Contexte de la politique du logement
En ce qui concerne la politique du logement, la répartition des compétences et des responsabilités est complexe. Premièrement, « vingt ans d’accumulation législative et d’allers- retours entre l’État et les collectivités ont créé un système illisible, complexe et technocratique où les frontières des compétences de chacun sont floues et les responsabilités diluées »19. Deuxièmement, la question de la place de l’Etat est souvent discutée. En effet, si l’Etat s’affirme comme le garant de l’égalité territoriale et de la solidarité nationale, les collectivités locales revendiquent quant à elles, une certaine légitimité démocratique et une meilleure efficacité due à leur proximité et à la connaissance de leur territoire. L’évolution de la conduite des politiques du logement est donc tiraillée entre des forces politiques et économiques qui poussent l’Etat à se réinvestir et à garder un important contrôle sur la mise en œuvre locale des politiques du logement alors que d’autres sont plus favorables au retrait de l’Etat. Au lendemain de la seconde guerre mondiale, seul l’Etat français possédait les moyens financiers nécessaires pour la reconstruction du pays. Et jusqu’à la fin des années 1970, l’Etat est le seul à posséder les compétences et la légitimité pour intervenir, gérer la politique du logement et fixer les priorités d’action. Dès 1982, la « loi Defferre » ou « Acte I » de la décentralisation, redéfinit les rapports entre l’Etat et les collectivités, et en 198320 ces dernières se voient transférer certaines compétences. Mais malgré l’adoption de plusieurs lois et mesures de décentralisation depuis une trentaine d’années la conduite des politiques du logement reste encore aujourd’hui en grande partie sous responsabilité de l’Etat. Ce maintien se justifie à l’époque par le rôle clef que joue le secteur du bâtiment dans l’économie nationale et par le fait que la politique de construction massive de logement social et l’équilibre de son système de financement ne peuvent être gérés qu’au niveau national. On assiste néanmoins ces dernières années à un mouvement de territorialisation des politiques de l’habitat, offrant de plus en plus de responsabilités aux collectivités locales (ce constat est repris plus en détail dans le I.B.2)
Malgré cette politique de transfert, l’État cherche encore aujourd’hui, au nom de l’équité territoriale, à rester très présent dans les politiques du logement, notamment en termes de programmation et d’évaluation. Ainsi l’Etat conserve un puissant rôle d’encadrement, en élaborant l’ensemble des objectifs relatifs à la politique du logement et en fixant les moyens qui lui sont alloués. En effet, la production de logements sociaux reste notamment soumise aux objectifs du Plan de Cohésion Sociale. Par exemple, avec le plan de cohésion sociale de Jean Louis Borloo, sur la période 2005-2009, l’Etat visait la construction de 100 000 logements sociaux par an21. Dernièrement, l’Etat a augmenté son engagement en passant ce chiffre à 150 000, d’après les Enfin, l’Etat continue à fixer le montant des enveloppes d’aides financières accordées au logement et à décider de leur répartition territoriale. Si la loi relative aux libertés et responsabilités locales a offert aux EPCI et aux départements, la possibilité de gérer les aides à la pierre en direction du parc du logement locatif public et du parc privé, l’Etat conserve donc un rôle majeur en continuant de fixer les objectifs et les modalités précis de gestion. Il garde également la pleine maîtrise des dispositifs d’aides à la personne et des dépenses fiscales en faveur de l’investissement locatif dont l’importance est bien plus significative que celle des aides à la pierre comme le montre le tableau suivant : Aussi, à travers ses agences nationales, l’Etat accorde des fonds publics uniquement aux collectivités locales qui élaborent et conduisent des projets qui concordent avec ses objectifs. Par exemple, l’Agence Nationale pour la Rénovation Urbaine (ANRU)25 s’appuie sur des appels à projet ou concours pour l’attribution des subventions. D’abord expérimental, ce processus s’est généralisé et ces appels à projets se multiplient. Cette évolution des modes d’allocations des crédits étatiques n’est pourtant pas sans conséquence. Ces concours conduisent à une mise en concurrence des territoires où les projets qui ne répondent pas aux orientations de l’Etat ont très peu de chance d’obtenir des financements. De plus, la capacité des intercommunalités à participer et à se saisir de ces opportunités est très variable. L’obtention de ces subventions conditionne pourtant souvent le bouclage de certaines opérations pour les collectivités.