Connaissance sociale de l’Annona senegalensis
Dans les zones d’étude, 98,91% des personnes enquêtées connaissent l’espèce. Les résultats montrent que la connaissance et l’utilisation d’Annona senegalensis sont répandues sur toutes les tranches d’âge. Cette utilisation prédomine chez les personnes âgées de plus de 60 ans soit (40,88%) suivies par la tranche d’âge comprise entre [40 à 60] ans soit (35,92%) viennent en fin les personnes âgées de moins de 40 ans (Figure 10).
La plante et ses dérivés sont plus utilisés par les hommes pour 63,34% contre 36,46% des femmes. La grande majorité des personnes qui connaissent l’espèce sont des analphabètes (78,45%). Néanmoins, les personnes ayant le niveau d’étude de l’école primaire ont un pourcentage de connaissance de la plante non négligeable (12,71%), contre 5,52% et 3,31% pour celles ayant respectivement un niveau d’étude secondaire et supérieur et qui ont montré une certaine méconnaissance de l’arbuste (Figure 11).
L’Annona senegalensis est une plante annuelle dont le cycle végétatif se déroule pendant la saison des pluies. Selon les personnes enquêtées la période de floraison se situe entre les mois de mai et juin. La période idéale pour la récolte du fruit s’étalerait en début d’hivernage (pour 81,29% des cas) et à la fin d’hivernage (pour 18,71% des cas). Pour la conservation du fruit, le plus souvent il est mis dans des sacs d’oignon ou dans des paniers perméables.
Consommation et autres usages de la plante
D’après les résultats de l’enquêtes, la plante est particulièrement utilisée sur le plan thérapeutique (83,61%) et alimentaire à travers son fruit (97,81%). La pulpe du fruit est souvent sucée à cause de sa saveur sucrée. Les parties utilisées sur le plan thérapeutique sont classées par ordre d’importance décroissante : les feuilles (68,63%), les écorces des tiges (52,29%), les racines (33,99%), les rameaux (32,68%), les fruits (5,23%) (Figure 12). Les résultats de l’enquête ne signalent aucun usage des graines ni de l’huile qu’elles devraient contenir.
Afin de faciliter l’extraction des principes actifs, plusieurs modes de préparations sont employés pour une administration efficiente aux traitements des patients. Ainsi, les populations, utilisent le plus souvent la macération (75,82%) dans l’eau, par la suite arrive la décoction autour de 55,56%. En fréquence plus rare certaines personnesutilisent la pulvérisation (28,1%), l’infusion (3,92%) ou la fumigation (1,96%) (Figure 13) pour se soigner. Ci-dessous nous représentons l’histogramme des différentesméthodes de préparation utilisées.
La littérature [38 ; 39] rapporte que l’Annona senegalensis est une plante très prisée dans le traitement de diverses maladies. Les interrogations ont porté aussi sur les thérapies administrées aux patients qui souffrent de différentes formes de pathologies. Pratiquement toutes les maladies courantes dans la zone sont traitées par l’Annona senegalensis. Les pathologies qui sont les plus traitées par les différentes parties de la plante sont nombreuses et variées : les maux de ventre soit 33,97%, la diarrhée (29,41%), la dysenterie (20,92%). (Figure 14). Pour des raisons de conservation surement, l’enquête a fait ressortir l’intérêt de récolter les feuilles tôt le matin et l’écorce de tige ou la racine en pleine journée. Nous donnons ci-dessous les proportions dans lesquelles la plante est utilisée dans le traitement de différentes pathologies.
Discussion
Connaissance d’Annona senegalensis
La connaissance et l’usage de la plante dépendent largement de la tranche d’âge des personnes investiguées. Le taux de connaissance le plus faible est noté chez les personnes âgées de moins 20 ans (2,21%). Cette tendance semble normale, car la connaissance des propriétés et des usages des plantes médicinales est généralement acquise suite à une longue expérience accumulée au fil des âges et transmise d’une génération à l’autre [41]. D’ailleurs, ceci est à corréler avec la faible utilisation des vertus de la plante pour les personnes appartenant à la tranche d’âge comprise entre [20- 40] aussi bien dans la thérapie que dans l’alimentation. La plupart des personnes en relation avec l’espèce sont des analphabètes (78,45%) et sont âgées en général de plus de 60ans. Ce pourcentage relativement élevé est en relation directe avec le niveau d’étude. En effet plus le niveau d’étude s’élève, plus la méconnaissance de l’intérêt de la plante croit aussi. Nous pouvons supposer que l’expérience acquise par le troisième âge au cours de la vie et la familiarisation avec la nature comme étant des catalyseurs des usages de la plante.
Consommation et différents usages de l’Annona senegalensis
Selon l’interview, l’Annona senegalensis est une plante à la fois alimentaire et thérapeutique utilisée le plus par les hommes que les femmes. Cette tendance pourrait être expliquée par le fait que les hommes utilisent la plante pour se protéger des mauvais sorts (protection de familles ou les nouveaux circoncis), bénédiction de mariages et aussi comme talisman pour assurer une longue et verte vieillesse [42]. Le jus contenu dans le fruit est sucé ce qui fait de l’Annona senegalensis un fruit saisonnier. Toutefois une tendance baissière de l’utilisation des racines est à noter, compte tenu de la pression des services de protection de l’environnement.
