Conditions d’habitabilité

Conditions d’habitabilité

L’habitabilité telle que définie ci-dessus implique l’existence d’eau liquide sur une planète semblable à la Terre et dépend donc de l’intensité du rayonnement de l’étoile mère (liée au type de l’étoile, sa grandeur et sa masse) et de la distance de la planète à l’étoile mère qui conditionne sa température de surface [Javaux and Dehant, 2010]. Cela a été reconnu il y a longtemps, mais ce n’est que dans les dernières décennies, lorsque les exo planètes ont été découvertes, que les astronomes ont commencé à définir les HZs. Le concept de HZ a été introduit par Huang [1959, 1960] et a été affiné par Dole [1964], Shkovskii and Sagan [1966], et Hart [1979] qui ont pris en compte la masse planétaire, la rotation, l’obliquité, les variations d’insolation, la dynamique atmosphérique (par exemple, la convection et les nuages) et les processus de transfert de rayonnement. Les limites de la zone varient également temporellement avec l’évolution de l’émission de l’étoile mère. Ainsi, la HZ a été présentée comme une zone qui reste habitable autour d’une étoile pendant une période de temps donnée [Hart, 1978]. La limite interne de la HZ est définie comme étant la distance à l’étoile mère en deça de laquelle l’effet de serre divergent vaporise la totalité de l’eau présente dans l’océan et induit en conséquence la photodissociation de la vapeur d’eau et la perte de l’hydrogène vers l’espace [McKay and Stoker, 1989; Kulikov et al., 2007; Lammer et al., 2008; Tian et al., 2008]. La limite externe de la HZ est définie comme étant la distance à l’étoile mère au delà de laquelle l’effet de serre ne parvient pas à maintenir la température de surface de la planète au-dessus du point de congélation [Kasting et al., 1993]. L’effet de serre est causé par des composés qui absorbent très efficacement le rayonnement dans l’infrarouge, mais pas dans le visible. En effet, lorsque le rayonnement solaire atteint l’atmosphère ou la surface d’une planète, une partie est directement réfléchie et renvoyée vers l’espace. Cette réflexion du rayonnement solaire dépend de l’albédo de la surface réfléchissante. Plus cette surface est claire, plus son albédo est élevé et la part du rayonnement solaire réfléchi en surface importante. Ainsi, les nuages blancs et les surfaces claires d’une planète (comme les régions polaires sur Terre) sont les principaux responsables de la réflexion partielle du rayonnement solaire. Le reste du rayonnement solaire est absorbé par la surface planétaire (dans des régions où l’albédo est faible). Ce rayonnement absorbé apporte de l’énergie sous forme de chaleur à la planète, qu’elle réémet sous la forme de rayonnement infrarouge vers l’atmosphère : c’est un rayonnement de type corps noir. Une partie de ce rayonnement infrarouge est absorbée par les gaz à effet de serre de l’atmosphère (principalement H2O, CO2 et CH4), tandis que l’autre partie est émise vers l’espace. Selon leurs quantités présentes dans l’atmosphère, les gaz à effet de serre vont réémettre une partie plus ou moins significative de ce rayonnement infrarouge vers la surface, le reste étant réémis vers l’espace. La figure 1.3 résume schématiquement ce mécanisme. 

Formation des planètes telluriques 

La compréhension de la formation des planètes telluriques est un préalable important dans la cadre de cette thèse, puisqu’elle permet, à la fois de situer l’étude dans le contexte de l’accrétion planétaire, mais aussi de mieux cerner les contraintes physico-chimiques liées à la formation des planètes. La formation de notre soleil a eu lieu il y a environs 4.6 Ga lors de l’effondrement sur lui-même d’une partie du nuage protosolaire. Très vite, un disque protoplanétaire s’est formé autour de la toute jeune étoile où les grains de poussières se sont regroupés. Au cours du temps, les grains de poussière se sont agglomérés par des mécanismes encore peu connus, jusqu’à atteindre une taille de l’ordre du kilomètre pour former des planétésimaux. Par la suite, l’attraction gravitationnelle entre les planétésimaux a entrainé des collisions entre eux générant une nouvelle dynamique d’accrétion. Certains planétésimaux ont alors grossi jusqu’à une taille de plusieurs centaines de kilomètres pour former des embryons planétaires. Cette phase est appelée la phase “Runaway growth”. Enfin, lorsque les masses des embryons planétaires sont devenues importantes et que les perturbations qu’ils générent ont commencé à gouverner la dynamique d’accrétion, les planétésimaux restant n’ont quasiment plus participé qu’à l’accroissement des embryons planétaires jusqu’à une taille de plusieurs milliers de kilomètres pour former une planète. Cette phase est appelée la phase “Oligarchic growth”. De manière synthétique, l’accrétion des planètes telluriques s’effectue en trois étapes : (i) formation de planétésimaux, puis (ii) formation d’embryons planétaires et enfin (iii) formation des planètes. L’apport de l’eau sur les planètes telluriques est un sujet encore débattu aujourd’hui. Il existe différentes sources possibles telles que l’origine nébulaire, le bombardement cométaire ou encore l’accrétion de planétésimaux provenant du système solaire extérieur [Ikoma and Genda, 2006; Delsemme, 1992, 1999; Morbidelli et al., 2000; Raymond et al., 2004, 2005, 2006, 2007; O’Brien et al., 2006; Lunine et al., 2007]. Il semblerait cependant que l’eau ait été apportée sur les planètes telluriques en grande partie au cours de leur accrétion [O’Brien et al., 2010; Morbidelli et al., 2012] (Voir Fig. 1.1). La période traitée dans cette thèse se situe vers la fin de l’accrétion des planètes, lors de la phase “Oligarchic growth”. Bien que les deux premières étapes ne soient pas incluses dans la période de temps étudiée dans cette thèse, elles restent cependant importante pour introduire et comprendre la formation des planètes telluriques. En effet, les caractéristiques physiques et surtout chimiques des planètes telluriques (en particuliers leur composition en eau) sont déterminées principalement lors de ces deux premières étapes. Les sections qui suivent s’appuient fortement sur les travaux effectués par Morbidelli et al. [2012] sur la dynamique d’accrétion des planètes telluriques du système solaire. 

