1.2 Héloise
3.3.3.1.3 Dulcinéa
3.3.3.2 Politiques des financeurs en faveur de l’open access
3.3.3.3 Politiques institutionnelles
3.3.3.4 Creatives commons
3.3.3.5 Répertoires d’archives ouvertes
3.3.4 Libre accès : une voie pour augmenter la visibilité des travaux de recherche.
3.3.5 Limites de l’open access
3.4 Open access : quels enjeux pour les pays du Sud
3.4.1Quel avenir pour les chercheurs africains ?
3.4.1.1 Barrières à l’adoption de l’open access en Afrique
3.4.1.2 AJOL
3.4.2 Initiatives de l’open access dans les pays du Sud
3.4.2.1 Développement de l’open access dans les pays Latino-Américains
3.4.2.2 Portail Scielo
3.4.2.3 Des portails nationaux pour une science universelle
3.4.3 Développement de l’open access dans les pays du Maghreb
3.4.3.1 Revues en libre accès au niveau maghrébin
3.4.3.2 Archive ouverte maghrébine
3.4.4 Etude sur les comportements et usages de l’open access par les chercheurs
3.4.4.1 Usages de l’open access dans le monde
3.4.4.2 Usages de l’open access dans le monde arabe
3.4.5 Quel modèle « Open access » pour les universités marocaines ?
Conclusion de la Partie I
Partie 2 : Cartographie de la production scientifique de la Faculté de Médecine de Pharmacie
Chapitre 1 : Macro analyse de la production médicale des pays du Maghreb l’Egypte
1.1 Production médicale des pays du Maghreb et de l’Egypte
1.1.1 Méthode de collecte des données
1.1.2 Production scientifique des pays du Maghreb et de l’Egypte selon les disciplines
Chapitre 2 : Micro- analyse de la production scientifique de la Faculté
Médecine et de Pharmacie de Casablanca
2.1 Méthodes de collecte des données
2.1.1 Constitution des corpus de publications
2.1.2 Création de la base de données bibliométrique
2.1.3 Choix de l’outil de cartographie
2.2 Résultats de la cartographie
2.2.1 Evolution de la production médicale de la FMPC
2.2.2 Types de documents publiés par les chercheurs de la FMPC
2.2.3 Langues de publications des chercheurs de la FMPC
2.2.4 Auteurs de la FMPC
2.2.4.1 Communauté des chercheurs de la FMPC
2.2.4.2 Chercheurs les plus productifs de la FMPC
2.2.4.3 Chercheurs les plus productifs de la FMPC selon leur contribution dans un article
2.2.5 Collaborations scientifiques
2.2.5.1 Communauté des chercheurs de la FMPC
2.2.5.2 Collaborations scientifiques des institutions
2.2.5.3 Collaborations scientifiques entre pays
2.2.5.4 Communautés scientifiques internationales
2.2.6 Thématiques de recherche des enseignants-chercheurs de la FMPC
2.2.6.1 Financement de la recherche médicale mondiale
2.2.6.2 Financement de la recherche médicale au Maroc
2.2.6.3 Thématiques de recherche de la FMPC
2.2.7 Principales revues de publication des chercheurs de la FMPC
2.2.7.1 Critères de choix des revues de publication
2.2.7.2 Facteur d’impact des revues de publication
2.2.7.3 Publications dans les revues indexées et nationales
Conclusion de la partie 2
Partie 3 : Open Access et propositions d’indicateurs pour la recherche médicale marocaine
Chapitre 1 Développement de l’open access à la Faculté de Médecine de Casablanca
1.1 Dépôt institutionnel de l’Université Hassan II Casablanca
1.1.1 Genèse de la création du dépôt institutionnel de l’Université
1.1.1.1 Projet ISTeMag : optimisation de l’accès à l’information scientifique et technique
1.1.1.2 Création de l’archive ouverte maghrébine
1.1.1.3 Logiciel Dspace
1.1.1.4 Fonctionnalités du dépôt institutionnel de l’Université Hassan II de Casablanca
1.1.2 Politique institutionnelle de l’Université Hassan II Casablanca
1.1.3 Référencement de l’archive ouverte dans les répertoires internationaux des archives ouvertes
1.1.4 Limites du projet ISTeMag
1.2 Bibliothèque virtuelle de l’Université Hassan II Casablanca
1.2.1 Genèse du projet de la Bibliothèque virtuelle de l’Université
1.2.2 Etapes du projet « Bibliothèque virtuelle de l’Université Hassan II Casablanca »
1.2.2.1 Recensement des revues médicales
1.2.2.2 Sélection des revues
1.2.3 DREAM : Bibliothèque virtuelle nationale
1.3 Degré de connaissance et attitudes des chercheurs de l’Université à l’égard de l’open
1.3.1 Enquête sur le terrain
1.3.2 Méthode de collecte des données
1.3.3 Résultats de l’enquête
1.3.3.1 Répartition des enseignants chercheurs par établissement
1.3.3.2 Production scientifique des enseignants chercheurs
1.3.3.2.1 Motivations pour publier les résultats de recherche
1.3.3.2.2 Usage des ressources électroniques
1.3.3.2.3 Sélection d’une revue pour la publication
1.3.3.3 Attitudes des enseignants chercheurs envers l’Open access
1.3.3.3.1 Publications en ligne
1.3.3.3.2 Consultation et publication dans des revues en open access
1.3.3.3.3 Avantages des revues à accès restreint et des revues en libre accès.
1.3.3.3.4 Consultation et publication dans les dépôts institutionnels
Chapitre 2 : Fondement pour l’édification des indicateurs de mesure, de cartographie et d’accès à la production scientifique marocaine
2.1 Limites des indicateurs scientométriques pour la cartographie et l’accès à la science
2.1.1 Les bases de données bibliographiques comme principales sources scientométriques
2.1.2 Représentativité de la science du Sud par les bases de données internationales
2.2 Altmetrics
2.2.1 Altmetrics : nouvelles mesures pour la recherche scientifique
2.2.2 Enjeux des altmetrics pour l’évaluation de la recherche des pays du Sud
2.2.3 Réseaux sociaux scientifiques
2.2.4 Enquête sur les usages des outils du web 2.0
2.3 Pour une meilleure visibilité de la science marocaine
2.3.1 Contourner la méconnaissance des apports de l’open access
2.3.2 Investir dans les nouvelles technologies de la communication
2.3.3 Promouvoir les publications en langue arabe
2.3.4 Améliorer les conditions de travail et de la recherche médicale
2.3.5 Mettre en place des mécanismes de contrôle des indicateurs scientométriques.
2.4 Des fondements pour l’édification d’indicateurs pour la mesure, la cartographie et l’open access.
2.4.1 Création d’archives ouvertes nationales et d’index de citation
2.4.2 Des revues scientifiques locales de qualité mondiale
2.4.3 Coopération Sud-Sud
Conclusion de la partie 3
Conclusion
Annexes
Bibliographie