L’hydratation du ciment
Dés l’instant de l’ajout de l’eau au ciment, un ensemble de réactions très complexes se poursuit dans le temps. C’est dû, en partie, au fait que le ciment portland n’est pas un produit parfaitement défini. Il est, en fait, formé de silicates, d’aluminates de chaux et de Ferroaluminate de chaux en quantités variables.
En simplifiant le phénomène de prise et de durcissement du ciment Portland, on peut dire: lorsque l’eau est ajoutée au ciment, le gypse, les alcalis, une partie de la chaux des silicates passe rapidement en solution (pH ~ 13).
Une partie de l’aluminate tricalcique C3A réagit avec la chaux des silicates pour donner un aluminate de chaux hydraté mais la réaction est freinée puis stoppée par la présence des ions 2−4 SO du gypse qui se combinent à une autre partie de l’aluminate pour former de l’ettringite de formule 3CaO. Al2O3.3CaSO4. 32 H2O.
Cette ettringite enrobe les grains d’aluminate et d’alumino-ferrite d’une membrane qui bloque pendant un certain temps l’hydratation. Après à peu près deux à trois heures, les réactions reprennent et se poursuivent par l’hydratation assez rapide, du silicate tricalcique C3S et par celle plus lente du silicate bicalcique C2S. Après un délai voisin de 24 heures, on obtient le monosulphate de formule 3CaO. Al2O3.CaSO4.12 H2O, des aluminates hydratés et de l’hydroxyde de fer. Le début de prise commence à peu près au moment où peuvent se former les microcristaux de silicate de calcium hydraté CSH. La formation des hydrates de silicate de calcium et d’hydroxyde de chaux Ca(OH)2 (la Portlandite). La cristallisation est accompagnée d’une élévation de la température (réaction de type exothermique).
Le résultat final de l’hydratation du ciment est la formation d’un ensemble structuré de matière solide et de pores. Il y a présence majoritaire des composés CSH de formule chimique (CaO)x.(SiO2)y (H2O)z qui sont des précipités en forme d’aiguilles assurant le caractère de solidité [5].
L’acier dans le béton
L’acier utilisé dans les ouvrages en béton armé ou précontraint est protégé chimiquement et physiquement contre la corrosion par l’enrobage de béton. Verbeck [6] a établi que cette protectionestassurée grâce à deux facteurs :
– La résistance du béton à la diffusion des gaz (oxygène, dioxyde de carbone, anhydridesulfureux…) et à d’autres corps agressifs dissous dans l’eau (sels notamment leschlorures). Leur accès jusqu’à la surface des armatures est, donc, ralenti ou empêché.
– La valeur élevée du pH du béton résultant de la réaction alcaline associée àl’hydratation du ciment.
La dégradation du béton en milieu marin
Les régions côtières et les milieux marins sont de plus en plus envahis par les constructions en béton armé. Ils représentent, même pour certains projets, des sites préférés. Il faut, toutefois, retenir que ces milieux représentent des environnements à agressivité élevée pour le béton.
Multiplicité des composantes agressives
Les composantes agressives du milieu marin peuvent être classées en quatre catégories :
– les facteurs chimiques : l’eau de mer renferme des ions variés.
– Les facteurs « géométriques » : les fluctuations du niveau marin (marées hautes, marées basses, tempêtes…) font que telle partie de construction peut être continuellement immergée ou continuellement émergée ou alternativement immergée ou émergée.
– Les facteurs physiques : des phénomènes de gel – dégel peuvent se produire dans les parties émergées.
– Les facteurs mécaniques : l’énergie cinétique des vagues et des matériaux solides qu’elles transportent , dans certains cas les chocs de glace flottantes, constituent des causes d’érosion et de fissuration des bétons ce qui favorisent les attaques chimiques ultérieures [7].