Toutes les parties végétatives sont utilisées à l’exception des graines et fleurs.
Cependant, l’usage des feuilles et des écorces de tiges prédomine sur les autres parties.
Pour une administration plus efficace, les populations cherchent toujours la méthode la plus simple pour préparer les phytomédicaments. Ainsi les résultats montrent que la macération et la décoction sont les méthodes les plus utilisées par la population. Ces résultats confirment les études de Dongock et al, (2018) qui montrent que les feuilles et écorces de tige, la macération et la décoction sont respectivement les parties et les modes de préparation les plus utilisés chez les populations pour le traitement de différentes maladies. Ils s’opposent par contre aux résultats d’autres études (Adjakpa, 2016) qui révèlent que les feuilles et les racines, le broyage, la trituration et la décoction étaient respectivement les organes et les méthodes de préparation les plus couramment utilisés en médecine traditionnelle.
Maladies traitées par Annona senegalensis
D’après les résultats, l’Annona senegalensis est utilisé dans le traitement de maladies infectieuses et parasitaires telles que : le paludisme, la diarrhée et la dysenterie ; les travaux de Fall et al. (2003), ont permis de mettre en évidence une activité antiparasitaire des extraits des racines d’Annona senegalensis sur une souche résistante de Plasmodium falsiparum. Les mêmes auteurs ont isolé et identifié des acétogénines dans les racines de plantes, ce qui pourrait expliquer l’activité antiparasitaire de la drogue [43], les maladies de l’appareil digestif telles que : l’ulcère et l’hémorroïde, la constipation et d’autres comme le diabète, l’anémie et l’hypertension. C’est ainsi que l’extrait de méthanol d’écorce de tige d’Annona senegalensis diminuerait le temps de transit intestinal en atténuant les contractions spontanées de l’intestin fournissant ainsi une contribution dans le traitement de la diarrhée [44] et possèderait une activité antipaludique [45]. Selon Ouattara (2005), les racines macérées ou décoctées dans de l’eau, les feuilles fraichement mâchées de l’Annona senegalensis sont utilisées en médecine traditionnelle dans la lutte conte la diarrhée et la dysenterie [46]. Selon Bruneton (1993) les tanins utilisés per os ont un effet anti diarrhéique [47]. L’extrait de feuille d’Annona senegalensis possède des potentiels inhibiteurs comparativement modérés vis-à-vis des actions d’enzymes tels que l’α-amylase et l’α-glucosidase, attribués aux composés détectés validant pleinement l’utilisation traditionnelle d’Annona senegalensis dans le traitement du diabète [48].
L’extrait de n-hexane d’Annona senegelensis démontrait ses propriétés anticancéreuses en améliorant l’architecture du foie, en augmentant les systèmes de défense antioxydants, en régulant à la baisse l’expression des acides ribonucléiques messagers (ARNm) proinflammatoires, anti apoptotiques, angiogéniques, alpha-fétoprotéine et farnésyl transférase et jusqu’à présent réguler à la hausse l’expression des ARNm suppresseurs de tumeur [49].
Conclusion
Ce travail sur l’Annona senegalensis réalisé dans la région de Kolda, a permis de dégager quelques vertus thérapeutiques et alimentaires de cette plante et les considérations liées à cette espèce. La diversification dans l’utilisation de cette plante est liée à celle de ces organes végétaux. L’Annona senegalensis est utilisée dans cette région du Sénégal pour ses propriétés thérapeutiques, alimentaires voire mystique. Pratiquement toutes les parties de la plante sont utilisées ; les feuilles, les rameaux, les écorces, la racine, le fruit.
Les dérivés de la plante ont montré une activité assez intéressante contre les maladies infectieuses de l’appareil digestif. Aussi il serait intéressant de faire un criblage phytochimique d’éventuelles molécules bioactives qui seraient des vecteurs de cette activité et de vérifier la toxicité comparée à l’utilisation de l’Annona muricata.
En perspective, ce travail pourrait contribuer sur la phyto-formulation de solutions capables de soulager les maladies telles que celles de l’appareil digestif.
Recommandations
Pour l’utilisation des plantes médicinales se rapprocher toujours d’une personne expérimentée tels que les tradipraticiens, les herboristes,
Consommer les organes comestibles de la plante pour leur richesse en vitamines, en métabolites secondaires, et leurs propriétés nourrissantes,
Pour effectuer des enquêtes ethnobotaniques auprès de thérapeutes traditionnels il serait indispensable de créer une atmosphère de confiance. Il faut ensuite faire preuve de patience, de vigilance (ne pas biaiser les réponses) et surtout de ténacité, respecter la pudeur de l’entretien,
Pour les agents sanitaires poursuivre les investigations pour une franche collaboration avec les thérapeutes traitant les pathologies avec l’Annona senegalensis.