Construction identitaire et intercommunalité
La question de la production des identités est un enjeu symbolique et politique. Produire de l’identité induit la fabrique d’un mythe mobilisateur auquel les populations peuvent s’identifier ou bien rejeter. Dans le domaine des politiques locales, nationales ou internationales, nombreux sont les exemples qui révèlent les modalités, et les enjeux de constructions des identités spatiales par les opérateurs politiques. Pour les villes nouvelles, comme pour l’ensemble des intercommunalités à fiscalité propre, la question identitaire est bien liée à la conduite d’une politique commune, c’est-à-dire une politique qui tente de fabriquer de la continuité, de la cohérence et de l’unité dans un ensemble composite et un contexte incertain. Cette politique s’appuie sur un travail de construction symbolique qui a pour rôle de mettre en évidence les référents partagés afin de révéler une communauté de territoire. D’autant qu’historiquement, quelles que soient les formes prises par les découpages intercommunaux, cette politique institutionnelle a pour objectif de tenter la réconciliation entre des territoires politico-administratifs avec les territoires vécus (Girard, 2001 : 217) C’est pourquoi, dans la continuité de plusieurs chercheurs en communication, nous postulons que la construction identitaire est l’un des enjeux symbolique et politique de l’intercommunalité (Fourdin, Poinclou, 2000 ; Pagès, Pélissier, 2000, 2001 ; Gellereau, 2003), car on ne peut comprendre cette forme de coopération qu’en prenant en considération l’ensemble des représentations individuelles et collectives qui s’y inscrivent et s’y déploient (Lussault, 2001). Dans cette perspective de construction d’une identité territoriale, l’enjeu est donc de renouveler les représentations de ces territoires et de les publiciser afin de les rendre visibles, lisibles et familiers aux citoyens, ce qui est une des conditions de la légitimation de ceux qui les produisent et les font circuler. L’intérêt étant de réinventer des formes de médiatisation et de légitimation d’un système de la représentation politique qui en est déficitaire, car ses instances supracommunales sont désignées au second degré par les élus municipaux. Michèle Gellereau qui a travaillé sur cette question des identités culturelles dans les espaces en recomposition fait remarquer que « parmi les développements récents de la décentralisation, la création des intercommunalités invite à trouver des noms, repères symboliques pour de nouvelles compositions fondées sur l’espace mais vouées à s’inventer un “monde commun” (Arendt) autre que l’identité communale » (Gellereau, 2003 : 3).
Le cas des villes nouvelles et, en particulier, celui du SAN Ouest Provence est tout à fait exemplaire, car, malgré leur ancienneté par rapport aux communautés d’agglomération, on les identifie encore à l’heure actuelle comme des lieux sans mémoire et sans identité (Vadelorge, 2003 : 5). Et pourtant, lorsque l’on se penche avec attention sur l’ancienne ville nouvelle des rives de l’étang de Berre, on ne peut pas dire que rien n’y est fait pour réactualiser les représentations territoriales et signifier aux habitants, et aux usagers que le territoire intercommunal, aujourd’hui entré dans le droit commun, est le nouveau « lieu du politique » (Abélès, 1989). Dans nos sociétés de la modernité, les territoires hérités se défont au profit de formes nouvelles d’ancrage territorial. Ce sont ces territoires complexes que sont les intercommunalités qui nous intéressent du point de vue de l’approche communicationnelle parce qu’ayant été décrétés, ils sont traversés par des enjeux d’identité. Autrement dit, il s’agit d’interroger les pratiques de communication du politique qui disent vouloir former une communauté de territoires qui a comme spécificité de ne pas être un simple organe institutionnel, mais aussi et surtout un espace avec une identité propre, et pour lequel les habitants manifestent un sentiment d’appartenance. Comment, face à l’enjeu de retour dans le droit commun, les anciennes villes nouvelles, et le SAN Ouest Provence en particulier, ont appréhendé ce contexte renouvelé et complexifié ? Dans quelle mesure la communication territoriale peut-elle participer de l’opération de construction d’une identité renouvelée pour les intercommunalités ?