1.2.3 La suppléance à la journée Selon l’entente intervenue entre le Comité ·patronal de négociation pour les commissions scolaires francophones (CPNCF) et la Centrale des syndicats du Québec (CSQ) pour le compte des syndicats d’enseignants qu’elle représente, un enseignant suppléant occasionnel se définit ainsi: «Toute personne, sauf une enseignante ou un enseignant régulier, qui remplace une enseignante ou un enseignant absent» (CPNF et CEQ, 2000 : 6). Dans le cahier remis par la Fédération des syndicats de l’enseignement (FSE) intitulé «Les droits des enseignantes et enseignants à statut précaire», il est fait mention que, sauf s’il s’agit de longues périodes de remplacement, «la suppléance ne donne pas droit à un contrat. Par ailleurs, la suppléante ou le suppléant qui obtient un contrat à temps partiel ne demeure pas une suppléante ou un suppléant occasionnel : elle ou il devient une enseignante ou un enseignant à temps partiel » (FSE et CSQ, 2001 : 9). Même éligible à un poste à temps plein, l’enseignant débutant commence habituellement par faire de la suppléance à la journée, pour ensuite obtenir un, puis deux contrats prédéterminés3 et se retrouver sur la liste de priorité.
Le cheminement n’est pas linéaire et peut varier d’une personne à l’autre comme le souligne Mukamurera (1998 : 370) : « Il apparaît d’abord clairement que les trajectoires d’insertion des jeunes enseignants sont des processus temporels nonlinéaires. Dans les cas analysés, il n’existe pas en effet d’itinéraire typique comportant le déroulement d’une suite de phases ou d’étapes clairement définies une fois pour toutes. » Il apparaît donc possible de voir de plus en plus de diplômés avec la cote « A » être appelés à faire de la suppléance ou des contrats indéterminés (non préalablement déterminés)4. La cote « A » ouvre les portes à deux possibilités: premièrement, avoir accès à la liste de priorité d’emploi (selon les conditions de cette dernière) et, deuxièmement, être appelé parmi les premiers – selon le choix des directions – pour des contrats prédéterminés ou non ainsi que de la suppléance (s’il n’y a pas de contrats disponibles). De plus, si un poste est affiché au repêchage des contractuels, seulement la personne ayant les qualifications dans le champ d’enseignement et étant la plus ancienne sur la liste de priorité d’emploi dans ce même champ peut obtenir ce poste. Si la liste est épuisée, l’enseignant ayant obtenu la cote « A » devrait normalement être éligible au poste. Avoir la cote « B » est sensiblement la même chose qu’avoir la cote « A » si l’enseignant est sur la liste de priorité.
Liste de priorité d’emploi
La liste de priorité d’emploi a été établie par entente entre le syndicat des enseignants (SEUAT) et la Commission scolaire Rouyn-Noranda. Adoptée en 1994 puis, modifiée en 1996, elle s’applique à toute personne ayant obtenu deux contrats préalablement déterminés en deux ans ou trois contrats préalablement déterminés à l’intérieur de cinq ans, ou encore plus récemment – juin 1996 – trois contrats non préalablement déterminés en quatre ans. Comme son nom l’indique, cette liste accorde une priorité d’embauche aux enseignants possédant ces deux préalables. L’ordre de priorité est décrit dans le paragraphe suivant. La commission scolaire fait d’abord appel à tous les enseignants se retrouvant sur la liste de priorité d’emploi ayant obtenu un « A » au classement lors de l’entrevue de sélection. Ces derniers sont classés par champs. Puis, par la suite, elle fait appel à tous les enseignants débutants inscrits sur la liste et ayant obtenu un « 8 » au classement lors de leur entrevue. Les enseignants ayant eu la cote «A» choisissent donc avant les enseignants ayant eu la cote «8», à condition que les deux parties soient sur la liste de priorité. Des modifications à la liste de priorité d’emploi ont eu lieu, en 2001, en remplacement de l’entente entre le SEUAT et la CSRN. Cette entente plus récente prévoit qu’au 15 août de chaque année, la commission scolaire doit mettre à jour ses listes par différents champs d’enseignement tels qu’il est indiqué dans le tableau 1.1 page suivante. Elle précise aussi que le contrat à temps partiel préalablement déterminé doit être supérieur à 33% au cours de deux des trois ou quatre années scolaires qui précèdent. On y retrouve une clause spécifique aux enseignants d’enseignement moral et religieux ou enseignement moral au primaire. Ainsi, le suppléant à qui l’on a fait signer un contrat de plus de 25% au cours de deux des quatre années scolaires qui précèdent se retrouve aussi sur la liste de priorité d’emploi.
