Considérations générales sur la pauvreté et l’importance du rôle des ressources naturelles dans la croissance

Madagascar qui fait partie de l’Afrique Subsaharienne est une Ile aux milles richesses naturelles. Elle dispose de ressources minérales considérables dispersées sur l’ensemble du territoire. La nature semble avoir doté Madagascar des moyens pour assurer son développement. L’Institut National de la Statistique (INSTAT) révèle cependant dans ses dernières enquêtes que près de 76,5% de la population malgache vivent en dessous du seuil de pauvreté.

Intuitivement, on s’attend à ce qu’un pays doté de telles ressources naturelles puisse en tirer profit. En effet, les ressources peuvent être utilisées à l’état brut ou transformées pour être exploitées. Au sens large, une ressource naturelle désigne tout ce que l’homme peut tirer de n’importe quelle partie de l’univers pour s’en servir. En d’autres termes, les ressources naturelles peuvent être mises au service de la croissance, voire même du développement.

S’agissant de Madagascar, c’est certes le secteur primaire qui est prédominant. Il regroupe les activités d’exploitation des richesses naturelles (Agriculture, sylviculture, pêche, mines,…). Madagascar exploite des matières premières agricoles et minières destinées à l’exploitation. L’économie malgache est pourtant caractérisée par un faible niveau de développement économique et humain et une extrême pauvreté. C’est un pays dépendant de l’aide internationale, si l’on se refaire entre autres aux Investissements Directs Etrangers (IDE) orientés principalement vers le secteur minier. Un des principaux défis de l’économie est de mieux comprendre le phénomène de croissance face à cette stratégie de développement basée sur l’exploitation des ressources naturelles qui en principe constitue des apports de technologie et de flux de capitaux en même temps qu’elle représente des sources d’emplois. Pourtant, la majorité des pays riches en ressources naturelles tend à souffrir d’un faible développement socio-économique.

Les différents concepts liés à la pauvreté 

La pauvreté semble être un phénomène visible, évident et facilement reconnaissable. Cependant c’est un concept difficilement définissable et mesurable. Face à la pauvreté, deux grandes questions se posent : « Quand est ce qu’on est considéré comme pauvre ? » et « comment la mesurer et la comprendre?».

Définition de la pauvreté

De nombreux penseurs, économistes, sociologues et même philosophes ont essayé de donner une définition précise du concept de pauvreté. La privation est une notion communément admise lorsqu’on veut définir la pauvreté. Les débats tournent autour de la question : « Pauvre, mais privé de Quoi ? ».

Approche monétaire 

L’approche dominante dans l’étude de la pauvreté est l’approche quantitative basée sur le revenu et la consommation. Elle est défendue par l’école Welfariste ou utilitariste classique qui suppose qu’un individu est pauvre lorsqu’il ne peut pas atteindre un niveau de bien être économique considéré comme le minimum raisonnable selon les standards de la société dans laquelle il adhère. L’approche utilitariste tire le concept de la pauvreté des théories microéconomiques et se base sur l’hypothèse que les agents économiques sont rationnels et cherchent à maximiser leur bien être qui est un sentiment procuré par la satisfaction d’un besoin . Sous contrainte du revenu, des facteurs de production ou de sa dotation en capital, les individus cherchent à maximiser leur bien être selon ses préférences. Souvent, c’est l’approche quantitative par le revenu qui est retenue pour établir les statistiques et les grilles de lecture de la pauvreté pour beaucoup d’organismes internationaux.

La BM commence par cerner la population pauvre en se basant sur le critère de revenu ou de consommation. Pour déterminer la catégorie des revenus pauvres, elle fixe deux seuils de pauvreté :

● Le seuil de pauvreté absolue : calculé en fonction d’un panier de consommation minimale pour assurer un niveau de vie acceptable. La pauvreté se situe à 1,25 dollar US par jour .
● Le seuil de pauvreté relative est déterminé en fonction d’un pourcentage du revenu médian avant impôts par Unité de Consommation (UC). Cette méthode tient compte du niveau de vie d’un pays et mesure surtout les inégalités dans la répartition des revenus.

Le seuil de pauvreté absolue de 1,25 dollar US par jour est adapté pour les PMA comme Madagascar. Par ailleurs, l’ONU affirme que la pauvreté c’est : « quand une personne n’a pas les moyens de se procurer un panier de biens considérés comme indispensable à la survie ». Cependant les indicateurs monétaires ne reflètent qu’une part du problème car, que représente 1US$ par jour par rapport aux vécu quotidien des pauvres. C’est un instrument réducteur pour mesurer l’ampleur et la complexité de la pauvreté. Elle présente l’avantage de permettre la valorisation des composantes du bien être grâce à un système prix, mais toutes les dimensions de la pauvreté ne peuvent être évaluées par cette approche. Qu’elle soit absolue ou relative, la pauvreté n’a pas uniquement une dimension économique. Aussi d’autres organismes internationaux ont mis en place des indicateurs différents. Le PNUD a développé l’Indicateur de Pauvreté Humaine (IPH)  pour appréhender la pauvreté.

