Consistance interne et validité structurelle

Mesures

Trois versions de l’échelle CIO (Tableau additionnel S1) étaient disponibles dans chaque échantillon : 1) la version à 8 items révisés selon les recommandations Costa et al. [12,16], c’est à dire incluant une attribution explicite à la surcharge informationnelle dans trois items (« Il y a tellement d’informations sur le cancer, etc. ») et une reformulation de deux autres items afin de les rediriger vers les sentiments du patient plutôt qu’une perception générale, 2) la version courte à 5 items, et 3) une version à 10 items qui comptait deux items supplémentaires susceptibles de capturer de façon plus complète l’expérience cognitive et émotionnelle de la surcharge informationnelle liée au cancer (Tableau S1). Initialement en anglais, les 10 items ont été traduits en français par trois chercheurs indépendants et la version finale fut choisie avec l’aide d’un psychologue bilingue après 6 entretiens avec des patients atteints de cancer. Une échelle de type Likert à 4 modalités a été utilisée pour les réponses à chaque item (Pas du tout d’accord = 1, Pas d’accord = 2, D’accord = 3, Tout à fait d’accord = 4) et le score de l’échelle était calculé en sommant les réponses, amenant à un score entre 10 et 40, 8 et 32, et 5 et 10, pour les versions à 10, 8, et 5 items respectivement. En plus des échelles CIO, les questionnaires comprenaient des questions sur les caractéristiques sociodémographiques des participants, le score EPICES de précarité [19] (Évaluation de la Précarité et des Inégalités de Santé dans les Centres d’Examens de Santé) dans l’échantillon français seulement (une échelle de 11 items conduisant à un score entre 0 et 100 avec un seuil de précarité fixé à partir de 30), un antécédent de cancer, le statut d’aidant, et la présence de comorbidités. La Littératie en Santé a aussi été mesurée à l’aide du questionnaire FCCHL (Functional, Communicative, and Critical Health Literacy), une échelle tridimensionnelle qui mesure les compétences requises pour (i) acquérir l’information en santé, (ii) la manipuler, et (iii) l’évaluer de façon critique afin de planifier des actions sur la base de cette information [20].
Dans l’échantillon français, des questions relatives à différents comportements liés au cancer ont été posées :
– les Cancer Information Seeking Preferences (CISP) [21] évaluaient les comportements de recherche d’information relative au cancer des participants avec un antécédent de cancer, à l’aide de 5 propositions permettant de distinguer les Complementary seekers (chercheurs complémentaires), les Fortuitous seekers (chercheurs fortuits), les Minimal seekers (chercheurs minimes), les Intense seekers (chercheurs intenses), et les Guarderd avoiders (évitant stricts).
– des questions sur des comportements reflétant la prévention du risque de cancer et ayant déjà été associés au CIO : la consommation d’alcool, la consommation de tabac, la fréquence des coups de soleil, la fréquence des inspections de la peau à la recherche de lésions suspectes.
L’abus d’alcool a été défini selon les recommandations de l’Institut National du Cancer (INCa) [22], à savoir, une consommation maximale de deux unités standard d’alcool par jour avec au moins deux jours de non consommation par semaine.

Analyses statistiques

Les analyses ont été effectuées sur l’échantillon français à l’exception de la description des échantillons et de l’étude de l’invariance de mesure selon la langue qui faisaient intervenir l’échantillon australien. Les variables continues et catégorielles étaient décrites à l’aide de moyennes (± écart-type) et d’effectifs (pourcentages) respectivement. Les analyses univariées ont été réalisées à l’aide de tests du Chi-deux et de tests de Student ou d’ANOVA pour les variables catégorielles et continues respectivement. Les tests statistiques étaient bilatéraux et l’erreur de type 1 a été fixée à 5%. Toutes les analyses ont été conduites avec R.3.5.2 et le logiciel RStudio.

Scores et réponses aux items

Les effets de plancher et de plafond (floor and ceiling effects) au niveau de l’échelle étaient considérés présents si plus de 15% des répondants atteignaient le plus bas ou le plus haut score possible respectivement [23]. Au niveau des items, ces effets étaient considérés présents si plus de 95% des participants choisissaient la plus basse ou la plus élevée des modalités [24].

Consistance interne et validité structurelle

Les items étaient considérés redondants si la corrélation polychorique entre deux items étaient > 0.7 et aberrants si < 0.2. La fiabilité a été évaluée à l’aide du coefficient alpha (α) de Cronbach ordinal [25]et de l’omega de McDonald (ω) [26], et considérée satisfaisante si > 0.7. La validité structurelle a été testée par analyse factorielle confirmatoire (CFA) avec l’estimateur robuste des moindres carrés pondérés (WLSMV) et une paramétrisation Delta. Les valeurs manquantes n’excédaient jamais 5% et ont été traitées par élimination de la ligne dans la base de données (listwise deletion) le cas échéant. L’hypothèse sur la structure factorielle était celle déterminée par Jensen et ses collègues, i.e. unidimensionnelle et autorisant des corrélations entres les paires d’items suivantes : (1,6), (1,2), (6,7), (2,5) et (3,4) [12]. Nous avons réalisé une CFA pour les 3 versions de l’échelle et examiné les indices d’adéquation aux données suivants : la Root Mean Square Error of Approximation (indicateur d’une bonne adéquation si RMSEA < 0.05 et mauvaise si > 0.10, acceptable entre les deux), le Comparative Fit Index et le Tucker-Lewis Index (CFI et TLI indiquaient une bonne adéquation si > 0.95, une mauvaise adéquation si < 0.90, acceptable entre les deux [27]).

