Construction de la représentation de l’espace et de la perspective chez l’élève
A partir de leur plus jeune âge, les enfants jouent et manipulent des solides comme les cubes et les pavés. Que ce soit avec les premiers solides en bois utilisés par les bébés ou plus tard avec des « briques » de toutes formes dans des jeux de constructions comme les Lego (figure 1.1, a. b.), les enfants observent, manipulent et utilisent des solides. Ils les rencontrent dans leur vie de tous les jours (figure 1.1.c.). On pourrait donc s’attendre à ce que les élèves soient totalement familiarisés avec ces solides, qu’ils en connaissent les caractéristiques principales et ce d’autant plus que ces mêmes solides sont aussi étudiés à l’école primaire et au collège. Cependant, lors des évaluations nationales de CM2 de 2011, 40 % des élèves n’ont pas été en mesure de décrire correctement un pavé (nombre de faces et d’arêtes) à partir de sa représentation en perspective cavalière (figure 1.2). De même, près de 50 % des élèves n’ont pas réussi à accomplir cette tâche pour un prisme (Source éducation nationale). géométrie dans l’espace. Parmi ces pistes, on retrouve entre autres, la manipulation de solides du monde réel, mais aussi l’utilisation de logiciels de géométrie dynamique ou encore plus récemment les tablettes tactiles équipées d’interfaces multi-touch et de capteurs en tout genre. De plus en plus d’académies en partenariat avec les instances politiques (région, département,…) mettent en place des expérimentations au sein des établissements dans le but d’évaluer les éventuels apports pédagogiques de ces nouveaux outils. Avec ces nouveaux périphériques de nouvelles interactions sont devenues possibles et de fait de nouvelles possibilités de visualisation et de manipulation sont apparues. Mais pour que ces pistes puissent espérer apporter des améliorations dans l’enseignement de cette notion si complexe, il est nécessaire de comprendre les raisons de ces difficultés afin d’y trouver les leviers facilitateurs de l’apprentissage.
Les Interactions Homme Machine (IHM) sont centrées sur l’Humain et il serait illusoire de penser que l’on puisse élaborer des interactions qui aideraient les élèves dans les tâches d’apprentissage sans connaître à l’avance les freins et l’origine de ceux-ci. « La géométrie dans l’espace constitue l’un des sujets particulièrement délicat de l’enseignement des mathématiques, tant la difficulté à “voir dans l’espace” pose problème : aux élèves, qui ne peuvent plus utiliser le dessin pour appuyer leur raisonnement, et pour les enseignants qui perdent la fonction illustrative du dessin. Quel que soit le point de vue, c’est une question de visualisation qui se pose. » didactique et pédagogique, afin de pouvoir par la suite proposer des interactions pertinentes par rapport à notre public qui correspond aux élèves de 9 à 15 ans. Les éléments de didactiques qui suivent nous serviront à justifier entre autres cette fourchette d’âges. Aussi, dans un premier temps, nous allons nous intéresser à la représentation de l’espace chez l’enfant d’après Piaget. Puis, nous étudierons les représentations des objets géométriques et en particulier le statut du dessin. A partir de ces apports, nous développerons la problématique du passage de l’objet En effet, dès sa naissance l’enfant se construit un espace sensori-moteur qui évolue en liaison avec le développement de sa perception et de sa motricité. Piaget situe cette période entre la naissance et deux ans.
Par la suite au moment du développement du langage, de l’image et de la pensée intuitive, l’enfant rentre progressivement dans l’espace représentatif sur une période située de 2 à 7 ans. A la suite de l’incapacité synthétique, l’enfant rentre dans une nouvelle période appelée « réalisme intellectuel ». A ce stade, l’enfant ne dessine pas ce qu’il voit de l’objet mais « tout ce qui « y est » » (Luquet, 1927). Le réalisme intellectuel est un mode de représentation de l’espace qui est marqué par l’acquisition des rapports topologiques vus dans le stade précédent. On peut par exemple noter l’importance prise par les rapports d’entourage qui sont souvent utilisés pour marquer la transparence comme par exemple dans le dessin d’un canard dans son œuf (figure 1.4.a). D’après Piaget, la découverte de la représentation de la droite est la manifestation la plus simple de la recherche d’une organisation d’ensemble visant à relier les objets suivant des points de vue projectifs ou des coordonnées. En effet, la représentation d’une droite nécessite l’introduction soit d’un point de vue dans lequel des points de la droite se cachent les uns les autres (donc une certaine perspective), soit l’introduction de mesures et de déplacements rectilignes. Aussi même si la reconnaissance perceptive de la droite peut être précoce, sa représentation ne vient que beaucoup plus tard. On notera aussi qu’une droite reste une droite lorsque l’on change de point de vue (de système de perspective), ce qui n’est pas le cas d’autres formes géométriques comme le cercle. L’expérience de la construction de la droite représentative par la méthode de la visée de Piaget a mis en évidence ce décalage entre la reconnaissance perceptive de la droite et sa représentation, décalage lié au passage de l’espace perceptif à l’espace représentatif.