Cet indicateur prend en compte trois aspects essentiels de la vie humaine : la longévité, l’instruction et une condition de vie décente. Adam Smith (1776) dans la Richesse des Nations note que : « est pauvre celui qui n’a pas le moyen de participer à la vie sociale ». D’Adam Smith à Amartya Sen (1988) nombreux auteurs ont noté que l’aspect économique n’est qu’une des dimensions de la pauvreté. Pour l’examiner, on doit tenir compte également du contexte social, culturel, de l’environnement et des relations internationales : des aspects non monétaires.

Approche non monétaire

Les approches non monétaires se fondent sur une analyse des conditions de vie. Est considéré comme pauvre, un individu dont la situation dans un élément particulier est fortement éloignée de la situation jugée comme acceptable dans une société. On distingue deux types d’approches non monétaires : l’approche basée sur les besoins essentiels et l’approche basée sur les capacités.

Approche basée sur les besoins essentiels 

C’est une approche en termes d’accomplissement ou de résultat et l’espace des accomplissements est multidimensionnel et ne concerne pas uniquement l’accomplissement de l’utilité. Le bien-être est l’ensemble des éléments jugés essentiels pour avoir une vie décente. La détermination des besoins de base dépend des caractéristiques des individus et des sociétés dans lesquelles ils vivent. Elles sont généralement définies en termes de moyens plutôt que de résultats. La satisfaction de ces besoins de base est un élément important pour juger la pauvreté d’un individu. Ces besoins sont dits « bases » car leur satisfaction est considérée comme l’atteinte d’une qualité de vie. Cette approche s’appuie sur l’analyse de la pyramide des besoins : « La pyramide des besoins est une théorie élaborée à partir des observations réalisées dans les années 1940 par le psychologue Abraham Maslow. L’article où Maslow expose sa théorie de la motivation, A Theory of Human Motivation, est paru en 1943. Il ne représente pas cette hiérarchie sous la forme d’une pyramide, mais cette représentation s’est imposée pour sa commodité. » .

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Selon cette théorie, l’individu cherche d’abord à satisfaire les besoins situés au niveau inférieurs avant de penser aux besoins des niveaux supérieurs. Ainsi les besoins physiologiques sont les besoins de base avant les besoins de sécurité. Les besoins physiologiques sont liés à la survie d’une personne : besoin de respirer, de boire et manger, de dormir, d’avoir une hygiène. Les besoins de sécurité viennent du souhait de chacun d’être protégé physiquement et moralement. C’est un besoin de conservation, qui consiste à se protéger contre les différents dangers menaçant. Ce sont les besoins de sécurité de l’emploi, de sécurité physique contre la violence, de santé, de stabilité familiale, le besoin d’un abri, de sécurité des revenus,…Dans ces deux niveaux, la pauvreté se manifeste par un manque, une insatisfaction. Le troisième stade correspond au besoin de communication, d’expression et d’appartenance à un groupe. Ces besoins montrent la dimension sociale de l’individu qui a besoin de se sentir accepté par le groupe. Ils vont de pair avec les besoins de reconnaissance et de considération. Le niveau suivant est le besoin d’être respecté, le besoin d’être reconnu, d’avoir une activité valorisante. C’est le besoin de se valoriser à ses propres yeux et aux yeux des autres à travers un travail, un projet, une opinion, un objectif, un loisir.

L’individu souhaite être reconnu en tant qu’entité propre au sein du groupe auxquels il appartient. Le besoin d’accomplissement personnel est le dernier de la pyramide de Maslow, c’est le sommet de la quête de la condition humaine. C’est le besoin de s’épanouir en réalisant des projets, des actions de façon à exploiter pleinement le potentiel de l’individu. Cependant pour pouvoir être épanoui et exploiter son potentiel pleinement, il faut que les quatre besoins précédents soient réalisés. Ces besoins visent à sortir d’une condition purement matérielle pour atteindre l’épanouissement.

Toutefois, l’approche des besoins essentiels se trouve face à un problème : la détermination de la liste des besoins de base, cette liste est une liste ouverte et il n’y a pas d’accord sur ce que devrait être cette liste. De plus, savoir ce qui devrait être le minimum requis pour ne pas être considéré comme pauvre reste une problématique. Si deux individus dont tous les besoins de base sont remplis sauf la nutrition pour l’un et la santé pour l’autre. Lequel des deux est le plus pauvre ?

