CONSÉQUENCES DU CANCER DU SEIN SUR LA VIE PERSONNELLE
CONSÉQUENCES DU CANCER DU SEIN SUR L’IMAGE CORPORELLE
L’image corporelle peut être un sujet particulièrement important pour les femmes ayant eu le cancer du sein. D’une part, la prise en considération des traitements chirurgicaux et oncologiques et d’autre part, les effets secondaires de ceux-ci laissent sur les femmes des marques physiques, telles que la perte ou la déformation d’un ou des deux seins, les changements sur la peau ou encore la prise de poids (Falk Dahl et al., 2010). Les femmes se retrouvent également confrontées à l’alopécie, la perte des cheveux, ou au lymphœdème, enflure causée par une accumulation anormale de liquide lymphatique dans une partie du corps, habituellement au bras. Ces séquelles peuvent entraver potentiellement l’image corporelle endossée par les femmes (Przezdziecki et al., 2012; Rosenberg, Tamimi, Gelber, Ruddy, Kereakoglow, Borges, Come, Schapira, Winer, & Partridge, 2013). De plus, lors d’une chirurgie, dont l’objectif consiste en l’ablation de la masse cancéreuse, les seins peuvent être mal alignés, asymétriques et des altérations importantes au sein ou une sensation différente au mamelon peuvent également apparaître (Przezdziecki et al., 2012).
L’image corporelle est couramment définie comme une image subjective de l’apparence physique d’un individu établie en s’observant, mais aussi en enregistrant les réactions des autres (Dany, 2007 ; Falk Dahl et al., 2010). L’image corporelle comprend également une attitude de satisfaction ou d’insatisfaction de son corps en lien avec les deux facteurs suivants: premièrement, l’investissement dans l’apparence et deuxièmement, l’auto-évaluation (Falk Dahl et al., 2010). Le premier élément concerne l’opinion d’un individu sur l’importance de son apparence. Pour sa part, l’autoévaluation porte sur les idéaux culturels pour l’aspect physique, ce qu’on appelle communément la beauté. L’apparence et la beauté se résument en l’écart entre l’image corporelle perçue et ses idéaux (Falk Dahl et al., 2010).
Ainsi, l’image corporelle se lie étroitement à l’identité, à l’estime de soi, à l’attractivité, au fonctionnement sexuel et aux relations sociales. Selon Falk Dahl et al. (2010), les problèmes d’image corporelle s’associent à une mauvaise estime de soi, à une anxiété sociale, à la conscience de soi et à des symptômes dépressifs. Concernant le cancer du sein, Dany (2007) souligne que les modifications et les altérations, temporaires ou permanentes au sein, peuvent accentuer des conséquences psychosociales particulièrement négatives: anxiété, symptômes dépressifs, baisse de l’estime de soi, sentiment d’une perte de contrôle de son corps et perte de la capacité de séduction. Chez les femmes âgées de moins de 50 ans, l’image corporelle épouse étroitement l’identité de femme, de mère et de conjointe. La prise de poids et la diminution de la libido génèrent donc des impacts directs sur leur image corporelle (Fortin et al., 2010).
De plus, force est de constater que plus l’investissement des femmes est important visà-vis de leur apparence, plus celles-ci expérimenteront la détresse lors d’un cancer du sein (Dany, 2007). Cependant, plus les femmes sont âgées, moins leur image corporelle est négative (Favez, Cairo Notari, Charvoz, Notari, Ghisletta, Panes Ruedin, & Delaloye, 2016).
Dans l’étude de Brullmann (2007), certaines participantes confrontées au cancer du sein ont vécu au moins une conséquence de ce problème de santé sur leur féminité, lequel se traduit par le fait de se sentir « diminuée » : de se sentir moins femme, moins désirable et moins féminine. De plus, la moitié des femmes âgées de moins de 50 ans dans l’étude de Fortin et al. (2010) ont éprouvé des difficultés quant à leur image corporelle à la suite de l’ablation ou de la réduction de leur(s) sein(s). Par surcroît, après l’ablation d’un ou des deux seins, se regarder dans le miroir devient difficile pour toutes les femmes (Brullman, 2007).
A ce sujet, une étude longitudinale examinant l’évolution des dimensions de l’image corporelle, investissement, émotions et évaluations, de la période de chirurgie au temps 1, à six mois après la fin du traitement au temps 2, démontre que seule la honte augmente avec le temps au niveau de l’image corporelle. Dans cette étude, une mastectomie s’associait à une plus grande honte et une plus faible satisfaction de l’apparence au temps 2 (Moreira, & Canavarro, 2010).