Mécanisme d’attaque par les eaux de mer
Le processus chimique d’attaque des bétons par l’eau de mer résulte de plusieurs réactions plus ou moins simultanées et interdépendantes. Celles-ci font appel à plusieurs mécanismes : dissolution – lixiviation, précipitation de composés insolubles, réactions d’échange de base, cristallisation des sels expansifs. Les principales réactions mises en jeu sont associées à l’action des différents ions : sulfates, magnésium, chlorures ainsi qu’à celle du dioxyde de carbone.
Par ailleurs, il est important de noter que les actions des ions constitutifs de l’eau de mer ne sont pas cumulatives. Le monochloroaluminate de calcium devient instable en présence de sulfate et se décompose pour former notamment de l’ettringite.
L’ettringite elle-même, en présence de silice dissoute et de carbonates, se transforme partiellement en thaumasite : CaCO3.CaSO4.CaSiO3.15H2O.
C’est l’interférence des différents ions (Tableau 1-2) qui explique que l’agressivité de l’eau de mer soit bien plus faible que celle des eaux sulfatées. Pour certains auteurs, cette réduction d’agressivité est due à la présence des chlorures qui accroissent la solubilité du gypse et de l’ettringite, qui cristallise alors, au moins partiellement, sous une forme non expansive à partir de la solution.
Notion de double couche
Les espèces formées par les réactions élémentaires de corrosion sont surtout des particules électrisées (ions). Dans le liquide au contact du métal, la répartition de ces ions n’est pas homogène. Les ions négatifs forment une sorte de couche liquide près de l’interface. A proximité de celle-ci, les ions positifs sont excédentaires dans une autre couche liquide. Cette double couche forme un condensateur qui induit un champ électrique [9].
Dépassivation des armatures par les ions chlorure
Les ions chlorure sont responsables de la corrosion par piqûres (Figure 1-2), forme de détérioration attaquant l’acier en profondeur et résultant en la diminution de la section de l’armature. Les ponts et les viaducs sont les ouvrages les plus affectés puisqu’ils sont exposés à l’action combinée des intempéries et des sels. Les ions chlorure pénètrent le béton durci et restent, en majorité, à l’état dissout dans la solution interstitielle. Cependant, ils peuvent aussi réagir soit avec le silicate de calcium hydraté CSH surtout par adsorption, soit avec l’aluminate tricalcique C3A pour former le trichloroaluminate.
D’après certains auteurs, il ne suffit pas que l’acier soit dépassivé suite à l’action des chlorures pour que la corrosion se produise. Il faut aussi qu’il existe des piles de corrosion créées par les hétérogénéités à l’interface entre le matériau métallique et le milieu environnant. Ces hétérogénéités sont, par exemple, liées à un gradient d’alcalinité qui peut être dû : – Soit à une variation de la teneur en alcalis dans le ciment
– Soit au délavage.
– Soit à la non uniformité du degré de carbonatation.
Une autre possibilité de corrosion est liée aux différences de potentiel entre les surfaces supérieure et inférieure de l’acier, induite par une compacité non uniforme ou une ségrégation du béton [22].
Nature des produits de corrosion en présence des ions chlorures
L’évolution de la corrosion des armatures se déroule en plusieurs étapes caractérisées par la formation de produits intermédiaires différents. Il est généralement admis que la corrosion du fer en milieux aqueux neutre ou basique débute par la précipitation de l’hydroxyde ferreux Fe(OH)2 qui évolue vers différentes variétés d’oxydes et d’hydroxydes complexes composant la rouille [27]. Cette dernière est formée essentiellement par un mélange de trois constituants : goethite, lépidocrocite et magnétite [28]. De l’akaganéite peut aussi se former en présence d’une forte teneur en chlorures. Ces ions agressifs introduisent une grande complexité dans le processus d’enrouillement [29]. La formation des rouilles vertes constitue l’une des principales conséquences de ce mécanisme. Celles-ci sont formées de composées ferreux – ferriques intermédiaires entre le fer métallique ou l’hydroxyde ferreux. Deux grandes familles de rouilles vertes ont été définies en se basant sur leurs caractéristiques radiocristallographiques : les rouilles vertes type 1 tels que les composés incorporant les ions Cl − ou CO2−3 et les rouilles vertes type 2 tels que les composés contenant les ions sulfate.
