Constructions à séries verbales

 Constructions à séries verbales

Le terme de construction sérielle ou construction à série verbale est largement utilisé dans la description des langues, mais aucune définition n’a encore fait l’unanimité. Cependant, certains linguistes comme Aikhenvald (2006 : 1) le définissent comme suit : “A serial verb construction (SVC) is a sequence of verbs which act together as a single predicate, without any overt marker of coordination, subordination, or syntactic dependency of any other sort.” En minyanka, le nombre de verbes, dans une construction sérielle, varie généralement entre 2 et 3 ; ils seront désignés par V1, V2 ou V3 selon l’ordre qu’ils occupent dans la phrase. En se fondant sur la définition donnée par Aikhenvald (2006), nous étudierons d’abord les différentes constructions sérielles du minyanka ; ensuite nous montrerons que certains verbes perdent leur sens lexical et se comportent comme des mots grammaticaux dans certaines constructions sérielles. 9.1. Caractéristiques des constructions sérielles Les auteurs ayant travaillé sur la sérialisation verbale (cf. Aikhenvald & Dixon (2006)) établissent généralement un certain nombre de critères qui distinguent les constructions sérielles des autres constructions multiverbales non sérielles. Les critères suivants sont repris de Lambère-Brétière (2010) qui s’appuie sur Aikhenvald (2006) : a) Les verbes de la série doivent pouvoir être utilisés seuls dans une phrase simple. En guise d’exemple, les verbes jé ‘entrer’ et fòrò ‘sortir’ dans l’énoncé (9-1a) qui est une construction sérielle, sont utilisés chacun dans une phrase simple en (9-1b-c).

  1. b) Il n’y a qu’un seul sujet syntaxique. Le sujet sémantique du deuxième verbe est soit le sujet, soit l’objet du premier verbe. En (9-1a) ci-dessus, wú ‘3SG.CLw’ est sujet syntaxique de V1 et V2. Mais en (9-2), l’objet de V1 est le sujet sémantique de V2 et V3. (9-2) Dùbáʒè wà nàmbu ̀ círí ʃɛ̀ Doubazié PRF.AFF étranger.CLw accueillir aller pí-kɛ̰́ yìrì-kì wà. maison-INDF.CLk lever-CAUS là-bas ‘Doubazié a accueilli un étranger, lequel y est allé construire une maison.’ c) Les verbes doivent partager au moins un argument d) Les verbes apparaissent dans la même proposition e) Les propriétés intonatives d’une construction sérielle sont celles d’un énoncé simple, et aucune pause ne doit être observée entre les composants de la construction. f) Les verbes doivent partager le même marqueur de temps-aspect-mode, ou de polarité. Par exemple, en (9-1a) ci-dessus, V1 et V2 sont tous les deux au futur. Mais il faut noter que ce critère n’est pas obligatoire en minyanka, car il est possible d’avoir deux marqueurs prédicatifs différents dans certaines constructions sérielles, comme nous le verrons dans les sections qui suivent. A ces critères susmentionnés, on peut ajouter celui de la négation pour ce qui concerne le minyanka ; c’est-à-dire que les verbes de la série ne peuvent pas être mis séparément sous la portée de la négation. Ce dernier critère ne fait pas l’unanimité car dans beaucoup de langues dites sérialisantes, les verbes peuvent être mis séparément sous négation. 

Composition et sémantisme des constructions sérielles 

Dans la littérature sur la sérialisation verbale, on distingue généralement deux types de constructions sérielles du point de vue de leur composition : les constructions sérielles asymétriques et les constructions sérielles symétriques. 

Constructions sérielles asymétriques 

Aikhenvald (2006 : 21) définit les constructions sérielles asymétriques comme suit : “Asymmetrical SVCs denote a single event described by the verb from a non-restricted class. The verb from a closed class provides a modificational specification: it is often a motion or posture verb expressing direction, or imparting a tense-aspect meaning to the whole construction.” 273 Lambert-Brétière (2010: 79) affirme à peu près la même chose qu’Aikhenvald (2006) en ces termes : “Dans une série verbale asymétrique, un des verbes est sélectionné à l’intérieur d’une classe sémantique fermée et remplit une fonction grammaticale précise. Il en découle que les verbes de la série présentent une hiérarchie au niveau sémantique.” Le verbe appartenant à une classe ouverte et celui appartenant à une classe fermée sont parfois appelés respectivement verbe majeur et verbe mineur, cf. Durie (1997). Ces deux termes seront utilisés ici. Les constructions sérielles asymétriques du minyanka se subdivisent en constructions sérielles de direction, de manière, de cause, de comparaison et d’aspect. Les constructions sérielles comparatives et les aspectuelles relèvent de la grammaticalisation et seront étudiées en §9.3.