Invariance de mesure

Si la validité structurelle était acceptable, l’invariance de mesure était évaluée à l’aide d’une CFA multi-groupe et des comparaisons de modèles emboités. Elle a été consécutivement étudiée pour plusieurs variables : l’âge (< 50 et > 50 ans puisque de nombreux comportements de prévention du cancer sont recommandés à partir de cet âge en France), le sexe, le niveau d’éducation (supérieur au Lycée ou non), un antécédent personnel de cancer, le statut d’aidant et la langue (française ou anglaise après avoir regroupé les échantillons français et australien). La séquence classique en trois étapes a été respectée afin d’étudier consécutivement l’invariance configurale, métrique puis d’échelle, en estimant successivement trois modèles emboités et de contraintes augmentées [28,29]. Pour le sexe par exemple, l’hypothèse initiale considérait le même modèle factoriel pour les femmes et les hommes, et la séquence de modèles emboités était la suivante : 1) invariance configurale : aucune contrainte sur les charges (factor loadings) ni les seuils pour les items (item thresholds), 2) invariance métrique : les charges étaient contraintes à égalité entre les deux groupes mais les seuils maintenus libres de varier, 3) invariance d’échelle : les charges et les seuils étaient contraints à égalité entre les deux groupes. Chaque niveau d’invariance était considéré atteint si la différence entre les indices d’adéquation de deux modèles emboités (sans contrainte – avec contraintes) était inférieure ou égale à 0.01 pour le ΔCFI et supérieure ou égale à -0.015 pour le ΔRMSEA [30,31]. Lorsqu’un niveau d’invariance n’était pas atteint, les items non-invariants étaient identifiés en inspectant les indices de modification (modification indices) – principalement la valeur du χ2, dans le but de relâcher les contraintes concernant ces items jusqu’à l’obtention d’une invariance partielle.

Tests d’hypothèses

En se basant sur les études précédentes, nous avons testé les hypothèses suivantes : le CIO était attendu plus élevé chez les personnes de faible niveau d’éducation, de faible littératie en santé, de précarité élevée [32], ainsi que chez les personnes avec un antécédent de cancer, les aidants d’une personne atteinte de cancer [12,32], et enfin chez les évitant stricts [8].

Relations entre CIO et comportement de prévention liés au cancer

Nous avons exploré les relations entre le CIO et des comportements qui visent à diminuer le risque lié au cancer. L’hypothèse était que le CIO devait être plus élevé chez les personnes qui déclaraient : inspecter leur peau rarement ou jamais [33], avoir des coups de soleil occasionnellement ou souvent, être fumeurs ou consommateurs excessifs d’alcool ; en d’autres termes des comportements fondamentalement opposés à la prévention du cancer. Une régression logistique multivariée a été utilisée pour ces analyses, en ajustant sur : le sexe, l’âge, le niveau d’éducation, la précarité, les comorbidités, l’antécédent de cancer, et la littératie en santé.

Résultats

Echantillons

Parmi les 2809 participants qui ont répondu au questionnaire (2568 en France et 241 en Australie), ceux qui n’avaient répondu à aucune question portant sur le CIO ont été exclus des analyses : 17 (7.1%) dans l’échantillon australien et 205 (8%) dans l’échantillon français. L’échantillon français (Tableau 1) était constitué de 2285 (96.7%) femmes, avec un âge moyen de 47.9 ans (±13.6). Les participants étaient plutôt éduqués avec 2084 (88.6%) des personnes rapportant une éducation supérieure au Lycée. Près de deux tiers des participants (69.0%, N=1627) travaillaient au moment de l’étude. Moins de la moitié (44.3%, N=1047) avaient un antécédent personnel de cancer qui avait été diagnostiqué, en moyenne, 6.0 (±6.3) années auparavant et 447 (18.9%) ont déclaré avoir une maladie chronique associée (comorbidité). L’échantillon australien était de façon significative plus âgé en moyenne, et comptait, par conséquent, plus de participants retraités, et le nombre d’années moyen depuis le diagnostic d’un cancer était plus élevé (7.6 ±6.0 années). La proportion de femmes était différente mais dans le même ordre de grandeur (92.8%, N=207), et l’échantillon était un peu moins éduqué avec 140 (72.9%) des australiens déclarant une éducation supérieure au Lycée.

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