Formation initiale depuis 1994-1995 Depuis 1994-1995, la formation initiale a pris une toute autre forme. En effet, les cours dispensés incluent quatre stages dont le dernier sur une période consécutive de quatre mois. Les stages doivent totaliser un minimum de 700 heures de présence à l’école (MEQ, 1994). À l’Université du Québec en AbitibiTémiscamingue, les stages sont généralement répartis de la façon suivante dans la plupart des programmes de la formation des maîtres : L es stages au b acca aureat Tableau 1.2 d e 1a f ormar 1 on presco 1a 1• re e t pnma1re a. I’UQAT Plusieurs auteurs dont Nault (2004) et Mukamurera (1998) soulignent l’importance des stages dans la formation à l’enseignement et dans l’aide à l’insertion professionnelle. La durée du dernier stage permet au stagiaire de se créer des relations dans le milieu, de faire sa marque, de connaître une école et sa clientèle, de se faire valoir auprès de la direction ou des autres collègues afin, éventuellement, d’être bien connu avant l’entrevue de sélection. De plus, les enseignants interrogés lors de la recherche de Mukamurera (1998: 318) ont fait mention de l’importance des stages dans leur développement professionnel: «La meilleure stratégie de recherche d’emploi est de commencer par trouver un bon endroit de stage .. . »
Plusieurs commissions scolaires du Québec ont donc, avec le stage de longue durée et l’abolition de la probation pour les enseignants formés dans le baccalauréat de quatre ans, développé et mis sur pied des politiques d’accueil et d’insertion pour les nouveaux enseignants. Il s’agit, entre autres, de sites Internet pour échanger, d’accueil plus protocolaire ou des rites initiatiques pour souhaiter la bienvenue aux nouveaux arrivants, de sessions de formations et d’échanges pour les nouveaux. Ce sont là des façons de faire pour insérer les novices qui gagnent à être connues. Il n’en demeure pas moins que peu d’enseignants débutants sont accompagnés d’un mentor pour les soutenir et les guider tout au long de leurs premières années notamment lorsqu’il s’agit de problèmes externes à la classe comme les conditions et les pratiques d’embauche. Le monde de l’enseignement est donc bien conscient qu’il y a encore des difficultés vécues par les enseignants débutants lors de leur insertion sur le marché du travail et plusieurs recherches confirment qu’il y a une volonté grandissante de trouver les solutions les plus adéquates possibles pour minimiser ces difficultés (Gouvernement du Québec, 2004; ministère de l’Éducation, 2002). Mais que connaissons-nous de la perception qu’ont les enseignants débutants en région périphérique et faiblement peuplée sur ce qui cause réellement problème lorsque l’on parle de conditions d’embauche? Et qui s’en préoccupe dans les milieux scolaires? Il nous semble donc important d’explorer les difficultés relatives aux conditions d’embauche perçues par les enseignants débutants et qui pourraient éventuellement nuire à leur cheminement dans le cadre de leur insertion professionnelle.
La pertinence de la recherche
L’entrée dans le métier est donc une étape très importante dans la carrière de l’enseignant, elle se répercute sur les élèves, l’école et la société. Le ministère de l’Éducation avait même prévu engager des milliers d’enseignants. Environ «45 000 enseignants engagés pour 60 000 finissants en 2004» (MEQ, 1995: 6-7). Le ministère de l’Éducation constate cependant qu’il y a des lacunes importantes concernant l’insertion des enseignants. En fait, il n’est pas le seul à faire ces constats. Le Comité d’orientation de la formation du personnel enseignant (COFPE, 2002) a recommandé dans son avis publié en mars de dresser un plan d’action et de mettre en place des moyens et des outils en collaboration avec toutes les instances concernées pour faciliter l’entrée dans la profession et le cheminement de carrière du jeune enseignant. Ici et ailleurs, plusieurs chercheurs se sont penchés sur l’entrée dans la profession dans le monde de l’éducation (Baillauquès, 1999; Boutet, 2004; Breuse, 1993; Desgagné, 1994; Nault 1994; Mukamurera, 1998 et bien d’autres), afin de trouver des pistes de solution qui faciliteraient l’insertion des enseignants en début de carrière.
Tout récemment encore, au colloque de mai 2004 intitulé Pour une insertion réussie dans la profession enseignante: Passons à l’action, organisé par le ministère de l’Éducation, le Comité d’orientation de la formation du personnel enseignant (COFPE) et le Centre de recherche interuniversitaire sur la formation et la profession enseignante (CRIFPE), nous avons pu constater que la problématique était toujours bien présente. Des représentants de tous les domaines de l’éducation (syndicats, enseignants débutants, enseignants d’expérience, professionnels, universitaires, directions, conseillers et chercheurs) étaient venus dans le but de faire le point sur cette problématique. Nault et Nault (2004) précisent qu’il y a encore environ 4 712 enseignants à statut précaire au Québec qui vivent une grande instabilité au niveau de leurs affectations professionnelles. Leur cheminement ressemble à celui de plusieurs enseignants débutants de notre commission scolaire cible (CSRN) qui sont marqués par des années de suppléance occasionnelle, de contrats préalablement ou non déterminés, de changements d’écoles, de changements de niveaux, de changements de matières et d’attente. La majorité d’entre eux vivent aussi un isolement professionnel de par leur lieu de travail (école de village5), la distance qui les sépare de la ville, le nombre restreint d’enseignants et d’intervenants dans l’école, le manque de personnes ressources auxquelles ils peuvent se confier, le manque de soutien formel de la part de la direction d’école ou des autres membres du personnel. Tous ces éléments représentent donc des difficultés d’insertion professionnelle particulières à la région.
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