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Formation des planétésimaux

 A l’origine, à la place de ce qui deviendra le système solaire, il y a un nuage protosolaire constitué de gaz et de poussières. Au cours du temps, des instabilités gravitationnelles s’y développent localement, entrainant l’effondrement partiel de ce nuage sur lui-même et la formation d’une étoile, ici notre soleil. A la suite de cet effondrement un disque proto-planétaire se forme autour de la toute jeune étoile dû à la conservation du moment angulaire de la matière qui le constitue (e.g. [McCaughrean and O’dell, 1996; Kenyon and Hartmann, 1995]). Dans ce disque, les grains de poussière sédimentent en une couche fine au niveau du plan médian du disque [Weidenschilling, 1980]. Le passage de ces grains de poussière à des planétésimaux de taille kilométrique reste mal connu. En effet, on pourrait penser que le fait de se concentrer vers le plan médian collerait les grains entre eux pour former des objets de plus en plus grands à travers un processus d’accroissement ordonné. Mais les particules de taille centimétrique sont trop petites pour entrer en collision entre elles par gravitation et trop grosses pour se coller ensemble à travers des forces électrostatiques. De plus les grains sont entrainés vers l’étoile par le gaz [Weidenschilling, 1977]. Leur vitesse de dérive, qui dépend de leur taille, serait si grande (plusieurs cm/s) que les collisions entre des particules de tailles différentes ne les agglomérerait pas mais les briserait [Wettlaufer, 2010]. Une alternative au processus d’accroissement ordonné est la formation de planétésimau due à la gravité collective des essaims de particules de poussière concentrés dans certaines zones tourbillonnaires [Johansen et al., 2007; Cuzzi et al., 2008]. Ces modèles “gravitoturbulent” [Morbidelli et al., 2012] peuvent expliquer la formation de planétésimaux de taille d’environs 100 km ou plus sans avoir à passer par des tailles intermédiaire, contournant ainsi le problème énoncé précédemment. La distribution en taille des objets dans la ceinture astéroïdale et de Kuiper, dont la plupart de la masse est concentrée dans des objets d’environ 100 km, vient en appui à ce scénario. Bien qu’il reste encore quelques points à éclaircir sur ce sujet, cela fournit malgré tout une première réponse au mystère de la formation des planétésimaux à partir des grains de poussière. Une fois qu’il y a suffisamment de particules concentrées dans une région du disque, le temps de formation des planétésimaux est très court [Johansen et al., 2007; Cuzzi et al., 2008]. Cependant, la formation de ces poches (essaims) de particules concentrées s’effectue de manière sporadique [Cuzzi et al., 2010; Chambers, 2010] et de fait la formation des planétésimaux peut s’étendre sur une longue période. 

Les embryons planétaires

 Une fois que suffisamment de planétésimaux sont présents dans le disque proto-planétaire et que les dynamiques d’accrétion sont dominées par l’effet d’attraction gravitationnelle entre eux, la seconde étape peut commencer. Durant cette phase d’accrétion appelée “Runaway growth”, les gros corps grossissent plus vite que les petits et leur différence de masse augmente. Au début, il n’y a que peu de gros corps et la dynamique d’impact est gouvernée par les petits corps. L’accroissement de la masse d’un corps est la condition pour le “Runaway growth”. Ce dernier s’effectue sur des échelles de temps qui dépendent du temps Képlérien (c’est-à-dire le temps pour que les orbites de deux corps se rencontrent), de la taille des planétésimaux et de la densité locale de matériaux solides disponibles qui déterminera à la fin de cette phase la taille maximale des embryons. Pour une densité locale de matériaux solides disponibles raisonnable, Morbidelli et al. [2012] ont déterminé que ce processus peut former des embryons planétaires dont la masse va de celle de la Lune à celle de Mars, à une distance au soleil de 1 UA et sont séparés entre eux par une distance d’environ 0.01 UA, en 100 000 ans à 1 Ma. Le “Runaway growth” s’achève lorsque les masses des gros corps deviennent importantes [Ida and Makino, 1993] et les perturbations générées par les gros corps commencent à gouverner la dynamique d’accrétion [Morbidelli et al., 2012]. A ce stade les petits corps restants ne collisionnent plus que très rarement entre eux et participent plutôt à l’accroissement des embryons planétaires : on appelle cela la phase “Oligarchic growth” [Kokubo, 1998; Kokubo and Ida, 2000; Chambers, 2006]. En résumé, l’accroissement des planétésimaux en embryons planétaires s’effectue sur un temps très court impliquant de ce fait une dynamique d’impacts rapide et efficace.

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