Conseils du pharmacien à la femme allaitante
Développement de l’enfant
L’allaitement maternel est une pratique qui combine à la fois un mode d’alimentation, répondant à des besoins nutritionnels et immunologiques fondamentaux, et un mode d’interaction, favorisant l’attachement mère-enfant, l’estime de soi et la santé mentale maternelle ainsi que le développement affectif, cognitif et social de l’enfant. Il lui assure un rythme de croissance optimal et le protège contre les agents pathogènes, principalement au niveau du tractus digestif et de l’appareil aérien supérieur. L’allaitement maternel exclusif pendant au moins trois ou quatre mois aurait un effet protecteur contre les maladies atopiques chez les nourrissons prédisposés mais cela reste controversé.
Une optimisation des besoins nutritionnels et immunologiques fondamentaux
Composition du lait de femme
Le lait humain, comme celui de tous les mammifères, est propre à l’espèce. Il contient tous les éléments nécessaires pour assurer la croissance et le développement du nourrisson. La composition et le volume du lait évoluent rapidement dès la naissance pour répondre aux besoins du nourrisson. Cette évolution est souvent d’une importance considérable pour la capacité d’adaptation physiologique du nouveau-né à la vie extrautérine. Il existe des variations normales cependant dans la composition et le volume du lait humain et des facteurs influencent ces variations : âge gestationnel, stade de la lactation, facteurs associés à la façon d’allaiter et parfois alimentation de la mère.
Âge gestationnel de l’enfant
Contrairement aux préparations commerciales, le lait humain change avec les besoins de l’enfant. Selon qu’un bébé est né prématurément ou à terme, de petits poids ou non, ses besoins varient grandement. Les meilleures pratiques pour nourrir les enfants prématurés ou les nourrissons de très petits poids à la naissance ne font pas vraiment l’objet de consensus. Depuis quelques temps, plusieurs experts en santé infantile arrivent aux conclusions suivantes : – le lait d’une mère ayant donné naissance à un enfant prématurément n’a pas la même composition que celui de la mère qui a donné naissance à terme, et – les bébés prématurés nourris avec le lait humain ont de meilleurs résultats pour divers paramètres comparativement à ceux qui reçoivent des préparations commerciales, même lorsque ces dernières sont destinées précisément aux prématurés. Ainsi, le premier lait ou colostrum d’une mère qui a donné naissance de façon prématurée renferme significativement plus d’immunoglobulines A, de lysozyme ou de lactoferrine que celui d’une mère qui a donné naissance à terme. On y trouve aussi un 30 compte plus élevé de cellules totales, de macrophages, de lymphocytes et de neutrophiles. De plus, son potentiel pour prévenir les infections est plus grand que celui du colostrum « à terme ». Le lait « prématuré » est également plus riche en protéines : il en renferme presque deux fois plus que le lait dit mature. S’ils reçoivent le lait frais et non traité de leur mère, les bébés de très petits poids à la naissance digèrent les lipides de façon très efficace. Toutefois, l’absorption des lipides est diminuée par la supplémentation en calcium (qui précipite les lipides) et par la stérilisation du lait (qui diminue l’activité de sa lipase). Il n’y a pas de différences importantes dans la nature des lipides que renferme le lait des mères ayant donné naissance prématurément et celui des mères ayant donné naissance à terme. Le lait d’une mère ayant donné naissance prématurément fournit aussi un peu plus d’énergie, de calcium et de phosphore. Le lait des mères ayant accouché prématurément, y compris son colostrum, est donc différent de celui des mères ayant donné naissance à terme et peut-être mieux adapté aux besoins des prématurés.