L’image corporelle demeure donc étroitement liée à l’identité féminine (Fortin et al., 2010). En outre, le jeune âge au moment de l’annonce du diagnostic, une vulnérabilité sur le plan mental et la détresse psychologique s’associent de manière significative à une image corporelle médiocre (Falk Dahl et al., 2010).
Toutefois, chez les jeunes femmes subissant une chirurgie conservatrice du sein, la préoccupation de leur image corporelle reste de moindre importance que pour les femmes s’exposant à une mastectomie, ce qui est en cohérence avec plusieurs études (Falk Dahl et al., 2010 ; Markopoulos, Tsaroucha, Kouskos, Mantas, Antonopoulou, & Karvelis, 2009; Rosenberg et al., 2013). Celles qui ont subi une mastectomie rapportent avoir davantage une image négative que celles qui n’en subissaient pas (Favez et al., 2016).
De plus, les femmes s’offrant la reconstruction mammaire se disent plus satisfaites de leur image corporelle que les femmes avec mastectomie sans reconstruction (Markopoulos et al., 2009). Les femmes ayant une reconstruction mammaire gagnent une meilleure image de soi (Teo, Reece, Christie, Guindani, Markey, Heinberg, Crosby, & Fingeret, 2016). Aux États-Unis, on considère la reconstruction du sein comme un soin standard pour les femmes atteintes du cancer du sein ayant eu une mastectomie. Le lien entre le moment de reconstruction et l’étape de reconstruction demeure une variable significative pour prévoir une insatisfaction de l’image corporelle. Toutefois, le type de reconstruction n’a pas d’impact sur l’image corporelle (Teo et al., 2016).
Concernant la reconstruction immédiate, la mastectomie suivie de la chirurgie réparatrice présente de multiples avantages dont celles de la réduction du nombre d’actes chirurgicaux et la diminution des anesthésies et des risques opératoires. Cela amène également une réinsertion sociale plus rapide sur le marché du travail. Lors de cette situation, l’utilisation d’une prothèse externe devient inutile (Baas, Henry, & Mathelin, 2008). Cependant, les reconstructions mammaires immédiates contribuent au risque d’un déni de la maladie et peuvent parfois illusionner les femmes sur le résultat de la reconstruction, ces femmes ayant davantage de difficultés à faire le deuil de leur poitrine d’origine (Bruant-Rodier, Mathelin, Rodier, Kjartansdottir, & Meyer, 2004). La reconstruction mammaire se révèle une bonne alternative en autant que le deuil du sein perdu et du vécu passé soit fait, pour éviter les insatisfactions de la chirurgie réparatrice (Brullmann, 2007). Une reconstruction ne cachera jamais qu’il y a eu intervention chirurgicale et donc un changement au niveau du sein. Par ailleurs, le travail psychique dans les reconstructions repose à chaque fois sur trois niveaux. Premièrement, la situation de l’annonce du cancer, qui résulte en un état de choc puisqu’elle fait réaliser sa propre mortalité. Deuxièmement, l’acceptation de la perte de l’organe incluant l’acceptation irréversible du passé. Et enfin, troisièmement, l’intégration, au sens littéral du terme, du sein modifié ou de la prothèse (Bacqué, 2008).
Selon Baas et al. (2008) lorsque la reconstruction se vit de façon différée et fait suite à une période sans sein, elle semble souvent mieux acceptée par les patientes. Toutefois, selon Teo et al. (2016), les femmes qui subissent la reconstruction différée démontrent une plus grande insatisfaction de leur image corporelle, que celles qui subissent la reconstruction immédiate.
Malgré des résultats contradictoires, il semble que les femmes subissant une mastectomie ont une moins bonne image de leur corps que les femmes ayant une chirurgie pour enlever uniquement la masse cancéreuse appelée chirurgie conservatrice du sein (Choimet & Moreau, 2013). L’image corporelle pour les femmes vivant une mastectomie s’améliore ou devient bonne, lorsqu’elles expérimentent ensuite une reconstruction mammaire. Le plus tôt semble le mieux. Enfin, il se peut que le rôle modérateur de l’investissement de l’image corporelle soit plus important pour les femmes plus jeunes. Pas surprenant donc, que les chercheurs constatent une détresse accrue chez les femmes plus jeunes, diagnostiquées avec un cancer du sein par rapport aux femmes plus âgées (Helms, O’Hea, & Corso, 2008).
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