Pour le cas du fer en milieu aqueux chloruré à 0,35M, Refait a présenté le diagramme de la figure 1-4 après avoir considéré le processus de corrosion suivant [30].
Difficulté de la prévision de la corrosion des ouvrages en service
Actuellement, le suivi des ouvrages en service comprend des inspections périodiques et des évaluations spécifiques des dommages. Ce procédé s’avère primordial car il permet de vérifier si la structure demeure dans des conditions acceptables de sécurité et de fonctionnement.
Toutefois, les informations recueillies peuvent rester incomplètes et parfois imprécises en raison des différentes incertitudes découlant de la difficulté de cerner les données réelles de l’environnement de la structure. Pour cette raison, l’analyse de la performance des ouvrages, dans les milieux agressifs, est développée généralement sur des bases probabilistes c’est-àdire en utilisant les principes et les méthodes de la théorie de la fiabilité. Les données relatives à l’état de corrosion des armatures en constituent les principaux paramètres d’entrée des programmes d’étude. D’ailleurs l’objectif principal de la plupart des projets de recherche actuels est le développement d’un modèle permettant la prévision du comportement des bétons armés soumis à des environnements chimiquement agressifs. Il est recommandé d’étudier les mécanismes fondamentaux menant à la dégradation du béton par altération de sa microstructure et par formation de produits de corrosion autour des barres d’acier [33].
Diffusion des ions chlorure dans le béton
Plusieurs projets de recherche à l’échelle internationale visent une meilleure maîtrise du phénomène de corrosion de l’acier dans le béton à travers l’amélioration des connaissances relatives au coefficient de diffusion des ions chlorures.
Chlorures libres et chlorures liés
Les chlorures liés se présentent dans le béton sous deux formes principales [72] : physiquement adsorbés sur les parois solides dans les pores ou chimiquement fixés par réaction avec certains composés du ciment. Dans ce dernier cas, les composés formés sont le monochloroaluminate hydraté ou sel de Friedel de formule C3A. CaCl2. 10 H2O et le trichloroaluminate de formule C3A. 3CaCl2. 30 H2O. Les chlorures non fixés chimiquement ou physiquement peuvent migrer plus ou moins facilement à l’intérieur du béton, par capillarité, sous l’effet des variations d’humidité ou bien par diffusion dans les bétons à partir de l’eau de mer.
Modélisation du phénomène de corrosion
Il est généralement admis, que le phénomène de corrosion de l’acier enrobé de béton se déroule en deux principales étapes selon le modèle de Tuutti (Figure 1-7). La première, appelée, période d’initiation et la deuxième connue par période de propagation [79]. La dépassivation des armatures, correspondant à une teneur critique en ions chlorures, constitue le phénomène séparant ces deux phases.
Les aminoalcools
Les aminoalcools et les amines ont été abondamment utilisés surtout en mélanges avec leurs sels correspondants ainsi qu’avec les acides organiques et inorganiques. Ils ont représenté des composants essentiels de plusieurs produits commercialisés ayant des formulations complexes. Dans ce cadre, la plupart des travaux de recherche et des publications ont été menés avec des inhibiteurs commerciaux de composition imprécise. Elsener affirme que ces produits sont, généralement, composés de deux éléments essentiels :l’un volatil tel que le dimethylethanolamine et l’autre non volatil comme le benzoate [ 118].
Utilisation préventive : solutions et éprouvettes
Pour une prévention complète contre la corrosion de l’acier dans les solutions saturées d’hydroxyde de calcium Ca(OH2), un rapport de concentration inhibiteur aminoalccool/chlorures égal à 1 est nécessaire au niveau de la surface métallique. Rossi a précisé, que dans ces conditions, la formation d’un film épais et stable sur l’acier est garanti [119]. Cette condition a été encore soulignée lors d’études menées sur des poutres en béton.