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Constructions sérielles directionnelles

 En parlant des constructions sérielles directionnelles, Lambert-Brétière (2010 : 203) définit la direction comme suit : “La directionalité englobe d’autres notions connexes de la sémantique spatiale telles que la notion de trajectoire, c’est-à-dire la portion du parcours (réel ou virtuel) empruntée par l’entité en mouvement (initiale, médiane, finale), la notion de deixis, c’est-à-dire l’éloignement ou le rapprochement de l’entité par rapport au locuteur, ou encore celle de la direction proprement dite qui spécifie l’orientation du mouvement par rapport à différents axes dans l’espace (ex. haut, bas).” Les constructions sérielles directionnelles du minyanka peuvent être encodées par deux verbes intransitifs (9-3), soit par un verbe transitif suivi d’un verbe de déplacement (9-4). En (9-3), la série verbale exprime un mouvement qui s’éloigne du locuteur alors qu’en (9-4), le mouvement est orienté vers le locuteur. (9-3) Yè yìrì láʕá wò nda ̰̌a ! 2PL se.lever quitter 1PL près.de ‘Allez-vous-en d’ici !’ (litt) ‘Levez-vous et quittez-nous !’ (9-4) Tɛ̰́ -cɛ ̰́ -ʕɛ ̰́ɲì k-à lɔ̀ pá ! endroit-s’asseoir-DEF.CLk CLk-INDF prendre venir ‘Apporte un siège !’ 

Constructions sérielles de manière

 Les constructions sérielles de manière sont des constructions où l’un des verbes de la série exprime la manière dont le procès s’est déroulé. En minyanka, ce type de construction peut être 274 encodé soit en combinant deux verbes intransitifs où V1 exprime la manière (9-5)-(9-6)-(9-7), soit en utilisant un verbe exprimant une qualité en position de V2 (9-8). (9-5) Py-ɔ̀ yà fɛ̀ ɛ pà. enfant-DEF.CLw PFV.AFF courir venir ‘L’enfant est venu en courant.’ (9-6) Ísá yá ɲɛ̀ nì kàrí kɛ̰́ rɛ̰́ -ʕɛ̰́yì nì. Issa PFV.AFF pleurer partir champ-DEF.CLk dans ‘Issa est parti au champ en pleurant.’ (9-7) Wú yá fyàlà gèlè na ̰́ʕa ̰́ ɲu ̀zɔ̀ lɔ̰́ -ʕɔ̰́yí ! ná. 3SG.CLw PFV.AFF se.dépêcher passer ici matin-DEF.CLk sur ‘Il est passé précipitamment ici ce matin.’ (9-8) Pí wá bɔ̀ɔrɔ̂ pè ɲɔ ̀ . 3PL.CLp PRF.AFF travail.DEF.CLw faire être.beau ‘Ils ont bien fait le travail.’ 

Constructions sérielles causatives 

Les constructions sérielles causatives sont des constructions où la causativité est exprimée par un verbe causatif. En minyanka, elles sont exprimées par le verbe pè ‘faire’ utilisé en position de V1. Celui-ci peut être suivi d’un verbe intransitif (9-9) ou d’un verbe transitif (9- 10). Dans ces constructions, l’objet direct de V1 est le sujet sémantique de V2. (9-9) Má yá nà pè ʃɛ̀ ca ̰́-ʕa ̰́ɲí ní ɲjà. 2SG PFV.AFF 1SG faire aller marché-DEF.CLk dans inutilement ‘Tu m’as fait partir au marché pour rien.’ (9-10) Wò yà wù pè ʃù-rî dìi. 1PL PFV.AFF 3SG.CLw faire tô-DEF.CLt manger

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