CONDITIONS A DE NOUVEAUX MODELES POUR LA GESTION DES RISQUES AUJOURD’HUI
Nous avons vu dans la première partie de ce chapitre en quoi les représentations des situations à risques pouvaient induire des modes d’action particulier selon les moyens d’action existants et la connaissance que les acteurs peuvent construire des situations. Nous allons voir maintenant qu’il existe un lien fort entre la construction des représentations des situations à risques et l’élaboration d’instruments de gestion des risques et notamment lorsqu’il n’est plus question de gérer des risques, mais d’agir en situation d’incertitude. Pour aborder cette question, il nous parait important de revenir sur des modes d’action classiques mais très complexes et polysémiques. Nous analyserons, tout d’abord à ce titre, la notion de précaution qui est récurrente lorsqu’on s’intéresse à la question de la gestion des risques (2.1). Cependant, nous verrons ensuite que la précaution telle que nous l’avons abordée dans un premier temps, cantonnait notre étude à un cadre encore quasi-positiviste qui ne nous permettait de prendre en considération que des moyens d’action peu explicites en situation d’incertitude (Dupuy, 2002). Dès lors, nous aborderons, enfin, la question de la nature des incertitudes que l’on peut rencontrer dans les situations et qui contribuent à perturber les représentations des acteurs (2.2).
PROCESSUS D’EXPLORATION ET MAITRISE DE L’IGNORANCE
En l’absence de certitude quant aux situations, on pense souvent à mettre en application le principe de précaution. Celui-ci qui pourrait être défini comme mettre tout en œuvre pour agir au mieux dans des situations mal connues et pétries d’incertitude (Kourilsky & Viney, 1999). L’idée du principe de précaution étant d’agir dans le sens d’éviter un danger potentiel tout en accélérant la recherche sur le danger en question afin d’en atténuer l’incertitude. De plus, il s’agit d’agir sans certitude scientifique, sans avoir pu étudier toutes les dimensions de la situation. Il s’agit dès lors de fonder son jugement sur une science suffisamment fiable pour éviter de prendre une décision inadéquate (Henry & Henry, 2003). C’est-à-dire fonder sa décision sur l’îlot de Nous pouvons dès lors amender le modèle que nous avons développé précédemment afin d’y faire apparaître la précaution. Elle permet de commencer à gérer des situations à risques considérées a priori comme inacceptable dans l’état de la science présent, puisqu’elle concerne le traitement ou en tous les cas la prise en compte des risques potentiels (Kourilsky et al., 1999). Par contre il nous faut faire apparaître un continuum entre les situations ingérables et les situations gérables en introduisant la notion d’adéquation de l’action avec la situation. Ainsi, nous pouvons faire apparaître des actions, tel que la mise en œuvre du principe de précaution au sens de Kourilsky et Viney, qui implique de tout faire pour « agir au mieux » dans les situations d’incertitude (p 8). Les actions en précaution en tant qu’actions à concevoir ne peuvent être parfaitement adaptées au traitement de situations mal connues. Plus précisément, la conception de la situation au sens où peuvent l’entendre Schön (Argyris et al., 1996) ou Weick (Weick, 1995), n’étant qu’en devenir, la mise en œuvre d’outils de gestion de ces situations empruntera nécessairement des techniques connues remaniées par rapport aux connaissances disponibles. C’est le faire comme si nous étions dans une situation à risques bien définie. On introduit ici de l’incertitude sur l’adéquation des moyens à la situation ce qui permet de mettre en exergue la notion d’efficacité de l’action de précaution. Dès lors le tableau précédent, qui croisait l’acceptabilité avec la gérabilité des risques devient : On remarque qu’à nouveau, les modes d’action dans les situations à risques que nous avons pu mettre en évidence, ne permettent pas de mettre en lumière la façon dont les acteurs sont en mesure de gérer l’incertitude qui émaille les situations dans lesquels ils évoluent. On note toutefois qu’envisager le principe de précaution comme un mode d’action à part entière tel que le pense Kourilsky et Viney dans leur rapport au premier ministre permet de s’extraire d’une vision immobiliste de ce même principe. Or, c’est cette vision du principe de précaution qui a été mis en avant dans le passé en opposant presque systématiquement la précaution à l’esprit d’entreprise, c’est à dire à la prise de risques. Il nous faut donc nous poser la question des nouveaux modèles de la gestion des risques aujourd’hui.