Consommation de psychotropes et adolescence
Considérant les particularités liées à la période adolescente, telles que décrit précédemment, le Comité permanent de la lutte à la toxicomanie (2003) indique que le risque de développer une dépendance serait moins élevé lorsque les individus débutent une consommation de substances psychotropes plus tardivement. Cela indique que plus l’initiation aux substances psychotropes est tardive, plus faibles sont les risques de développer une dépendance. Cette synthèse d’études effectuées par le Comité permanent de la lute à la toxicomanie propose que les jeunes entre 15 et 24 ans représentent le segment de la population générale avec le plus grand pourcentage de risque de développer une dépendance à l’alcool en comparaison à la population adulte (25 à 44 ans).
Un statut socioéconomique plus faible et de moins bons résultats scolaires augmenteraient les risques de consommation de substances psychotropes au secondaire (Diego, Field & Sanders, 2003; Luthar & D’Avanzo, 1999; Van Ruzin, Fosco & Dishion, 2012). D’autre part, Dorard, Bungener et Berthoz (2013) soulèvent l’hypothèse que les adolescents ayant un soutien social (parents et pairs) perçu comme « approprié » seraient moins portés à utiliser des stratégies d’adaptation inadéquates telle la consommation de substances psychotropes. L’étude d’Aseltine, Gore & Colten (1998) va en ce sens et ajoute que la fin d’une amitié significative ainsi qu’une pression ressentie de la part des pairs à commettre des actes illégaux augmenteraient le risque de consommation de substances psychotropes chez l’adolescent.
Une étude de Gaudreault, Gagnon et Arbour (2009) menée dans les régions des Laurentides, du Saguenay–Lac-Saint-Jean et de la Capitale nationale (Québec) indique qu’environ 25% des jeunes du secondaire consomment de l’alcool au moins une fois par semaine pour chacune des trois régions. Ce pourcentage est plutôt élevé comparativement à d’autres régions, dont entre autres Montréal. De plus, selon l’étude de Dubé et al., (2009), 14% des jeunes âgés entre 12 ans et 17 ans dans l’ensemble du Québec consomment régulièrement de l’alcool, soit la fin de semaine ou plusieurs fois dans la semaine, mais pas à tous les jours. Toujours selon l’étude de Gaudreault, Gagnon et Arbour (2009), environ 13% des adolescents du Saguenay–Lac-Saint-Jean consomment du cannabis au moins une fois par mois et environ 2% consomment des amphétamines et des hallucinogènes. Le rapport du CIUSSS du Saguenay–Lac-SaintJean pour l’année scolaire 2010-2011 va dans le même sens. Les données indiquent que les jeunes du Saguenay–Lac-Saint-Jean ont consommé davantage d’alcool (71% vs 60%) et de drogues (31% vs 26%) au cours des 12 derniers mois en comparaison aux adolescents du reste du Québec (Arth, Clouston, Lapierre & Tremblay, 2016; Tremblay, 2015).