Approche basée sur les capacités

Selon cette approche, les capacités sont les combinaisons fonctionnelles de savoir-être et de savoir-faire que chaque personne peut atteindre. L’ensemble de façon d’être et d’agir est défini comme étant un « fonctionnement ». Ceci peut être le fait d’être bien nourri, de savoir lire ou d’écrire, d’avoir le respect de soi même, de participer à la vie en communauté,… Les capacités représentent l’ensemble de fonctionnement potentiellement accessible à un individu. Un fonctionnement est la réalisation d’un objectif, tandis qu’une capacité est l’aptitude à le réaliser. Les fonctionnements sont donc directement liés au type de vie que mènent les individus, tandis que les capacités sont les possibilités dont ils disposent pour mener la vie de leur choix.

La capabilité renvoie à la notion de liberté et montre la limite des indicateurs monétaires, car à quoi sert d’avoir de l’argent sans avoir la liberté de l’utiliser. Plus la liberté de choisir entre les différents fonctionnements est importante, plus la capacité est élevée. Ainsi, pour des revenus ou salaires égaux, c’est cette liberté qui fait la différence.

Dans cette approche, ce qui manque à un individu ou un ménage pour qu’il ne soit pas considéré comme pauvre n’est pas l’utilité, comme dans l’approche monétaire mais les habilités ou les capacités humaines. Un individu est défini comme pauvre s’il ne dispose pas des capacités fondamentales considérées comme raisonnablement minimales. Cependant il n’existe pas de consensus universel sur ce que sont les capacités fondamentales, mais il est possible de se convenir sur quelques unes d’entre elles. Ainsi, si une personne ne peut se nourrir, se vêtir et se loger correctement, on peut dire qu’elle est pauvre. La pauvreté est l’insuffisance de l’accès aux ressources nécessaires pour produire les capacités fondamentales déterminées par rapport à la société auquel l’individu appartient.

Table des matières

INTRODUCTION
Partie I : Considérations générales sur la pauvreté et l’importance du rôle des ressources naturelles dans la croissance
Chapitre I : Les différents concepts liés à la pauvreté
Section I : Définition de la pauvreté
1. Approche monétaire
2. Approche non monétaire
a) Approche basée sur les besoins essentiels
b) Approche basée sur la capacité
Section II : Indicateurs et mesure de la pauvreté
1. Indicateurs de la pauvreté
2. Mesure de la pauvreté
Chapitre II : Relation de la croissance et des ressources naturelles
Section I : Ressources naturelles, moteur des activités économiques
1. Ressources naturelles et spécialisation
a) Théorie des avantages absolus d’Adam Smith
b) Théorie des avantages comparatifs de David Ricardo
2. Ressources naturelles et innovation
a) Charbon et la première révolution industrielle
b) Pétrole et la deuxième révolution industrielle
3. Vers une croissance équilibrée ou une croissance déséquilibrée
a) Croissance équilibrée
b) Croissance déséquilibrée
Section II : Ressources naturelles, frein pour la croissance économique
1. Le syndrome hollandais
2. Théorie de la « croissance appauvrissante » Bhagwati
Partie II : Manifestation de la pauvreté face aux richesses naturelles de Madagascar
Chapitre I : Spécificité de l’industrie minière à Madagascar
Section I : Les intervenants dans l’exploitation minière à Madagascar
1. Le Ministère de tutelle
a) Politique du Ministère des mines
b) Accords conclus entre les industries étrangères et le Ministère
2. Les IDE prépondérants dans le secteur minier
Section II : Les variables externes influant sur la production minières du pays
1. Les risques à l’exploitation
a) Les risques réserves
b) Les risques techniques
2. Valorisation du prix des ressources minières
a) Le marché international de matières premières
b) Les facteurs influant sur le cours des matières premières
c) Prix selon la règle de Hotelling
d) Rôle du fonds souverain d’aujourd’hui
Chapitre II: Pauvreté à Madagascar
PARTIE III : Remise en cause d’une croissance reposant sur le rôle de l’Investissement dans le secteur minier de manière à pouvoir échapper à cette malédiction
CHAPITRE I : Les projets miniers à Madagascar
Section I : Les grandes sociétés d’exploitations minières à Madagascar
a) QIT Madagascar Minerals (QMM)
b) Ambatovy
Section II : Le problème de transparence
a) Mauvaise gouvernance
b) Corruption
Chapitre II : MESURES A PRENDRE
Section I : Tirons leçon de l’histoire
a) L’investissement minier au Ghana
b) Cas de la République Démocratique de Congo
Section II : Réformes de gestion des ressources minières
a) Gestion durable des ressources naturelles
b) Innovation institutionnelle
CONCLUSION

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