Construire un cadre méthodologique et choisir les terrains de la recherche

Construire un cadre méthodologique et choisir les terrains de la recherche

Nous aborderons, maintenant, dans cette courte section, le cadre méthodologique de notre étude empirique. Nous en préciserons les modalités pratiques au début des chapitres de la seconde partie de cette thèse, lorsque nous aborderons les différents cas étudiés et la manière dont nous avons recueilli et traité l’information pour les construire. Nous avons mené notre investigation à partir de la méthode du cas de recherche (que nous avons complété par des éclairages comparatifs). Nous souhaitons en même temps que nous présenterons cette démarche, justifier son intérêt pour répondre à notre question de recherche. (II.1.1). Il existe quatre types de cas (Giordano, 2003) : le cas journalistique que l’on trouve dans les revues dédiées au monde des affaires (peu détaillé, il sert généralement à illustrer les propos de l’auteur) ; le cas pédagogique, présenté aux étudiants en sciences de gestion résumant des situations vécues ; le cas clinique, utilisé pour poser un diagnostic, résoudre un problème dans le cadre de démarches d’experts, de consultants, etc. ; et le cas de recherche, qui permet une analyse en profondeur, décrivant dans le détail une situation organisationnelle. Contrairement aux autres cas, il est très documenté, fournit systématiquement les sources de données et introduit dans son développement les verbatim des entretiens ainsi que les observations réalisées. Yin (2004) le présente comme une enquête empirique étudiant un phénomène contemporain dans son contexte.

La méthode du cas de recherche est particulièrement conseillée pour deux usages : explorer et réfuter. Yin (1994) précise que cette méthode est idéale pour répondre à des questions Nous montrerons que nous avons pris en compte ces critères, en nous intéressant à une entreprise de réseaux récemment privatisée, ce qui est une situation partagée par les entreprises de ce type, mais aussi en en étudiant la RSE dans une entreprise structurée par une histoire et une situation spécifiques. Hlady-Rispal (2000) indique que pour générer de la théorie à partir du vécu des acteurs ou lorsqu’il s’agit de compléter des théories existantes dans un champ de recherche, il convient d’adopter un mode de raisonnement de type abductif. L’abduction est « le mode de raisonnement spécifique qui, fondé sur le principe d’une hypothèse centrale explicite, permet d’élargir la connaissance scientifique en tirant parti [des] faits surprenants » (Le Goff, 2002, p. 202). Autrement dit, ce mode de raisonnement permet de reconstituer le cheminement qui conduit d’un événement unique à une proposition vraisemblable en attente d’être testée. Ainsi, alors que nous avions commencé notre recherche avec une hypothèse générale concernant le déploiement d’une démarche RSE impulsée centralement, nous avons rapidement observé l’existence d’initiatives locales, qui dans un premier temps ne se revendiquaient pas de la démarche officielle de l’entreprise. Ce fait, surprenant, nous a amenée à « relire » dans tous les sens du terme, la littérature et nos premières interprétations. L’analyse du contexte est alors essentielle pour expliquer comment les variations dans le temps, combinées à des événements, contribuent à forger des actions organisées et à les faire évoluer (Brouwers et alii, 1997, p. 28).

L’intérêt d’un tel examen du contexte, à la fois sur le Pour Legoff (2002, p. 208), le raisonnement abductif, dans sa mise en œuvre, s’associe à l’usage du principe d’économie prôné par Pierce (1931-1958). Ce raisonnement invite à adopter une démarche raisonnée pour séparer l’essentiel de l’accessoire, éviter que l’esprit, par automatisme, « décide ce qu’il faut voir et ne pas voir, refuse de saisir certaines choses et se concentre sur d’autres » (ibid.). L’objectif est donc de rechercher des indices pour étayer l’hypothèse centrale de recherche, ce qui pour Legoff (ibid.) nécessite de reconnaître la part subjective des productions scientifiques : « l’indice est moins un signe déjà présent qu’un signe qui se constitue après coup dans le mouvement herméneutique de l’interprétation (…). En cela, l’indice préexiste moins à l’interprétation qu’il n’en est le produit ». Premièrement, nous avons souligné précédemment qu’encore peu de recherches explorant le lien RSE-Service Public dans les grands services publics de réseaux français, ont été menées. Ces recherches se centrent sur les causes de l’intégration de la RSE dans ces entreprises et laissent en suspens la question des conditions de mise en œuvre de leur démarche RSE. Le premier point fait débat ; il mérite donc, d’être éclairé et le second doit être exploré. Deuxièmement, les cadres conceptuels retenus pour la recherche nécessitent de conduire une démarche de type diachronique, processuelle et contextuelle. Nous concevons, en effet, les démarches RSE comme des dispositifs. L’analyse de tels ensembles implique une approche multidimensionnelle, qui tienne compte des caractéristiques de l’espace d’action, du vécu des acteurs, de leurs relations de pouvoirs et de savoirs, de leurs agissements,… (cf. II.2). Troisièmement, notre travail s’inscrit dans un programme de recherche plus général portant sur « Le potentiel régulatoire de la RSE ». Dans ce programme, nous sommes membre d’un groupe de travail dont l’objectif est de déboucher sur une typologie de démarches RSE d’entreprises multinationales, élaborée à partir de la comparaison de plusieurs monographies. Lancé en novembre 2006, et dirigé par notre directrice de thèse, le programme s’achèvera en mai 2011. Il regroupe trois équipes de recherche composées d’enseignants chercheurs spécialistes de la gestion, du droit, de la sociologie et des sciences du langage ; ainsi que quatre partenaires européens et nord-américains.

 

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