Âge chronologique de l’enfant
On reconnaît maintenant que la composition du colostrum évolue rapidement et de façon continue dès les premiers jours après la naissance, à la suite de l’activation de la lactogénèse par l’accouchement. La composition du lait au cours de cette évolution serait remarquablement stable à travers le monde, ne variant qu’à l’intérieur de marges assez étroites. Le colostrum est un liquide jaunâtre correspondant aux sécrétions mammaires qui s’écoulent immédiatement après l’accouchement. Il est formé du matériel résiduel présent dans les conduits et canaux lactifères à la naissance progressivement mélangé au lait nouvellement sécrété. Pendant ces 24 premières heures, le bébé reçoit moins de 100 ml, quantité adaptée à sa capacité gastrique encore réduite. Ce volume commence à augmenter vers 36 heures après la naissance. L’augmentation se poursuit pendant environ quatre jours puis se stabilise environ à environ 500 à 600 ml vers le quatrième jour. Le volume de lait est donc pratiquement décuplé pendant cette période, c’est ce que les mères ressentent comme étant la montée laiteuse. On distingue trois phases dans l’activation de la lactogénèse. Dans la première phase, on observe une diminution de la concentration de sodium et de chlore et une augmentation de celle du lactose. Ces changements commencent dès la naissance et sont associés à la fermeture des jonctions des voies paracellulaires de synthèse du lait. Ces voies étant désormais bloquées, le lactose sécrété par les cellules épithéliales ne peut plus se rendre vers le plasma en passant entre ces cellules. De même, le sodium et le chlore ne peuvent plus traverser l’espace interstitiel pour atteindre le lumen. Ils doivent être sécrétés par la voie cellulaire. Cette première phase est suivie de l’augmentation transitoire de la sécrétion de l’Immunoglobuline A sécrétoire (IgAs) et de la lactoferrine. Leur concentration 31 représente 10 % du poids du lait à 48 heures et diminue à 1 % du poids total du lait à huit jours. Le taux de sécrétion de ces deux protéines protectrices est néanmoins substantiel car il est de 2 à 3 g par jour pour les deux réunies. La lactoferrine est synthétisée et sécrétée par les cellules alvéolaires alors que l’IgAs est sécrétée par voie transcytotique. La troisième phase se produit à environ 36 heures du post-partum et s’accompagne d’une augmentation massive et synchronisée du volume et du rythme de synthèse ou de sécrétion de presque toutes les composantes du lait mature notamment: lactose, protéines, lipides, calcium, sodium, magnésium, potassium, citrate, glucose et phosphate libre…
L’eau.
Comme chez la plupart des mammifères, l’eau est l’élément le plus abondant dans le lait humain. L’eau est vitale pour maintenir l’hydratation. Elle contribue également au mécanisme de régulation du nouveau-né, car 25% de la perte de chaleur provient de l’évaporation d’eau par la peau et la respiration. Le bébé allaité à la demande comble complètement ses besoins en eau par le lait maternel.
Evolution des protéines
La teneur totale du lait en protéines se chiffre à environ 14 à 16 g/L au début de la lactation, diminue à 8 à 10 g/L vers 3 ou 4 mois et est de 7 à 8 g/L à 6 mois. Trois principales catégories de protéines nutritives sont présentes dans le lait : les mucines, qui se trouvent dans les membranes des globules de matières grasses, la caséine et les protéines du lactosérum (petit lait). Contrairement aux préparations commerciales, il n’y a pas de ratio fixe entre les protéines du lactosérum et la caséine dans le lait humain ; il varie tout au long de l’allaitement. Il varie de 90:10 à 80:20au début de l’allaitement et passe à 60:40 dès les premières semaines puis à 50:50 après les premiers mois. Puisque la teneur en acides aminés de chacune de ces protéines varie, la teneur du lait en acides aminés varie également tout au long de l’allaitement.
Evolution des lipides
La teneur en matières grasses passe de 2 % dans le colostrum à environ 3,6 % dans le lait mature. La plupart des lipides dans le colostrum sont présents sous forme de triglycérides (au moins 97%), mais on trouve aussi des diglycérides, des monoglycérides et des acides gras libres. Leur concentration va en augmentant depuis le pré-partum, tandis que les concentrations de phospholipides et de cholestérol diminuent. Si ces derniers sont en concentration plus élevée, c’est surtout parce que les premiers globules de gras sécrétés dans le lait sont plus petits ; ils contiennent donc une plus grande proportion de 32 membranes qui sont riches en phospholipides et en cholestérol. Essentiel au développement, le cholestérol demeure présent dans le lait tout au long de la lactation. La teneur du lait en acides gras essentiels (AGE), soit l’acide linoléique (AL, 18:2 oméga -6) et l’acide α-linolénique (AAL, 18:3 oméga-3), augmente avec la maturation du lait. En parallèle, la proportion des acides gras à longue chaîne des séries oméga-6 et oméga-3 diminue considérablement pendant le premier mois, soit d’environ 38% pour l’acide arachidonique (ARA) et 50 % pour l’acide docosahexanoïque (DHA). Toutefois, puisque la teneur totale du lait en matières grasses augmente avec la durée de l’allaitement, la quantité totale d’acides gras polyinsaturés à longue chaîne (AGPILC) que reçoit l’enfant est assez stable.
