Construction du protocole de recherche à partir d’une méthodologie mixte
Johnson et al (2007, p123) définissent la méthode mixte comme « un modèle de recherche qui implique de combiner les éléments d’une approche quantitative et d’une approche qualitative à des fins de compréhension et de corroboration ». Si l’emploi conjoint de méthodologies quantitatives et qualitatives au sein d’un même protocole de recherche a pu être l’objet de nombreux débats, notamment autour de questions épistémologiques (Guével et Pommier, 2012), la mise en place d’une double méthodologie nous a semblé pertinente pour la réalisation de ce travail de thèse. Notre recherche s’inscrit dans le cadre d’un Projet Hospitalier de Recherche Clinique répondant à une demande explicite : déterminer l’impact des facteurs psychologiques dans la rechute de la maladie de Crohn. S’il nous faut répondre à cette demande hospitalière, nous avons néanmoins choisi de nous distancier dans un second temps de celle-ci pour étudier à un niveau plus large le vécu psychologique de la maladie de Crohn, chez les patients. Dès lors, pour répondre à ces deux objectifs, l’enjeu est marqué par la compréhension d’un phénomène complexe à travers l’étude de facteurs psychologiques s’inscrivant aussi bien dans les modèles issus de la psychologie de la santé que dans une dimension où la subjectivité de l’individu est première. La psychologie de la santé a tâché de mettre en avant la responsabilité des individus dans leur propre pathologie, notamment à travers l’étude de leurs comportements et de leurs émotions. Le modèle intégratif de Bruchon Schweitzer nous offre un cadre théorique pour penser l’étendue des facteurs psychologiques individuels et environnementaux en lien avec le vécu de la rechute et de la maladie. Nous avons donc introduit à notre recherche une dimension quantitative, destinée à évaluer l’ensemble des facteurs de stress, de coping, de détresse psychologique, de qualité de vie et de soutien social, par le biais d’auto-questionnaires. Notre prise de distance quant à l’utilisation du recueil et de l’analyse des données, devient le garant de l’objectivité de nos résultats ainsi que de leur généralisation à une population de sujets atteints de la maladie de Crohn. Toutefois, dans une perspective davantage constructiviste, nous ne pouvions envisager l’ensemble des facteurs psychologiques en lien avec la maladie, sans accorder une place singulière à la réalité subjective du sujet.
Ainsi, nous avons parallèlement aux auto- questionnaires, souhaité introduire une dimension qualitative à la recherche à l’aide d’entretiens cliniques semi directifs, de test projectif et d’étude de cas. Ceux-ci accordent une place importante au vécu subjectif de la maladie des patients et nous offrent des clés de compréhension pour mieux appréhender les manifestations psychiques qui en découlent. La mise en récit par le patient de l’histoire de sa maladie, de ses représentations et de son vécu, nous permettra d’avoir accès à la dynamique consciente et inconsciente à partir de laquelle il fait face à sa maladie. Par conséquent, nous nous inscrivons ici dans deux logiques différentes où la démarche hypothético déductive se confronte à une démarche inductive. Il s’agit alors de réussir à concilier ses deux approches en les rendant non pas incompatibles mais complémentaires. Boisisio et Santiago-Delefosse (2014) soulignent l’intérêt d’utiliser ce type de méthodologie en psychologie de la santé puisqu’elles offrent la possibilité d’atteindre des possibilités de généralisation des résultats à partir d’une méthodologie quantitative tout en mettant en évidence certains phénomènes issus de l’analyse qualitative. Ainsi, les facteurs psychologiques liés au vécu de la maladie et au vécu de la rechute seront étudiés de manière globale, sous un angle confirmatoire mais également exploratoire. L’utilisation d’une double méthodologie se montre pertinente non seulement par rapport à l’objet de l’étude mais également par rapport aux sujets qui y participent. En effet, les participants de cette recherche occupent une position paradoxale, pouvant s’avérer éprouvante pour certains, tant sur le plan psychique et qu’affectif.