Influence du sexe et de l’âge sur la consommation de substances psychotropes
L’influence du sexe. Les études n’ont pas établi de consensus concernant l’influence du sexe de l’adolescent sur la consommation de substances psychotropes. La dominance des études observe une différence entre les genres indiquant que les garçons consommeraient davantage que les filles à l’adolescence (Cazale, 2014; Laprise, Gagnon, Leclerc & Cazale, 2012; Pica, 2014). Par ailleurs, l’étude de Rosay, Gottfredson, Armstrong, & Harmon (2000) indique qu’une différence entre les sexes sur la consommation de substances psychotropes sera présente, mais qu’elle ne serait pas suffisamment importante pour être significative. L’étude de Bolland, Bolland, Tomek, Devereaux, Mrug & Wimberly (2016) indique que la consommation précoce d’alcool entrainerait une plus grande consommation d’alcool comparativement aux adolescents du même sexe, mais ayant débuté une consommation plus tardivement. De plus, les filles, dont le début de consommation d’alcool est précoce, consommeraient davantage que les garçons pour les tranches d’âge de 12 à 17 ans. Aucune différence significative n’a été observée entre les garçons et les filles dont l’initiation à l’alcool n’a pas été précoce. Toutefois, l’étude de Laprise, Gagnon, Leclerc et Cazale (2012), indique les garçons seraient plus nombreux à avoir débuté à consommer de manière précoce. Selon l’étude de Zhong & Schwartz, (2010), la progression de la consommation d’alcool chez les filles se fait plus rapidement que chez les garçons suite à l’initiation à cette substance. L’étude de Malone et al. (2012) met de l’avant que les garçons ont moins tendance à poursuivre leur consommation de substances suite à une première initiation en comparaison aux filles. Par ailleurs, l’étude de Henry et Kobus (2007) permet d’observer une différence entre les sexes par rapport à la consommation du cannabis. Ils constatent que les adolescents seraient plus à risque de consommer du cannabis que les adolescentes. L’étude de Laprise, Gagnon, Leclerc et Cazale (2012) va en ce sens et précise que les adolescents consommeraient davantage du cannabis, des hallucinogènes, de la cocaïne et de l’héroïne, alors que les adolescentes consommeraient plus des amphétamines et de l’ecstasy. À l’opposé, l’étude de Blackburn et al. (2008) démontrent que les filles de 14 ans seraient trois fois plus nombreuses que les garçons à consommer du cannabis hebdomadairement. Un renversement de cette tendance est observé à partir de 16 ans, alors que la consommation de cannabis des garçons dépasse celle des filles (Blackburn et al., 2008). L’étude de Hammerslag & Gulley (2016) indique que les garçons seraient plus susceptibles que les adolescentes à développer des conduites à risques comme la consommation de substances psychotropes lorsqu’ils ressentent une détresse psychologique. Le facteur de maturation différentiel fille-garçon est également à prendre en compte dans ce contexte puisque les garçons auraient une maturation physique, psychologique et relationnelle différée comparativement à celle des filles (Coslin, 2013). Ainsi, la présence de résultats non univoques aux diverses études et le gradient différentiel de maturation selon le sexe justifient l’importance d’inclure ce facteur dans la présente étude.
L’influence de l’âge. Plusieurs études démontrent que l’âge est un facteur d’une très grande importance concernant à la fois l’initiation à la consommation de substances psychotropes, le maintien du comportement et les conséquences à moyen et long terme. Sans compter l’influence du sexe, la fréquence de consommation de tabac, d’alcool et de drogues (cannabis, amphétamines et hallucinogènes) s’accroit avec l’âge (Gaudreault, Gagnon & Arbour, 2009). Au Québec, l’enquête québécoise sur le tabagisme des élèves du secondaire (Institut de la statistique Québec, 2013) indique que la proportion d’adolescents qui consomment de l’alcool régulièrement (au moins une fois par semaine pendant un mois) passe de 46% à la première année du secondaire à 91% en cinquième secondaire (Institut de la statistique Québec, 2013). Selon cette même étude, la proportion d’adolescents qui consomment régulièrement de l’alcool, au moins une fois par semaine, passe de 6% à 40% entre la première et la cinquième année du secondaire. En fait, la période de 13 à 16 ans sera marquante quant au développement d’une consommation de substances psychotropes plus régulière chez les adolescents (Comité permanent de lutte à la toxicomanie, 2003).
Ces observations concernant la croissance de la fréquence de consommation durant l’adolescence justifient l’importance d’inclure l’âge des adolescents comme facteur de premier plan afin de prendre en compte les effets de la maturation dans l’évolution du comportement de consommation de substances. D’autant plus que l’âge d’initiation aux substances psychotropes diminue de plus en plus, étant désormais situé entre 12 et 13 ans en moyenne, et que l’âge d’initiation est associé à la fréquence de consommation ultérieure chez les adolescents de 16 ans (Bolland, Bolland, Tomek, Devereaux, Mrug & Wimberly, 2016; Comité permanent de la lutte à la toxicomanie, 2003).
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