Evolution des oligosaccharides
La concentration d’oligosaccharides dans le lait est élevée au cours des premiers jours. Ces glucides sont réputés être de puissants agents protecteurs contre diverses infections. Leur concentration atteint plus de 20g/l ou 2 % du poids du lait au jour 4 après la naissance puis diminue pour se stabiliser du premier mois jusqu’à au moins 3 mois d’allaitement. Bien que le mode d’accouchement (vaginal ou par césarienne) définisse la colonisation microbienne prédominante du nouveau-né au cours des premiers jours, c’est le mode d’alimentation qui en est la principale influence après la première semaine de vie, quel que soit le mode d’accouchement. Le nouveau-né allaité aura une flore intestinale bifidogénique (bonnes bactéries), c’est-à-dire à prédominance de lactobacilles et de bifidobactéries (90 %), alors que chez le nouveau-né non allaité, on ne trouve que 40 à 60 % de bifidobactéries. Les oligosaccharides contenus dans le lait humain en seraient les principales composantes bifidogéniques. Il s’agirait de vrais prébiotiques. De grosses molécules ayant un important pouvoir de protection dominent donc les sécrétions mammaires au cours des deux premiers jours du post-partum (immunoglobulines, lactoferrine, oligosaccharides, etc.). C’est d’ailleurs pendant ces premiers jours que le nombre de cellules immunologiquement actives est à son plus haut niveau. La valeur nutritive totale du lait est alors faible, simplement parce que le volume de lait transféré à l’enfant est lui-même faible à ce moment-là.
Quelques autres composantes.
Le colostrum est particulièrement riche en vitamine A préformée, en caroténoÏdes et en vitamine E. Le béta-carotène lui donne sa couleur jaune. Le colostrum facilite l’établissement d’une flore composée de bifidus dans le tractus digestif du nouveau-né, de même que l’élimination du méconium. Ce dernier contiendrait un facteur de croissance essentiel pour le lactobacillus bifidus et deviendrait par le fait même le premier milieu de culture dans l’intestin stérile du nouveau-né. 33 III.1.1.3. Variations quotidiennes du lait maternel. À la suite de l’évolution rapide des premiers jours et une fois la lactation établie, c’est la quantité de lipides dans le lait qui est l’élément le plus variable. Toutefois, la croissance des nourrissons n’est pas associée à la teneur du lait en matières grasses. Il semble plutôt que le nourrisson qui boit un lait moins gras compense en prélevant une plus grande quantité de lait, cette compensation menant à son tour à une plus grande production. Aussi, un plus grand volume de lait est-il associé à une plus faible concentration en matières grasses. La concentration de matières grasses dans le lait varie au cours d’une même tétée (elle augmente du début à la fin de la tétée), au cours de la journée (elle est plus élevée l’après-midi et le soir que durant la nuit), dans le temps (elle diminue entre un et quatre mois et augmente de nouveau vers 12 mois) et d’un individu à l’autre. Elle peut aussi varier d’un sein à l’autre chez la même mère. Les valeurs moyennes de la teneur en matières grasses du lait maternel ne sont que des valeurs moyennes et ne peuvent prédire la teneur en matières grasses du lait d’une mère en particulier. Divers facteurs sont souvent énoncés comme étant associés à la variabilité dans la teneur en matières grasses du lait, les principaux ayant trait : – à la quantité de lait consommée à la fois lors de la dernière tétée et lors de la tétée actuelle : plus la quantité consommée dans une tétée est grande, plus l’augmentation de matières grasses entre le début et la fin de la tétée est grande ; – au temps écoulé depuis la dernière tétée : plus l’intervalle est grand entre deux tétées, moins la concentration de matières grasses est élevée ; et – à la teneur en matières grasses à la fin de la dernière tétée : il ne s’agirait toutefois pas d’un signal de satiété comme on l’a cru pendant plusieurs années. Le volume de lait produit dans chacun des seins diffère tout au long de la lactation, toutefois, la concentration du lait produit par chaque sein est la même, qu’il s’agisse de l’énergie, des matières grasses, des protéines ou du lactose. Chez une même mère, la quantité de matières grasses obtenue pendant 24 heures semble assez stable malgré les variations pouvant se produire au cours de la journée et au cours d’une tétée.
Introduction |