Construction du questionnaire et validation des outils de mesure
La mesure de l’implication
Lors des chapitres précédents, nous avons été conduits à proposer une vision globale de l’implication, définie comme une attitude multi-composantes (composantes affectives, calculée et normative) et multi-objets (le travail, la profession et l’organisation). Nous avons pu voir précédemment qu’il existe aujourd’hui un certain nombre de travaux sur l’implication qui se réfèrent à cette vision globale : on peut notamment citer en exemple les articles de Clugson & Dorfman [2000] et Vandenbergh & al. [2001], qui présentent un modèle d’implication comportant trois composantes (affective, calculée et normative) et trois objets (l’organisation, le superviseur et le groupe de travail) ou les travaux de Stinglhamber & al. [2002] qui proposent un modèle d’implication en trois composantes (affective, calculée et normative) et cinq objets (organisation, superviseur, groupe de travail, profession, clients). Nous allons dans les points suivant détailler les outils de mesure utilisables pour opérationnaliser cette vision de l’implication.
La mesure de l’implication organisationnelle
Les outils de mesure disponibles
L’implication dans l’organisation a longtemps été mesurée principalement sous l’angle affectif, à l’aide de l’échelle proposée par Porter & al. [OCQ – 1974]. Cette échelle a été largement éprouvée, et a montré son efficacité. Un tel outil n’est cependant pas adapté pour notre approche multidimensionnelle, qui envisage en plus de la dimension affective de l’implication une dimension de calcul et de devoir moral. Il existe plusieurs outils de mesure de l’implication organisationnelle fondée sur une vision multiple intégrant ces trois composantes. Ils diffèrent principalement au niveau de la définition des composantes de l’implication retenues, et sont directement issus des conceptualisations présentées dans le premier chapitre. Les deux outils les souvent utilisés dans les travaux empiriques sont ceux créés par J.P. Meyer & N. Allen (échelle de mesure tri-dimensionnelle de l’implication organisationnelle – 1991) et, dans une moindre mesure par O’Reilly et Chatman (implication organisationnelle en trois composantes : internalisation, soumission et implication instrumentale – 1986). Nous avons vu lors du premier chapitre que l’importance dans les études empiriques de l’échelle proposée par Meyer & Allen repose en partie sur une meilleure capacité à discriminer les 262 trois composantes117. Notre vision de l’implication, directement inspirée du modèle proposé par Meyer & Herscovich [2001] intègre une dimension de devoir moral (normative), ce qui nous conduit naturellement à envisager l’usage de cette échelle tridimensionnelle pour notre étude empirique. Cet outil de mesure a été utilisé sous deux formes : une échelle originelle comportant 24 énoncés (8 items par dimension) et un format réduit à 18 énoncés (6 items par dimension). La version courte [Meyer & Allen – 1993], est aujourd’hui la plus utilisée. Elle est présentée en annexe 4. Cette échelle réduite a été utilisée dans plusieurs travaux en France [ex : Fabre – 1997 ; Briole & Craipeau – 1999 ; Durrieu & Roussel- 2002 ; Belghiti & Briole – 2004 ; Manville – 2005 ; Prat dit Hauret – 2006]. En ce qui concerne plus précisément les salariés en situation d’emploi atypique, Charles-Pauvert [1997] et Manville [2005] ont utilisé partiellement cette échelle, en ne retenant que les dimensions calculée et affective de l’implication organisationnelle.
L’adaptation de l’échelle de mesure de l’implication organisationnelle d’Allen & Meyer à la situation des intérimaires
L’approche duale de l’implication organisationnelle des intérimaires (à la fois envers l’agence et les entreprises clientes) n’est pas clairement confirmée dans nos entretiens. Les intérimaires estiment que leurs missions sont avant tout réalisées pour leur propre compte ou celui de l’agence. Les relations affectives semblent se développer plutôt envers l’agence. Une implication affective envers les client peut cependant exister : certains intérimaires manifestent le désir de travailler pour une entreprise cliente, mais sous forme de CDI. Les intérimaires « professionnels » ne montrent pas d’attachement particulier envers les clients….bien au contraire. Nous pouvons donc estimer que l’implication affective envers les clients est peu compatible avec la volonté de rester dans l’agence. Nous ne mesurerons donc pas l’implication affective chez le client de manière séparée, comme cela est fait dans plusieurs études américaines [ex : Liden & al. 2003 ; Connelly & al. – 2006]. Ces travaux mettant en évidence une implication duale des intérimaires reflètent selon nous les caractéristiques spécifiques du marché du travail américain. L’intérim aux Etats-Unis est peu réglementé ; le recours aux ETT est libre et la durée des missions n’est pas limitée : un intérimaire peut donc travailler très longtemps chez un même client, et développer un attachement et une implication forte envers ce client, tout en restant salarié d’une ETT (ce qui est légalement impossible en France).